Le président de Transition Assimi Goïta suspend « jusqu’à nouvel ordre, pour raison d’ordre public, les activités des partis politiques sur toute l’étendue du territoire national ». La mesure annoncée ce mercredi 7 mai concerne également les associations et toute organisation à « caractère politique ». Mais les leaders de la contestation, joints par RFI, ne comptent pas s’arrêter là.

Les partis politiques s’y attendaient et confiaient leurs craintes depuis plusieurs jours. C’est désormais chose faite. Moins d’une semaine après le début d’un mouvement de contestation inédit, et à deux jours d’un rassemblement prévu vendredi 9 mai sur la place de l’Indépendance de Bamako, les autorités de transition du Mali suspendent les activités politiques dans tout le pays. L’information a été rendue publique par un communiqué lu sur la télévision d’État ORTM, ce mercredi à la mi-journée, à l’issue du Conseil des ministres.

Cette décision revient à une interdiction de fait du rassemblement, au cours duquel les partis politiques appelaient les Maliens à s’opposer au projet de dissolution des partis et, plus généralement, au maintien des militaires au pouvoir depuis cinq ans sans élections, au non-respect de la Constitution ou encore aux « taxes injustes » et aux coupures de courant.

« On ne peut indéfiniment gouverner par la peur »

Sollicité par RFI, la commission d’organisation du rassemblement explique vouloir solliciter la justice sur cette mesure de suspension, « pour son annulation immédiate en procédure d’urgence ». Une démarche qui semble avoir peu de chances d’aboutir, a fortiori d’ici vendredi.

Les organisateurs avaient déjà confié à RFI qu’en cas d’interdiction, le rassemblement serait annulé « pour ne pas tomber dans le piège de la violence » et promettaient des « plans B et C », avec la perspective d’étendre le mouvement à l’intérieur du pays et de rallier d’autres acteurs, de la société civile notamment. Mais au-delà de l’événement de vendredi, c’est désormais la moindre réunion de toute organisation à caractère politique qui est désormais interdite.

En attendant une décision collective, certains meneurs de la contestation, joints par RFI, réagissent en leur nom propre. « C’était prévisible, ils ne nous laissent plus d’autre choix que d’avancer », estime un important chef de parti. « Nous allons adapter notre stratégie », promet un ancien ministre, plus déterminé que jamais et qui voit dans cette suspension un signe de « fébrilité » et de « panique ». « On ne peut indéfiniment gouverner par la peur et les intimidations, estime encore cette source. Lorsque le peuple malien refuse et se lève, plus rien ne peut l’arrêter. »

« La manifestation allait les humilier »

« C’est une décision illégale, enrage un autre chef de parti, ils veulent éviter la manifestation qui s’annonçait massive et qui allait les humilier. » À ses yeux, « les Maliens veulent des élections, même parmi ceux qui ont soutenu les militaires au début et qui se sentent aujourd’hui trahis ».

Le volontarisme affiché par ces opposants pourrait néanmoins se heurter au risque d’arrestation, d’enlèvement extra-judiciaire – largement pratiqué depuis le début de la Transition – ou à toute autre mesure répressive. Difficile donc de dire à ce stade si cette suspension va exalter ou éteindre la dynamique naissante.

L’année dernière, les autorités de transition avaient déjà suspendu pendant trois mois les activités politiques dans le pays. Onze dirigeants politiques, qui avaient osé se réunir dans un domicile privé, avaient été emprisonnés durant plus de cinq mois.

Par RFI