Invité de TV5 Monde le 8 juin, l’écrivain Tierno Monénembo se montre dubitatif à la tenue des élections pour le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée. Il relève des manœuvres concourant au maintien des militaires au pouvoir au préjudice des civils et de la démocratie.
L’organisation de l’élection référendaire est prévue le 21 septembre prochain. Les autorités de la transition sensibilisent au recensement électoral biométrique, qui court jusqu’au 20 juin. Parallèlement, elles battent campagne au profit du général Mamadi Doumbouya, le Président de la transition. Pour Tierno Monénembo, le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) aurait dû céder le pouvoir à un civil élu depuis 2 ans.
« Je doute du régime lui-même. Je doute de sa bonne foi. Je doute de son intention. Je doute de ses méthodes. Ce n’est pas un régime démocratique. Il ne cherche pas à tenir des élections. Il cherche à conserver le pouvoir par tous les moyens, surtout par la répression. Je ne crois pas du tout à ce régime. Je ne crois pas du tout qu’il y aura une élection en Guinée », martèle l’auteur de Les Carpeaux-brousse. Selon lui, « il n’y a aucune intention de la part du gouvernement d’assouplir sa position, de négocier avec la société civile, avec l’opposition, pour trouver une solution durable aux problèmes qui se posent au pays. C’est la violence, c’est la répression, c’est le maintien coûte que coûte du régime illégal », ajoute-t-il.
L’écrivain estime que le projet de nouvelle constitution élaboré par le Conseil national de la transition, CNT, est un « boubou constitutionnel cousu sur mesure » qui permettrait au général Mamadi Doumbouya de candidater à la future élection présidentielle. Or, rappelle Tierno Monénembo, Mamadi Doumbouya s’était engagé à ne pas se présenter à une élection, ni les membres du CNRD, du gouvernement et des organes de la transition.
Hormis cet engagement verbal du général Doumbouya au peuple de Guinée et à la Communauté internationale, la Charte de la transition l’interdit aussi formellement de se porter candidat aux échéances électorales devant mettre fin à la transition. Mais « les articles interdisant cela ont été supprimés du projet de la nouvelle constitution qui a été présenté au peuple de Guinée. Les militaires n’ont tenu aucune promesse depuis leur avènement au pouvoir. Ils nous avaient promis que la justice serait la boussole, etc. On n’a rien vu. On a l’impression que jamais la Guinée n’a subi autant d’injustices, la répression est permanente. Des gens disparaissent au quotidien. On tue de la manière la plus scandaleuse. C’est terrible ! C’est le retour des années noires du temps d’Ahmed Sékou Touré. C’est le régime Sékou Touré, bis », croit l’écrivain.
Tierno Monénembo déplore un « cycle de répression » que la Guinée n’arrive pas à se défaire depuis 1958. Même que « la tyrannie est devenue un mode de vie. Nous sommes sous la sixième tyrannie depuis l’indépendance… Toujours ce sont les mêmes méthodes, les mêmes discours, les mêmes manières de procéder. Je ne sais pas comment faire pour interrompre ce cercle vicieux », s’inquiète-t-il. Et d’inviter les Guinéens à se battre par tous les moyens légaux et démocratiques, afin de changer la donne.
Yaya Doumbouya