Chaque année, le mois de juin constitue pour les enfants une période de plaidoyer, de mobilisation sociale autour des problématiques récurrentes de promotion et de protection de leurs droits. Le 1er juin, Journée internationale de protection des droits de l’Enfant marque la date de l’adoption de la Déclaration des droits de l’Enfant par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1959, ainsi que de la Convention relative aux droits de l’Enfant en 1989. Du 1er au 30 juin, le 𝗠𝗼𝗶𝘀 𝗱𝗲 𝗹’𝗘𝗻𝗳𝗮𝗻𝘁 g𝘂𝗶𝗻é𝗲𝗻 𝟮𝟬𝟮𝟱 s’ouvre sous le signe de l’espoir, de l’écoute et de l’engagement. Sous le thème évocateur « 𝗣𝗹𝗮𝗻𝗶𝗳𝗶𝗰𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗲𝘁 𝗯𝘂𝗱𝗴é𝘁𝗶𝘀𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲𝘀 𝗱𝗿𝗼𝗶𝘁𝘀 𝗱𝗲 𝗹‘𝗲𝗻𝗳𝗮𝗻𝘁 : 𝗽𝗿𝗼𝗴𝗿è𝘀 𝗱𝗲𝗽𝘂𝗶𝘀 𝟮𝟬𝟭𝟬 », nous invite à regarder en arrière pour mieux avancer.
En ce qui concerne la Guinée, la situation de protection des enfants est préoccupante, notamment en raison de la pauvreté multidimensionnelle, de la malnutrition, des inégalités et de la violence. Bien que la Guinée ait adhéré aux traités internationaux concernant les droits des enfants et ait interdit les châtiments corporels, de nombreux enfants restent vulnérables et leurs droits violés. Ce constat est illustré par des statistiques bien parlantes : malgré les progrès en matière d’éducation, avec un taux brut de scolarisation de 90,8% en 2018 ; 1,5 million d’enfants et d’adolescents guinéens âgés de 6 à 16 ans ne sont toujours pas scolarisés. Le taux d’achèvement des écoles primaires nationales est faible, 54,1%. Il existe de grandes disparités de genre et entre zones urbaines et rurales : les taux d’achèvement pour les filles sont de 45,7% contre 62,7% pour les garçons ; le taux d’achèvement du primaire est de 40% pour les zones rurales contre 75,7% pour les zones urbaines et seulement 20,1% des jeunes enfants entre 3 et 5 ans, inscrits à l’école maternelle.
S’agissant de la protection, 89% des enfants ont été victimes de violences. La violence sexiste est une préoccupation majeure et 96,8% des femmes âgées de 15 à 49 ans sont victimes de mutilations génitales féminines (MGF). De plus, 54,6% des femmes étaient mariées avant l’âge de 18 ans et 21% avant l’âge de 15 ans. Il est établi que le mariage d’enfants est à la fois une conséquence et un symptôme de la discrimination basée sur le genre favorisée par le patriarcat ; la recherche et l’accès à une information filtrée en réaction au tabou concernant la sexualité favorisant sexualité et grossesse précoces ; l’insuffisance de l’offre de service tant au niveau de l’accès que de la qualité, en particulier pour l’éducation et la santé ; la pauvreté ; une perception de l’enfant différente de celle de la Convention des droits de l’enfant désavouant l’adolescence et affectant le système de protection ; la déconsidération du cadre légal moderne au profit des pratiques traditionnelles et religieuses.
A l’image du thème retenu pour le mois de l’Enfant, il serait judicieux de sortir des schémas classiques de célébrations meublées de nobles engagements, qui ne sont guère suivis d’évaluations faute d’un monitoring rigoureux. Va-t-on se donner la peine d’examiner avec objectivité les actes posés depuis 2010 en faveur de la promotion des droits de l’enfant ? Et sur la base des résultats de cette démarche, se projeter sur les cinq prochaines années, dans la vision 2030, l’horizon des ODD (Objectifs du Développement Durable).
Thierno Saïdou Diakité