Décédée à Paris le 12 mai, des suites de maladie, le corps de Professeure Fatoumata Binta Bambadjon Diallo, ancienne directrice de l’hôpital national Ignace Deen, a été rapatrié en Guinée dans la nuit du 17 au 18 mai, par la Royal Air Maroc (RAM). Le 19 mai, amis, médecins, enseignants, parents, étudiants et collaborateurs lui ont rendu un dernier hommage, suivi de son enterrement.

Après une minute de silence à la mémoire de la défunte, des témoignages et hommages pleuvent de tous côtés. Professeure Binta a été une gynécologue-obstétricienne de renom, ensuite cheffe du service de la maternité de l’hôpital Ignace Deen et présidente du Collège Ouest-africain des chirurgiens. Elle a été aussi membre du Conseil national de la transition de 2010, version Général Sékouba Konaté. Elle est la première femme judoka du pays, ceinture noire, troisième Dan. Elle a également été auteure et co-auteure de plusieurs articles scientifiques publiés.

Professeur Mohamed Mansaré Soumah, représentant du Doyen de la faculté des sciences Techniques de la Santé de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry a ouvert le bal des témoignages. Au nom du Doyen, il a adressé un dernier adieu à son « maître, maître de nos maîtres.  Nous sommes ici pour témoigner de notre profonde affection et gratitude éternelle non seulement à l’enseignante inédite qu’elle fut, mais aussi et surtout à la femme exceptionnelle, dynamique et infatigable, qui a consacré sa vie au service de la santé publique de notre pays, en particulier à la santé maternelle fœtale. Nous perdons une figure majeure de notre institution, une femme de cœur et d’esprit, d’un fort caractère toujours disponible tant sur le plan intellectuel que social. Elle a formé avec rigueur et passion plusieurs générations de médecins, ainsi que des sages-femmes, qui, aujourd’hui encore perpétuent son héritage à travers le monde. Grâce à son engagement sans faille, elle a contribué à façonner une élite médicale au service de notre système de santé et de notre pays. Mais son rayonnement ne s’est pas arrêté aux frontières de la Guinée. Elle a porté haut les couleurs de notre nation sur la scène internationale, notamment en présidant avec brio le prestigieux West African College of Surgeon, faisant ainsi briller la Guinée dans les instances scientifiques les plus respectueuses du monde. »

A en croire, le chef des services de maternité de l’hôpital national Ignace Deen et président de la Société générale de Généalogie Obsédée, professeur Tely Sy, dame Binta a tout donné pour le rayonnement de la Guinée, « pays auquel elle s’identifiait souvent ». Selon lui, « elle s’est inscrite à la faculté de médecine pour y sortir médecin. La soif du savoir l’a poussée à s’inscrire en spécialité à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, où elle sortit major de sa promotion comme gynécologue obstétrique. Elle consacra sa vie ensuite à la formation des hôpitaux, en gravant tous les échelons. D’abord, inscrite sur la liste d’aptitude aux fonctions de maître de conférences en 2006, puis professeure titulaire en 2014. Ses services rendus à la société et à la communauté lui ont valu d’être choisie comme membre du CNT en 2010, chef de service de la maternité de l’hopital Ignace Deen, et jusqu’à son décès, elle était élue présidente du Collège ouest africain des chirurgiens, fonction qu’elle n’a jamais pu assumer à cause de la maladie », regrette Pr Tely Sy.

Leadership professionnel

Mme Sy Mariam, présidente du Réseau des femmes africaines ministres et parlementaires (REFAMP), articulant difficilement les mots, a magnifié « une icône nationale et africaine ». Selon elle, professeure Binta de ses débuts modestes comme sage-femme, diplômée, jusqu’à son ascension remarquable au rang de Professeure titulaire en médecine « avait un parcours illustre, parfaitement la méritocratie intellectuelle portée par la motivation, la rigueur et l’engagement. Son parcours jalonné de diplômes de spécialisation, de distinctions honorifiques et de responsabilité prestigieuse en Guinée comme au Sénégal témoigne de ce qu’une femme africaine, animée par le courage et l’intelligence, peut accomplir au service de la nation et du continent. Professeure Binta Diallo est un modèle d’excellence et de leadership féminin », lâche-t-elle en sanglotant, avant d’ajouter : « qu’elle incarnait ce que l’Afrique désigne aujourd’hui comme les émergences grises des esprits brillants, sages, techniques, visionnaires, humanistes et passionnés par leur métier, toujours au service des besoins de nos nations. Son parcours professionnel reflète ces valeurs et met en lumière l’élite féminine africaine, tant sur le plan intellectuel que technique. (…) Elle a su conjuguer avec brio, responsabilité sociale, leadership féminin et cerveau de courage ».

Pour Professeur Hassane, Président du Conseil de l’Ordre des Médecins de Guinée, quant à lui a réitéré : « qu’un baobab est tombé », disait le professeur Norbert Lauret. « Oui, un baobab, en médecine est tombée. Les médecins sont en deuil. Les enseignants sont en deuil. Les malades sont en deuil. Le peuple de Guinée est en deuil. L’annonce de la mort du professeure Binta a provoqué une onde de choc, de tristesse, de désolation au sein du corps médical, dans les hôpitaux, dans les amphithéâtres des universités et à l’ensemble du peuple de Guinée ». À cette douloureuse occasion, au nom de l’ensemble des médecins de Guinée et à mon nom personnel, il a présenté les condoléances à sa famille biologique, ses enfants, ses sœurs, son époux, ainsi que la famille professionnelle, les médecins, les enseignants, les sage-femmes, les étudiants et le peuple de Guinée.

Professeure Fatoumata Binta Bambadjon Diallo repose désormais au cimetière de Kameroun, en laissant derrière elle, un veuf et 4 orphelins.

Parcours

Née le 22 mars 1948 à Dakar, au Sénégal avant de rentrer en Guinée, Professeure Binta a décroché son certificat d’études primaires à l’école primaire régionale de Pita en 1961. Le brevet d’étude secondaire au collège de Conakry en 1964. Elle obtient le diplôme de sage-femme d’État en 1969. Après le baccalauréat unique, série sciences expérimentales en 1975, elle intégra la faculté de Médecine, premier, où elle obtenu degré en 1976-19977, en plus le doctorat en 1982, avant d’être engagée à la fonction publique en 1985. De là, en1989, elle s’envole pour la France, où elle décrocha le certificat d’économie de la santé. De 1985 à 1991, elle a servi à la maternité de DANTEC, à Dakar (Sénégal). En 1990, elle décrocha le certificat d’étude supérieur de Gynécologie-obstétricienne, UCAD au Sénégal. Ensuite en 1991, le certificat d’Economie et de Gestion des Programmes de Santé à l’Université de Boston. De 1991 à 2002, elle devient responsable d’unité de service de Gynécologie Obstétricienne. En 1992, elle commence à donner les cours en tant qu’enseignante chercheure à l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, d’où en 1994, elle fut diplômée à WEST African college Surgeon (WACS) à Lagos au Nigéria. Et en 1995, elle devient maitre-assistante, à CAMES à Libreville. De 1999 à 2000, elle a été responsable cellule des maladies sexuellement transmissibles. De 2003 à 2008, elle dirige le service Maternité de l’Hôpital national Ignace Deen. En 2014, elle devient Porfesseure titulaire. De 2010 à 2015, elle fut conseillère au CNT et présidente de la Commission santé. En 2015, elle intégra le Réseau des femmes anciennes ministres et parlementaires. De la fin 2017 à 2021, elle devient la présidente de la Société Guinéenne de Gynécologue-obstétricienne (SOGGO).

Kadiatou Diallo