À l’issue du vote pour le nouveau pape, l’une des premières décisions de l’élu du conclave est de choisir un nom, qu’il portera pendant toute la durée de son règne. Cette tradition, vieille de plus d’un millénaire, a une portée symbolique significative. Le choix de ce nom est une décision réfléchie qui donne des indications sur le futur pontificat. Retour sur l’histoire de cette pratique ancienne qui intrigue les fidèles à travers le monde.

L’une des premières décisions du pape nouvellement élu à l’issue du conclave – qui débute ce mercredi 7 mai – sera de choisir un nom de règne. Ce choix, qui peut paraître anodin, n’est pourtant pas qu’un détail cérémoniel.

Lorsque le Collège des cardinaux se sera mis d’accord pour désigner le nouveau pape, son doyen s’adressera à l’élu pour lui demander, en latin : « Acceptez-vous votre élection canonique comme souverain pontife ? ». Une fois qu’il aura acquiescé, le conclave prendra officiellement fin et le pape donnera le patronyme qu’il a choisi en répondant à la question « de quel nom voulez-vous être appelé ? »

Le nom du nouveau pape est ensuite partagé à la foule et devant les caméras du monde depuis le balcon central de la basilique Saint-Pierre au Vatican, avec la célèbre locution « Habemus papam » (« nous avons un pape »). Le souverain pontife ne sera alors connu que sous ce patronyme, et ce, pendant toute la durée de son pontificat.

Une tradition millénaire

L’adoption d’un nom de règne n’est pas inscrite dans les textes religieux et n’est donc pas une obligation canonique, mais cette tradition s’est installée dans le temps.

Le premier pape à avoir inauguré cette pratique est Jean II, né sous le nom de Mercurius. Élu en 533, il décide d’abandonner son nom de naissance – en référence à Mercure, le dieu du commerce dans la mythologie romaine – jugeant inapproprié d’être à la tête de l’Église catholique avec un prénom païen. Son choix se porte sur Jean, un des apôtres. Le religieux avait alors estimé que si Jésus avait changé le nom de Simon – le premier pape de l’histoire – en Pierre, d’autres chefs de l’Église pouvaient suivre sa décision. Dans la religion catholique, le changement de nom symbolise la conversion et le début de la nouvelle mission qui attend le croyant.

Pierre Campanora, élu en 983, décide de changer de nom pour Jean XIV, ne voulant pas qu’un autre pape porte le même patronyme que le tout premier souverain pontife. Tous les autres Pierre choisis par le conclave par la suite ont aussi suivi ce raisonnement.

Et cette règle se généralise à partir de la fin du Xe siècle, peu importe le nom de naissance du pape, pour symboliser la fin de la vie jusqu’ici écoulée par le religieux, et le début d’une nouvelle à la tête de l’Église catholique. Depuis, seuls deux souverains pontifes ont choisi de garder leurs noms de naissance : Adrien VI en 1522 et Marcel II en 1555.

Un choix symbolique

Quant au choix du nom, aucune règle n’établit de démarche à suivre. Il revient donc entièrement au nouveau pape de prendre le nom qu’il préfère, mais cette décision n’est pas prise à la légère par les élus. Cette nouvelle dénomination peut envoyer un message – de façon plus ou moins claire et flagrante – sur les priorités et les valeurs qu’incarnera le nouveau chef de l’Église et peut ainsi indiquer un désir de réforme ou de continuité. Mais seul le concerné connaît véritablement les raisons de son choix.

Ainsi, le pape peut décider de rendre hommage à un de ses prédécesseurs, un membre de sa famille ou un saint. Il peut même en combiner plusieurs, comme Jean-Paul Ier (élu en 1978), qui choisit ce nom en souvenir des deux papes désignés avant lui, Jean XXIII et Paul VI. Jean-Paul II a, lui, pris le nom de son prédécesseur après son décès soudain, survenu seulement 33 jours après son élection.

Benoît XVI, pape de nationalité allemande de 2005 à 2013, a justifié sa décision, « en référence à Benoît XV, qui a guidé l’Église dans la période difficile de la Première Guerre mondiale ». Il a également choisi de rendre hommage à saint Benoît de Nursie, le fondateur de l’ordre des Bénédictins. « Le nom de Benoît évoque aussi le père du monachisme occidental, co-patron de l’Europe, particulièrement vénéré dans mon pays et surtout en Bavière », précise-t-il lors de l’audience du 27 avril 2005.

Le pape François, décédé le 21 avril dernier, a créé la surprise en 2013 en choisissant ce nom, encore jamais plébiscité par un chef de l’Église. En rendant hommage à saint François d’Assise, le défenseur des pauvres au XIIIe siècle, il a associé son pontificat avec la paix, la fraternité et la défense des plus vulnérables, en rupture avec les styles plus institutionnels.

À travers les siècles, certains noms sont revenus plus fréquemment que d’autres : le plus utilisé est Jean (23 fois), suivi de Grégoire et Benoît (16), Clément (14), Léon et Innocent (13) et Pie (12).

Le nom choisi par le prochain pape à l’issue du conclave sera scruté par des millions de fidèles à travers le monde, à la recherche d’une indication sur la tournure que prendra ce nouveau pontificat.

Rfi.fr