Au terme de deux jours de visite et de travail, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko et son hôte guinéen Amadou Oury Bah ont animé un point presse lundi 2 juin, à la Primature, à Kaloum. Les deux chefs de gouvernement tiennent à redynamiser la coopération guinéo-sénégalaise, pour ensemble faire face aux défis de la pauvreté et du sous-développement dont sont confrontés leurs pays respectifs.
Une visite éminemment économique qui a permis la signature d’une quinzaine d’accords dans divers domaines, d’un tête-à-tête entre les deux Premiers ministres ; des entretiens bilatéraux entre délégations et une audience au Palais Mohammed V, avec le président de la transition Mamadi Doumbouya.

Moins volubile que son hôte, Amadou Oury Bah a rappelé que Guinéens et Sénégalais sont unis par des liens séculaires. Et que si le Sénégal et la Guinée ont connu des « évolutions parfois différentes », cela n’a jamais entaché les relations historiques entre leurs deux peuples. « Aujourd’hui, il nous appartient, en tant que responsables, d’apporter des réponses concrètes à la nécessité absolue de relever les défis du sous-développement, ainsi que ceux liés à une population majoritairement jeune. Cette jeunesse attend énormément des gouvernants, d’où la nécessité d’innover, de réfléchir et de s’inspirer des meilleurs exemples à travers le monde pour favoriser l’émergence de pôles de stabilité, de développement et de fraternité, une intégration réussie de nos économies, de nos institutions et de nos infrastructures. »
Signature d’une quinzaine d’accords
A son tour, Ousmane Sonko s’est dit heureux et honoré de séjourner en Guinée, pour perpétuer une tradition de fraternité, de solidarité, de communion et d’unité, d’abord entre peuples avant d’être entre États et gouvernements. « J’ai choisi de mener cette tournée qui, après la Côte d’Ivoire, m’emmène en Guinée avant de continuer chez votre voisin la Sierra Leone. Non pas pour venir faire ce qui avait été fait, parce qu’il y a une dizaine de jours à peine la commission mixte entre nos deux pays s’est réunie sous la conduite des deux ministres des Affaires étrangères, permettant de relancer cette coopération qui était en léthargie depuis plus de 10 ans. Et cela par la signature d’une quinzaine d’accords dans les domaines de la pêche, la défense, l’éducation ou l’enseignement supérieur. Je suis venu aujourd’hui pour qu’ensemble nous puissions catapulter cette relation pour lui faire prendre son envol ».

Destins liés, développement partagé
Le Premier ministre sénégalais a insisté sur l’importance des communautés de Guinéens et de Sénégalais expatriés de part et d’autre des deux pays voisins. Des ressortissants bien traités, bien intégrés, qui travaillent, gagnent leur vie, se marient entre eux… Ils constituent, selon Sonko, l’assise de la coopération bilatérale. « Au-delà des frontières, du découpage colonial, nous formons un seul et même peuple et nos destins sont liés. Je suis venu discuter avec mon homologue pour faire un saut quantitatif et qualitatif en mutualisant nos moyens, nos ressources, pour pouvoir ensemble et de manière complémentaire construire un développement partagé ».

Pour le Premier ministre sénégalais, les ressources sont abondantes mais elles restent mal gérées depuis l’indépendance. « L’exemple le plus trivial est la découverte du gaz au Sénégal et les réserves importantes de bauxite en Guinée. La jonction entre ces deux nous permet d’ajouter de la valeur à chacune de nos ressources et de gagner 100 fois plus que ce qu’on aurait dû gagner si on continue d’extraire et exporter le brut ».
Ligne rouge
Dès l’annonce de sa visite en Guinée, des ONGs sénégalaises et guinéennes ont adressé des déclarations à Ousmane Sonko, l’invitant à plaider auprès de Mamadi Doumbouya la libération des activistes du FNDC, de notre confrère Habib Marouane Camara et de l’opposant et leader du Mouvement démocratique libéral, Aliou Bah. La préoccupation transmise par un journaliste a eu droit à une réponse langue de bois. Ousmane Sonko semble pris au dépourvu. Lui qui est venu en Guinée pour parler économie, le voilà qui fait face à une question éminemment politique. Mais quelle que soit la fraternité et l’amitié tant vantées entre la Guinée et le Sénégal, les réalités internes sont une ligne rouge à ne pas franchir. « Aujourd’hui, il y a des gens qui sont arrêtés au Sénégal pour différents délits que certains qualifient de politiques. Ce n’est pas aux autorités guinéennes de venir nous dire ce qu’il faut faire. Je m’abstiendrai, par respect, de venir en Guinée pour avoir à dicter aux Guinéens ce qu’il y a à faire. Si mes relations amicales et fraternelles me le permettent et si je devais en parler ce serait en douce, amicalement. Mais je ne viendrai pas ici dans une conférence de presse pour vous dire que j’ai dit ceci ou cela. Nous nous préoccupons mutuellement de l’évolution de chacun de nos pays, puisque la stabilité ou l’instabilité de chacun de nos pays impacte sur les autres pays. Nous sommes déjà assez confrontés à des questions sécuritaires dans beaucoup de nos pays amis et frères. J’ai suffisamment d’expérience politique pour ne pas venir vous dire ici j’ai dit ceci ou cela aux autorités guinéennes. Cela ne relève pas de ma compétence. Mais je souhaite et je prie pour que dans tous nos pays qu’il y ait la paix politique, la stabilité, la concorde et qu’ensemble nous puissions travailler à construire ce que les populations attendent, c’est-à-dire le développement, indépendamment des divergences d’opinions qui ne peuvent manquer dans un pays. »
Mamadou Adama Diallo