Ces deux dernières semaines, une avalanche de décrets et d’arrêtés a dû, à n’en pas douter, perturber le sommeil des femmes et des hommes qui mangent nos mines. Parler même de nuits cauchemardesques ne serait pas superfétatoire. Lus sur les antennes de la RTG, ces décrets et arrêtés concernent le retrait à plusieurs dizaines de sociétés minières du cru ou étrangère, de leur permis d’exploration ou d’exploitation. Parfois, pour conférer plus de solennité à cette circonstance, le ministre Secrétaire général de la Présidence de la République soi-même a égrenée ces actes. Une véritable chienlit pour ce microcosme généralement choyé.

L’Etat guinéen n’apprécie pas beaucoup le non-respect par ces partenaires du secteur minier de leurs engagements contractuels. Certains manœuvrent pour échapper aux contraintes du Contenu local et de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), prévues pourtant par les conventions d’établissement. Or, ces deux dispositions favorisent la redistribution des revenus générés par la société minière à travers l’amélioration des connaissances générale et professionnelle ainsi que la préférence pour l’emploi des ressources humaines locales. Tout cela stimule l’économie locale et contribue à l’épanouissement moral et matériel des populations du terroir. D’autres ne jouent pas franc jeu. Ils font de simulation pour berner l’Etat et engranger des profits colossaux. Le cas de GAC (Guinea Alumina Corporation), filiale d’Emirates Global Aluminium, est à la limite de l’ubuesque. Cette société est allée tout bonnement construire à Dubaï une raffinerie de bauxite qu’elle s’était fermement engagée, devant l’éternel, à installer en Guinée. Comme quoi, la promesse n’engage que ceux qui y croient.

La non observation des clauses contractuelles par les sociétés minières a provoqué l’ire des autorités guinéennes qui ont donc décidé de ramener dans la besace publique des permis déjà distribués, afin de trouver de nouveaux acquéreurs plus accommodants et déterminés. Aussi, il faut noter que sous la révolution (1958-1984) et sous le régime du Président Lansana Conté (1984-2008), environ une dizaine de sociétés majeures ont animé le secteur minier, tous minerais confondus. A contrario, à partir de 2010 (transition versus Konaté-Doré), on assiste à une explosion exponentielle du nombre des sociétés minières. Partout, en Guinée, elles poussent comme des champignons et les permis sont délivrés à tour de bras à des sociétés accourues des quatre coins du monde. Le responsable suprême de la Révolution a eu une larme à l’œil du fond de sa tombe.

L’activité minière naguère réservée à quelques sociétés privilégiées (Péchiney, CBG, OBK, Arédor et SAG etc.) se démocratise, se banalise. Cette tendance l’ouvre aux nationaux qui forment avec des partenaires étranges, notamment des Chinois, des joint-ventures. Ces formes  de société favorisent la participation nationale à l’exploitation minière en minimisant, autant que faire se peut, son apport au coût de production. Et voilà comment on en n’est arrivé là. La corruption, la concussion, le népotisme ont fait le reste. Et pour ne pas simplifier la tâche des autorités, une masse critique de sociétés n’hésite pas à se soustraire de la rigueur, voire la rigidité des clauses contractuelles. Nombreuses sont ainsi les sociétés qui négocient des conventions qu’elles vont, par la suite, à travers le monde, renégocier au plus offrant. Durant ce temps de marketing, d’identification d’un nouvel acquéreur, le temps mort renvoie aux autorités une image peut flatteuse de la société. Ce qui, naturellement, est source de doute sur la capacité de mobilisation de fonds et d’investissement de la société. L’État guinéen et les sociétés minières sont dans ce genre de rapports.

Abraham Kayoko Doré