En Guinée, cela fait un an que les autorités guinéennes ont retiré les agréments d’exploitation de plusieurs médias privés, en invoquant un « non-respect du contenu des cahiers des charges ». Au total, ce sont six radios et télévisions, parmi les plus regardées du pays, qui ont cessé d’émettre presque simultanément. Plusieurs mesures similaires ont suivi, le Premier ministre Bah Oury expliquant vouloir « plus de responsabilité et de professionnalisme » de la part des journalistes. Des mesures qui ont largement contribué à fermer l’espace médiatique guinéen.
Les restrictions autour de la liberté de la presse en Guinée se sont faites progressivement. Les ondes des radios ont été brouillées pendant six mois, avant l’annonce de fermeture de médias privés en mai 2024. « Aucune surprise, estime toutefois Babila Keita, journaliste d’investigation. Parce qu’il y a eu des signes précurseurs qui ont annoncé la volonté des autorités de fermer tous les médias qui ne fonctionnent pas comme elles le souhaitent. C’est-à-dire les médias qui ont un regard critique sur la gestion de la transition. » Son site d’information L’inquisiteur a été suspendu après avoir publié une enquête sur le ministère de la Justice.
Un « cauchemar »
Depuis, le pays a dégringolé de 25 places dans le classement annuel de RSF sur la liberté de la presse. Reporter sans frontière (RSF) a recensé la perte de plus de 700 emplois dans le secteur. Une mise au chômage brutale, qui a été difficile à vivre pour les journalistes et techniciens. « Imaginez ce que ça fait ? Faire face à la popote, faire face à la scolarité des enfants, mais aussi aux autres besoins des familles. Ce fut vraiment un cauchemar, difficile à vivre parce que c’est tout simplement du jamais vu, c’est extraordinaire », s’indigne Babila Keita.
Dans son rapport, RSF dénonce également la multiplication des « agressions, arrestations arbitraires et menaces » envers les journalistes en 2024. Cas emblématique, celui d’Habib Marouane Camara, enlevé en décembre 2024 par des gendarmes et toujours porté disparu aujourd’hui. Dans ce contexte, Babila Keita dénonce une impossibilité d’exercer : « On ne vous confronte pas à la justice ni aux lois de la république, on vous fait disparaître parce que vous dérangez. Avec une telle atmosphère, il serait difficile pour les journalistes d’avoir le courage et l’audace d’exercer librement et en toute indépendance leur profession sans aucune restriction. »
Mascarade
Presque un an, jour pour jour, après la fermeture des médias privés, les autorités guinéennes ont organisé un « Forum sur l’avenir de la presse à Conakry ». Abdoulaye Sow fait lui aussi partie de ces journalistes poussés à l’exil par la répression de la presse. À ses yeux, ce forum n’est qu’une mascarade. « C’était exactement le jour de la triste commémoration de la fermeture de ces médias libres là. Comme si c’était un pied de nez à ces médias qui ont été fermés, mais aussi à tous les défenseurs de la liberté de la presse », s’insurge-t-il.
Le Premier Ministre Bah Oury parle lui de « divorce ». Lors de ce Forum, il a affirmé que « les torts ont été justement rétablis » et que l’année écoulée a permis « d’esquisser une nouvelle forme de la pratique de la presse » dans le pays. Depuis la fermeture des médias privés, c’est essentiellement le média d’État RTG qui traite de l’actualité politique guinéenne.
Par RFI