Le procès de Blessed Mhlanga, figure emblématique du journalisme au Zimbabwe, s’ouvre ce 14 mai, huit jours après sa libération sous caution. Accusé abusivement de “diffusion de messages incitant à la violence” après avoir interviewé une personnalité critique du président, le journaliste a été incarcéré pendant plus de deux mois. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités judiciaires à abandonner l’ensemble des charges retenues à son encontre et à prononcer son acquittement.
« J’attends le procès avec impatience, qu’on puisse enfin en finir”, a confié le journaliste de la chaîne de télévision privée en ligne HStv, Blessed Mhlanga, à RSF. Il comparaît ce 14 mai, huit jours après avoir recouvré la liberté à la suite du paiement d’une caution de 500 dollars.
Incarcéré pendant plus de deux mois dans l’un des quartiers les plus dangereux de la prison centrale de Harare, la capitale du Zimbabwe, il est poursuivi sur la base d’une accusation abusive de “diffusion de messages incitant à la violence”. En cause : sa couverture d’une conférence de presse tenue le 12 février par le vétéran de guerre Blessed Geza, qui, bien qu’alors membre du parti au pouvoir, le ZANU-PF, avait publiquement appelé à la démission du président Emmerson Mnangagwa. Expulsé du parti peu après sa prise de parole, Blessed Geza est désormais en fuite.
S’il est reconnu coupable, le journaliste risque jusqu’à cinq ans de prison ou une amende de 700 dollars selon son avocat, Chris Tinei, qui demeure prudent quant à l’issue du procès.
L’employeur de Blessed Mhlanga, HStv, est poursuivi pour les mêmes accusations, et comparaît également le 14 mai. L’avocate de la chaîne, Beatrice Mtetwa, a précisé à RSF que HStv risque de perdre sa licence si elle est reconnue coupable, de ne pas pouvoir la renouveler à l’avenir, ou d’être condamnée à une amende.
« L’ouverture du procès de Blessed Mhlanga est une étape cruciale dans un dossier qui menace la liberté de la presse au Zimbabwe. La libération sous caution du journaliste, survenue le 6 mai, a temporairement mis fin à un acharnement judiciaire marqué par plus de deux mois de détention et le rejet systématique de ses trois demandes de libération sous caution. RSF appelle les autorités judiciaires zimbabwéennes à abandonner toutes les charges retenues contre la chaîne et à relaxer le journaliste, qui n’aurait jamais dû être arrêté pour avoir simplement fait son travail », a déclaré Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
Le journaliste de 44 ans, qui travaille pour HStv, chaîne du groupe de médias indépendant Alpha Media Holdings (AMH), a été placé en détention provisoire le 25 février, après un avis de recherche diffusé par la police quatre jours plus tôt. Dans ce communiqué, les forces de l’ordre annonçaient rechercher des informations sur sa localisation pour l’interroger, l’accusant de “diffusion de messages incitant à la violence”, du fait de sa couverture d’une conférence de presse d’un membre du parti au pouvoir, critique du président.
Durant plus de deux mois, le journaliste a été incarcéré dans une cellule surpeuplée de la Maison d’arrêt de Harare. Dans une lettre publiée sur les réseaux sociaux le 7 avril, il avait exprimé sa “détermination à poursuivre son combat”, tout en dénonçant des conditions de détention extrêmement éprouvantes et insoutenables sur le plan émotionnel, qui le “marqueront à vie”.
La demande de libération sous caution de Blessed Mhlanga a été rejetée à trois reprises, les 28 février, 21 mars et 7 avril. Le 22 avril, sa détention provisoire a de nouveau été prolongée jusqu’au 30 avril, la police invoquant la nécessité d’entendre la déposition d’un officier alors à l’étranger.
Une figure médiatique majeure
Blessed Mhlanga, figure bien connue du journalisme zimbabwéen, a rejoint le groupe Alpha Media Holdings il y a 15 ans et n’a jamais quitté ce bastion de la presse indépendante. Reporter pour le quotidien NewsDay, visage de l’actualité sur la chaîne de télévision en ligne HStv et plume régulière de l’hebdomadaire The Standard, il s’est imposé par son professionnalisme et sa passion.
Son travail durant l’année 2018 a été salué par le prix du meilleur reporter des élections, décerné par le Voluntary Media Council of Zimbabwe, un organisme indépendant de défense des journalistes. Mais couvrir les sujets liés à la politique lui a également valu d’être pris pour cible à plusieurs reprises. Cette même année, alors qu’il animait un débat politique sur HStv, il a été verbalement agressé par un ancien vice-ministre. Bien que l’affaire ait été résolue à l’amiable en juin 2018, Blessed Mhlanga a pourtant été convoqué par la police le 3 février dernier, pour cette affaire classée depuis six ans.
Le Zimbabwe occupe la 106e place sur 180 pays et territoires dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2025.
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