Ce samedi 3 mai marque la journée mondiale de la liberté de la presse instaurée par l’ONU, en 1993 pour le « maintien de la vie démocratique d’un pays ». Regards sur la situation des journalistes au Cameroun, Bénin et Tchad.

Ces dernières années, au Cameroun, plusieurs hommes de médias ont été tués dont Martinez Zogo, animateur radio enlevé et torturé en janvier 2023. Fin mars, le Parlement européen a condamné la persécution des journalistes dans le pays.

Alors que la présidentielle est attendue en octobre, dans un contexte où Paul Biya, 92 ans, pourrait briguer un huitième mandat, les médias se préparent avec prudence.

Joint par RFI, Thomas Atenga, professeur de Communication à l’Université de Douala, observe que les débats se sont aseptisés et que l’âge du président reste un sujet tabou.

« Au nom du vénérable âge du candidat presque déclaré, au nom des traditions africaines où cet âge voudrait qu’il soit désormais un patriarche, il a presque une immunité des critiques que les médias qui se risquent encore à s’attaquer à son âge – pas même au fait qu’il veuille se représenter – évidemment, sont très vite repris par le CNC [Conseil national de la Communication] au nom du fait que le champ social doit être apaisé.

« On parle très peu des problèmes qui touchent la majorité des Camerounais. C’est difficile qu’il y ait un débat de fond à la fois sur la loi électorale et le système électoral. Il y a quelques médias qui s’y risquent mais qui sont tout de suite estampillés proches d’une « certaine opposition ». Pour reprendre l’expression d’un chanteur camerounais, « tout le monde veut voir ses enfants grandir », ce qui participe de l’autocensure qui est aujourd’hui une pratique assumée de beaucoup de journalistes camerounais. »

Vague de sanctions à l’encontre des médias au Bénin

Une récente vague de sanctions à l’encontre de médias indépendants souligne l’urgence de protéger la liberté de la presse au Bénin, ont déclaré Amnesty International, Reporters sans frontières (RSF) et Internet sans frontières.

Depuis le début de l’année, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) a suspendu « jusqu’à nouvel ordre » deux journaux, trois sites Internet d’information et un compte d’information Tik Tok.

Les organisations lancent cet appel, lors de cette journée de la liberté de la presse, alors que le Parlement béninois débat de la révision du Code du numérique, une loi essentielle à la protection de la liberté de la presse et de la liberté d’expression.

« Nous estimons qu’il est important aujourd’hui de profiter du projet de loi initié par le gouvernement pour modifier le code du numérique, pour mettre à niveau ce texte. Nous avons apporté notre modeste contribution à la relecture de ce texte pour que les dispositions actuelles qui enfreignent à l’exercice du droit à la liberté d’expression, puissent être modifiées conformément aux engagements que le Bénin a pris, en adhérant au mécanisme de l’examen périodique universel.

« Ce mécanisme a permis au Bénin de recevoir des recommandations de plusieurs États pairs car ces États aujourd’hui estiment qu’il y a un recours abondant à la procédure pénale à des fins de dissuasion générale en République du Bénin qui, grâce aux dispositions actuelles contenues dans le code du numérique, permet de dissuader, de façon générale, les voix critiques à l’endroit du gouvernement et dans le même temps également, qui vient fragiliser la liberté d’expression des internautes béninois sur tout le territoire national et sur toutes les plateformes qu’ils utilisent pour faire valoir ce droit à la liberté d’expression », explique Qemal Affagnon, d’Internet sans Frontières.

Au Tchad, la détention du journaliste Olivier Monodji inquiète

La situation au Tchad jette une ombre sur les célébrations de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Le journaliste Olivier Monodji est détenu, depuis près de deux mois, sans charges claires.

Joint par RFI, Yao Noël, président de l’Union des journalistes de la presse libre africaine (UJPLA) considère qu’il s’agit d’une détention opaque et inquiétante.

« Tantôt, on parle d’« intelligence » avec l’ennemi, tantôt, on parle de nouvelles inexactes. Qu’il soit présenté et qu’on sache exactement ce qui lui est reproché. Et puis, s’il a des charges qui relèvent du droit commun, qu’il soit présenté à des juridictions pour que tout simplement le droit soit dit et qu’il bénéficie de l’assistance d’un avocat.

« Les États autoritaires, issus du pouvoir militaire… pour ces régimes-là, les journalistes deviennent la cible, pour ne pas dire des ennemis à abattre. Le message principal en cette Journée mondiale de la liberté de la presse, évidemment, c’est de laisser les journalistes – pas seulement au Tchad, mais partout – exercer leur métier en toute liberté, car la place d’un journaliste, ce n’est pas la prison. La place d’un journaliste, c’est dans sa salle de rédaction. »

RFI