Les journalistes guinéens ont célébré la Journée internationale de la presse le 3 mai  à la Maison de la Presse, au quartier Minière, commune de Dixinn. Alors que les associations de presse ont choisi de faire un discours de complaisance sur la situation de la presse en Guinée, le Syndicat des Professionnels de la Presse de Guinée (SPPG), a relaté les faits : l’épée de Damoclès pèse sur les journalistes depuis maintenant deux ans.

La veille, le SPPG a dénoncé une tentative de censure à laquelle les associations de presse ont voulu le soumettre. D’où l’absence de discours unique entre les deux parties. Le syndicat conscient que la journée internationale vient dans un contexte particulier a travaillé sur un sous-thème intitulé : « Informer dans un pays en transition militaire, l’impact de la fermeture des médias sur les conditions de vie des journalistes et l’avenir du journalisme indépendant en Guinée ». Fidèle à sa mission de défense des journalistes, le SPPG a déploré le retrait des agréments des télés et radios ayant eu pour  conséquences, le chômage d’un millier d’employés de presse. Il a naturellement déploré la disparition du journaliste Habib Marouane Camara et les décisions de suspension contre des journalistes et leurs sites d’infos, ou encore les cas des détentions arbitraires, de séquestrations, intimidations, menaces, censures ou l’autocensure, par peur de représailles. « Les professionnels guinéens se demandent réellement ce que sera  l’avenir des journalistes et du journalisme indépendants dans notre pays? », s’est interrogé Sékou Jamal Pendessa, le secrétaire général du SPPG. Selon lui,  rien que pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2024, la 3e édition du rapport annuel du SPPG sur la liberté de la presse a documenté 70 atteintes graves à la liberté de la presse contre 23 l’an dernier. Soit 204% d’augmentation d’actes liberticides. « Dans le Classement mondial de Reporters sans frontières aussi, la Guinée a malheureusement perdu 25 points cette année. Du 78e rang qu’on a occupé en 2024, la Guinée a régressé pour se retrouver aujourd’hui à la 103e place sur 180 pays et territoires. C’est d’ailleurs l’Etat qui a le plus reculé dans le monde cette fois-ci. De la catégorie des zones en situation problématique, nous sommes passés à celle de pays en situation difficile », déclare le secrétaire général.

Non content de la situation que traversent les journalistes et la presse, Sékou Jamal Pendessa lance un appel solennel à une prise de conscience générale et au dialogue sincère pour inverser la tendance. Cet appel, dit-il, concerne à la fois acteurs du monde des médias;  patronat, syndicat de la presse, autorités guinéennes, partenaires africains et ceux de la Communauté internationale. « Chacun acteur concerné doit se rappeler des engagements pris quant à la promotion et la protection de la liberté de la presse élargie à la liberté d’expression. Des instruments juridiques et déclarations de bonnes pratiques y afférents sont nombreux », souligne-t-il.

Appel à la responsabilité  des journalistes

Pour Sékou Jamal Pendessa, si  tous les textes nationaux et internationaux donnent des droits et libertés aux journalistes dont le respect et la protection incombent en grande partie aux autorités, les professionnels des médias aussi doivent avoir à l’esprit qu’ils ont des règles d’éthiques et de déontologie à observer et des limites légales à ne pas franchir. « Le journaliste doit, par exemple, s’imposer la rigueur des principes de vérification des faits, le recoupement des sources, le respect de la vie privée, de la dignité humaine et tant d’autres. Bref, il faut avoir un sens de responsabilité très élevé dans l’exercice de ce noble métier. L’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques nous apprend que ‘’Toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi’’. L’alinéa 2 du même article dispose : ‘’Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi ».    

De la garantie de la liberté de la presse

Le SPPG demande aux autorités guinéennes de rétablir les médias fermés, pour permettre à un millier de pères et mères de famille contraints au chômage depuis un an, de « reprendre une vie normale; de publier les conclusions des enquêtes annoncées dans le dossier du journaliste Habib Marouane Camara kidnappé depuis le 3 décembre 2024, et d’user de toute la puissance de l’Etat pour le ramener à sa famille et à ses confrères; de garantir la sécurité physique et morale des journalistes; de veiller à l’implication effective du SPPG dans les réformes du secteur des médias ; de veiller au respect des engagements que l’Etat guinéen a pris à l’international en matière de la liberté de la presse élargie à la liberté d’expression notamment; de revoir à la hausse la subvention accordée à la presse et d’y prévoir la part du syndicat; de veiller, au nom de la rectification institutionnelle, à ce que le SPPG intègre la Haute autorité de la communication avec le même nombre de représentants que celui du bloc patronal pour garantir la légitimité de cette institution;  de lever la suspension du journaliste Toumany Camara ainsi que celle de son site Presse Investigation interdits pour 3 mois, et de prendre en compte ses alertes lancées pour la protection de l’environnement, afin de sauver le Parc national du Haut Niger, un patrimoine national et mondial; de prendre en compte la note technique que le SPPG lui a adressée en 2023 pour rappeler qu’en matière de diffamation ici en Guinée, la suspension ne doit intervenir que lorsque la personne diffamée l’a été en raison de son appartenance ethnique, régionale, religieuse et d’autres considérations discriminatoires; de signer enfin la Convention collective avec le syndicat de la presse pour améliorer les conditions de vie et de travail des employés, et faire du paysage médiatique guinéen un secteur organisé, respecté et prospère. Le syndicat demande aussi d’assurer la formation continue de ses employés, de rester attachée aux valeurs universellement reconnues comme la liberté de la presse,  la sécurité et l’indépendance des journalistes; d’accompagner le syndicat pour la formation des journalistes qui s’apprêtent à couvrir d’importantes échéances électorales pour un retour crédible à l’ordre constitutionnel; de soutenir les efforts de l’ONU-Droits de l’homme ayant entamé une médiation entre le syndicat et les organisations patronales de presse dans le but d’aboutir à un dialogue sincère entre les autorités et les acteurs du monde des médias ». Et vive la liberté de la presse et d’expression.

Mamadou Adama Diallo