Tierno Monénembo avait raison. Absolument raison, wallahi ! Ce pays, la Guinée, c’est le laboratoire mondial des faux problèmes. On se casse la tête sur des énigmes dignes des plus grands philosophes, mais dont la seule réponse est qu’elles n’auraient jamais dû exister. C’est comme vouloir réparer une coupure de courant avec un parapluie ou chercher la clé de la prospérité dans une paire de tongs usées. Et le plus drôle, c’est que ces faux problèmes, on les chouchoute, on les débat, on manifeste pour eux, alors que la seule solution, c’est de les envoyer en exil. Mais non, on préfère s’enfoncer jusqu’à ce que même les solutions réelles se transforment en faux espoirs. C’est ça la magie guinéenne, mes amis !

L’autre jour, mon voisin, Pathé, l’œil plus sombre qu’une coupure d’électricité, est allé consulter. Son business de vente de téléphones d’occasion battait de l’aile. Le marabout, un vieux monsieur à l’air grave, a écouté Pathé avec la patience d’un Guinéen qui attend son visa. Puis, il a hoché la tête, l’air inspiré. « Ton problème, mon fils, » a-t-il déclaré solennellement, « c’est que tu manques d’équilibre cosmique dans tes transactions. Il te faut un bain rituel avec l’eau de trois puits différents, mélangée à la première rosée du matin cueillie sur des feuilles de manguier… et un petit quelque chose pour les offrandes », bien sûr.

Pathé, plein d’espoir, a sorti ses dernières coupures. Il a fait le bain, a frotté sa peau avec la potion mystérieuse. Le lendemain, il est revenu tout fier. « Ça marche, mon frère ! J’ai vendu deux téléphones ce matin ! » J’ai souri, wallahi. Le secret du marabout, c’était simplement d’avoir gardé l’argent des « offrandes ». Sans le sou, Pathé n’avait pas le choix : il devait travailler, il devait se débrouiller. Et pour ça, pas besoin de magie, juste de la faim au ventre ! À fakoudou !

Ces marabouts, ce sont de véritables génies du management. Ils te prennent ton dernier franc, et par la force des choses, tu te retrouves obligé de te bouger le cul pour survivre. C’est ça leur rituel secret : te priver de tes dernières ressources pour te forcer à la réflexion active et à la proactivité. Hé Kéla !

Alors la prochaine fois que vous avez un problème qui vous ronge l’âme, n’allez pas chercher la solution dans des grigris. Allez plutôt voir un marabout, donnez-lui vos dernières économies, et attendez de voir comment votre débrouillardise naturelle va refaire surface. Wallahi, ça marche à tous les coups !

Mes amis, nous sommes en 2025. Et le destin guinéen, lui, n’a toujours pas trouvé sa chute. C’est une blague de Dieu, mais le problème, c’est qu’elle est longue. Très longue. Tellement longue que même les moustiques, qui se sont reconvertis en coursiers pour les applis de livraison, se plaignent du trafic.

Avant, on parlait de « transition prolongée ». Aujourd’hui, on parle de « transition en mode 5G » : ça promet la vitesse, mais ça rame pire que l’internet du quartier quand il y a coupure de courant. Les « réformes profondes », elles sont tellement profondes qu’on ne les voit plus. Elles ont dû se perdre dans un de ces scandales financiers qui fleurissent comme les manguiers de Kindia, mais sans jamais tomber dans nos paniers.

Il y a toujours cette sagesse populaire qui dit qu’on ne peut pas éduquer un peuple corrompu avec de simples lois. Et c’est là que ça devient comique, wallahi ! On dirait qu’il faudrait une nouvelle loi, plus mystique, qui force l’argent détourné à pousser des ailes pour revenir dans les caisses de l’État. Mais pour ça, il faudrait un marabout à la CRIEF, et encore, le dernier que j’ai vu, il m’a piqué mes dernières économies pour me dire que mon problème, c’était que je n’avais pas de problème. Ah, le génie !

Le peuple, lui, il est toujours là. Un jour, il applaudit le cireur de bottes devenu ministre, l’autre jour, il cherche les restes dans les poubelles. Mais attention, les poubelles aussi ont évolué en 2025 ! Elles sont maintenant « intelligentes », équipées de capteurs pour détecter le moindre déchet comestible. Sauf qu’avec le « grand festin des affamés » organisé en haut lieu, elles restent désespérément vides. Même les chiens sont passés à la commande en ligne de croquettes importées.

Wallahi, des fois, la modernité guinéenne, elle te dépasse. L’autre jour, je me suis aventuré dans un de ces restaurants chics de Conakry, avec son joli panneau Wi-Fi gratuit. Mon ventre criait famine, mais mon téléphone, lui, réclamait sa dose d’internet. Alors, je vois Kadi la serveuse, toute pimpante, et je lui demande : -Mademoiselle, le mot de passe Wi-Fi, s’il vous plaît ?

Elle me regarde d’un air… comment dire ? Un air de génie diabolique et me lance : « Mangez d’abord ! ». Simple, direct. J’ai souri, j’ai pensé : « Ah, la politesse guinéenne ! On mange avant de se servir des futilités. » Du coup, j’ai commandé le poisson du jour, avec le riz qui va avec, bien sûr. J’ai mangé, wallahi, j’ai mangé comme si c’était mon dernier repas.

Une fois la dernière arête avalée, je la rappelle, l’air vainqueur : « Alors, le mot de passe, maintenant ? » Elle me fixe, le même sourire énigmatique : « Mangez d’abord. » Là, j’ai commencé à comprendre. Ma sueur perlait. J’ai commandé un café noir, serré comme un pneu de taxi. J’ai bu. Et rebelote : « Le mot de passe ? » Toujours la même rengaine : « Mangez d’abord ».

J’étais à deux doigts d’exploser, de crier au complot universel des restaurateurs ! Quand soudain, mon regard a glissé sur un panneau, juste là, sur le mur, discret comme une promesse électorale. Et j’ai lu, en grandes lettres capitales, le fameux sésame, le graal tant convoité : « MOT DE PASSE WIFI : MANGEZ D’ABORD ».

Wallahi, ces gens-là sont des génies du commerce ! Ils te font vider ton porte-monnaie avant même que tu n’aies compris la blague. Respect, mes amis, respect aux maîtres de la ruse ! À fakoudou !

Sambégou Diallo

Billet

UN CHAT M’A CONTÉ

Un religieux tomba dans un puits

Un passant qui passait lui dit

Donne-moi ta main et je vais te sortir

Le religieux refusa

Une femme qui passait lui dit

Donne-moi ta main et je vais te sauver

Le religieux une fois de plus refusa

Vint le tour d’un manchot qui lui dit

Prends ma main qui reste et je vais te tirer de là

Alors le religieux accepta et il fut sauvé

Dans le pays, il est dangereux de donner. Il est recommandé plutôt de prendre.

Par Williams Sassine, in

Le Lynx N°254 du 3 février 11997