Au-delà du caractère festif, l’Aïd el-Kebir est devenu l’occasion de mettre en œuvre des activités de développement dans nombre de localités de la Moyenne Guinée.

Jusqu’à récemment, la Mamaya de Kankan monopolisait l’attention pendant la célébration de l’Aïd el-Kébir (Tabaski). Mais désormais, d’autres régions comme le Fouta-Djalon s’y mettent aussi. De Télimélé à Koubia, en passant par Mamou, Dalaba, Pita ou encore Labé, les ressortissants de la Moyenne-Guinée se ruent en masse vers leurs localités d’origine. Derrière ces déplacements, devenus une sorte d’obligation, se cache un objectif clair : encourager le retour à la source et le développement local. Les fêtards en profitent pour organiser des évènements culturels, susceptibles de générer de revenus et combler le déficit de services sociaux de base dans les villes et villages.

Dalaba et la valorisation du textile guinéen

Pendant les fêtes en Guinée, l’Aïd el-Adha ou la Tabaski, le musulman se cassait la tête pour se trouver le fameux Bazin Bamako. Un tissu fabriqué en Hollande et teint au Mali, dont le prix peut aller au-delà d’un million de francs guinéens. Ce tissu importé avait fini par éclipser le textile guinéen, le Leppi surtout qui fait pourtant partie de l’identité culturelle peule.

Pour parer à cet impair, des ressortissants de la préfecture de Dalaba ont initié, en 2023, Donkin Leppi à Dalaba. A cette première édition, le concept consistait à célébrer l’Aïd dans leur ville, parés du Leppi et coiffés de Pouto (célèbre bonnet du Fouta). « Le Donkin Dalaba est un événement qui a été mis en place pour perpétuer la culture et les mœurs du Fouta-Djalon. Nous voulions fédérer les fils de Dalaba autour de cet idéal », explique Amadou Nadji Bah, chargé à l’organisation de Donkin Leppi Dalaba.

Depuis, l’événement ne cesse de prendre de l’ampleur : « L’initiative a été une réussite totale. A la 2e édition, il y avait plus de ressortissants issus de la diaspora que des résidants. Des gens qui avaient fait 10, 15 ans à l’extérieur du pays y ont participé », se félicite Amadou Nadji Bah. Donkin Leppi Dalaba va désormais au-delà de la simple promotion de la culture foutanienne. Pour cette 3e édition, entre le 5 et le 7 juin, les organisateurs prévoient diverses activités : assainissement de la ville, reboisement, carnaval, don de sang… Mais également des retrouvailles autour d’un barbecue dans la forêt de Sébhory (du nom d’une sous-préfecture de Dalaba) le lendemain de la fête. Des centaines de t-shirts sont édités et autant de chaises préparées. « Nous vendons les t-shirts. Pour ce qui concerne les chaises, une place sera peut-être à 10 000 francs guinéens. Nous comptons inviter de potentiels donateurs », précise le chargé à l’organisation, Amadou Nadji Bah.

Les organisateurs veulent aménager un forage à Bambè, un district de Dalaba, en manque criant d’eau. Une partie de l’argent généré ira à ce projet.

Maison des jeunes et électricité à Gonkou

Avant Dalaba, la Tabaski réunifiait déjà les fils du Fouta-Djalon dans d’autres contrées. Gonkou en est à sa 5e édition. Les ressortissants de ce district de la sous-préfecture de Hafia, dans Labé, ont fixé comme objectifs de « pousser les gens à retourner au village et organiser des activités génératrices de revenus pour développer Gonkou », selon Abdoulaye Bah, un des organisateurs.

Pour l’édition 2025, il est prévu l’inauguration de deux forages réalisés cette année dans le district, du reboisement, conférence islamique, tournée de sensibilisation. Un match de gala, payant, viendra clore les festivités le surlendemain de la fête. Les ressources générées serviront à achever les travaux de construction de la clôture du stade de Gonkou et la réhabilitation de l’une des écoles primaires. A moyen et long termes, les ressortissants de Gonkou projettent la construction d’une maison des jeunes et l’électrification de la localité, grâce aux revenus générés par les festivités de célébration de la Tabaski.

Bourouwal Tappè dans la danse

Comme Dalaba, Gonkou et autres, les fils de la sous-préfecture de Bourouwal Tappè (préfecture de Pita) se retrouvent chez eux le jour de la fête et les jours suivants, pour communier. Eux aussi mettent ce moment à profit pour inaugurer la grande mosquée de Bourouwal Tappè. Ils prévoient un match de gala, du reboisement, une journée de concertation lors de laquelle les responsables de districts se réuniront pour discuter des problèmes des communautés, un panel et des visites touristiques.

Le match de gala et la visite touristique ne sont pas gratuits. Les organisateurs comptent sur une partie de l’argent glané pour retaper certaines pistes rurales et renflouer les caisses de leur association pour faire face à d’autres projets communautaires.

Yacine Diallo