Pour montrer qu’ils n’ont pas mis sous le boisseau leur intérêt pour le retour à l’ordre constitutionnel, les autorités de la transition ont initié des activités dont le Programme national de recensement administratif à vocation d’état civil (PN-RAVEC). Il y a quelques mois, ce programme a commencé timidement, quasiment dans l’indifférence générale. Le Gouvernement a vite cadré les raisons du manque d’ardeur des populations à se faire enrôler : l’absence ou la faiblesse de civisme. Pour pallier cette carence, les membres du gouvernement développent, ces temps-ci, une intense sensibilisation des populations. A cet effet, ils se sont même repartis en parrains et marraines entre les différentes préfectures du pays pour y assurer une animation adéquate afin d’améliorer le degré de civisme. Si on avait suivi Gassama Diaby, l’ex-ministre des Droits de l’Homme, le civisme en Guinée se porterait mieux. Hélas !

Evoquer l’état calamiteux du civisme des Guinéens est une lapalissade. On s’en rend-compte au quotidien, dans tous les secteurs d’activités de la société. Comme on l’a noté dans le cadre du PN-RAVEC, l’enthousiasme n’était pas au rendez-vous à l’entame de l’opération. Aussi, s’agissant de la propreté et de l’hygiène individuelles et collectives, la promotion et l’enracinement du civisme se heurtent à une véritable résistance. L’impossibilité de débarrasser la ville de Conakry des immondices que les eaux de ruissèlement entrainent dans les caniveaux qu’elles obstruent, est en grande partie liée à l’incivisme des usagers. Nul n’ignore dans la capitale guinéenne que les femmes répandent leurs ordures ménagères solides dans les caniveaux dès qu’éclatent les averses, pour que les eaux de ruissèlement les charrient vers les zones plus basses où elles s’entachent, s’accumulent.

Cours d’éducation civique

La légendaire propreté de la ville de Kigali, au Rwanda, n’est pas fortuite. Elle repose essentiellement sur la bonne éducation civique de ses habitants. Par ailleurs, les sempiternels embouteillages qui agacent quotidiennement les Conakrykas sont provoqués en grande partie par l’indiscipline, donc le manque de civisme des conducteurs dont une masse critique ignore le code de la route.  Combien d’automobilistes et de motards en particulier les taxis motos refusent de s’arrêter aux feux tricolores, d’observer la priorité à droite, de respecter les différents panneaux de signalisation ?

Aussi, on remarque que les Guinéennes et les Guinéens éprouvent beaucoup de difficultés à se soumettre à l’ordre d’arrivée dans une file d’attente, pour bénéficier d’un avantage (accès à guichets de banque, à un moyen de transport en commun, à une caisse de magasin, entrée dans une salle de spectacle, dans un stade de football, etc.) A ces différents endroits, les gens font montre d’une impatience déconcertante, chacun voulant être servi avant les autres.

On peut conclure cette litanie d’incivisme par l’attitude, peu responsable, de nombre de citoyens vis-à-vis des infrastructures collectives (établissements scolaires et universitaires, centres hospitaliers, stades sportifs, bâtiments administratifs à usage d’habitation etc.) Ces infrastructures font parfois l’objet de graves dégradations, lors des manifestations sociopolitiques, au vu et au su de tous. L’état du civisme en Guinée est si préoccupent qu’il est temps de renforcer les cours d’éducation civique dans les écoles, les universités et au sein de la société. Les partis politiques, voire les organisations faîtières de la société civile devraient jouer un rôle prépondérant dans cette dynamique.

Abraham K. Doré