Pendant longtemps, les conjectures ont distillé la nouvelle de la mort de la CENI et répandu la rumeur de l’imminente désignation par le CNRD du ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation en qualité de maître d’ouvrage de l’organisation des scrutins. Depuis le samedi 14 juin, les conjectures sont devenues réalités. Ce jour-là, un décret du Président de la Transition a acté la création d’une Direction générale des élections (DGE) au sein du ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation. Sa mission : gérer de bout en bout toute la chaîne, de l’organisation du référendum et des élections. Sa création a fait l’objet, à n’en pas douter, d’un arbitrage cornélien.
En effet, il a fallu opérer un choix entre une entité indépendante et un démembrement de l’administration territoriale. La dernière option a eu les faveurs des décideurs, au grand dam d’une frange non négligeable des compétiteurs. Les compétiteurs, dubitatifs, craignent que les agents de l’administration dont on connaît et déplore la posture obséquieuse à l’endroit de leur hiérarchie n’enlèvent toute équité, donc toute crédibilité au vote en falsifiant les résul-tares au profit du parti majoritaire et de ses proxys. L’hypothèse est certes plausible. Mais voilà ! La Guinée n’est pas à son premier scrutin démocratique. Elle est coutumière de ces genres d’exercices. Elle l’a pratiqué sous la colonisation tout au long de la décade 1950, puis à partir de la restauration du multipartisme, au début des années 1990, à la disparition des partis uniques et autres partis-Etats. Elle en connaît donc les avantages et les inconvénients. Durant cette longue période, le pays a eu l’opportunité d’expérimenter l’organisation de scrutins dirigés par l’administration, aussi bien par une structure mandataire telle que la CENI.
Aucune de ces options n’a été totalement probante. Les votes que l’une et l’autre ont organisés n’ont guère été exempts de sévères critiques de la part des partis politiques et des partenaires techniques et financiers. Leurs compétences électorales et leur sincérité ont été largement mises en cause. On se souvient, par exemple, de l’élection présidentielle de 2010 qui a été entachée de graves et multiples irrégularités (délais de quatre mois au lieu de deux semaines entre le premier et le second tour, découpage électoral en pleine élection, plusieurs changements à la tête de la CENI, nomination d’un général malien Président de la CENI, etc.) Cela souleva, bien sûr, des cris d’orfraie.
Eu égard à cette longue expérience infructueuse, le choix n’a pas été aisé. Un choix raisonné a dû soulever moult difficultés. Quelle est l’option la plus pertinente et la moins dolosive ? En considération des contreperformances des deux options lors des élections qu’elles ont organisées, on note que les défaillances ne sont pas liées à la qualité de l’organisation de l’entité (missions, architecture, outils), mais plutôt à celles des ressources humaines commises aux tâches. Les performances des organes de gestion des élections relèvent donc plutôt du domaine de la bonne gouvernance que du statut des entités (public ou privé). Si, par exemple, en Guinée et en Côte d’Ivoire la CENI et la CEI n’ont pas été en capacité d’organiser des élections inclusives, équitables et paisibles, au Sénégal le Ministère de l’Intérieur l’a été et, qui plus est, à plusieurs reprises.
Peu importe que la CENI ou le MATD pilote les élections. L’essentiel est que le processus se déroule dans une culture démocratique dont sont pétris les acteurs électoraux.
Abraham Kayoko Doré