À l’approche de la Tabaski, le textile guinéen connaît une véritable hausse de la demande, surtout l’emblématique Leppi du Fouta. L’Aïd-El-Adha de cette année sera marquée par la valorisation des étoffes locales, pour renforcer la reconnaissance récente du Leppi comme « Indication géographique protégée », facilitant ainsi son rayonnement à l’international. La promotion a notamment été renforcée lors de la 17ème édition du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (FEMUA) en Côte d’Ivoire, en avril dernier, où la Guinée était invitée d’honneur.

Aïssatou Bah est vendeuse grossiste et semi-grossiste de tissus guinéens au marché Madina, commune de Matam. Dans une interview accordée à notre rédaction lundi 2 juin, elle a livré un aperçu précis de l’évolution des prix et de la force du marché par rapport au Leppi, produit en Moyenne-Guinée. « Les prix commencent à varier un mois avant, c’est-à-dire au début du mois de mai. En ce qui concerne le Leppi, on l’achetait à 200 000 francs à l’intérieur du pays, notamment à Pita et à Labé. Nous le revendions entre 220 000 et 230 000 francs à Conakry, en gros. Les détaillants, quant à eux, le proposaient à 270 000 francs. » Selon elle,  cette hausse s’est accentuée au fil des semaines.

« Une semaine plus tard, le prix d’achat à l’intérieur est passé de 230 000 à 250 000 francs le complet trois pagnes, nous le revendons à 270 000 francs en gros. Les détaillants le revendaient alors à 300 000, 350 000 voire même 400 000 francs, selon leur marge. »

Aïssatou Bah précise que la hausse ne touche pas que le Leppi. Plusieurs autres tissus sont également affectés, comme le bazin local plus connu sous le nom « N’gara Labé ».

« Le prix du complet était auparavant de 80 000 francs chez nos fournisseurs. Actuellement, nous l’achetons à 120 000 francs et le revendons à 135 000 francs à Conakry en gros. Les détaillants le proposent entre 180 000 et 200 000 francs. Il y a aussi une autre catégorie qu’on achète à 450 000 pour le revendre à 500 000 francs guinéens », a-t-elle précisé. Selon elle, les tissus provenant de la région forestière connaissent également des hausses notables.

« Pour la première qualité, en getzner, nous achetons le complet à 450 000 francs en Forêt pour le revendre à 500 000 francs à Conakry. Le prix au détail varie entre 550 000 et 600 000 francs. Le tissu noir en provenance de Lola se vend à 50 000 francs pour 3 mètres. Nous le revendons à 70 000 francs. Une autre catégorie, de couleur jaune, est achetée à 90 000 francs et revendue à 130 000 francs. Le prix au détail atteint 150 000 francs. »

Quant au textile de Kindia, connu sous le nom de Kerdelly, il semble épargné par a hausse. Cela s’explique ; selon elle, au manque d’affluence de la clientèle. « Le complet est acheté à 60 000 francs et revendu entre 70 000 et 90 000 francs. Le prix est resté relativement stable, car la demande des clients est faible », affirme Aïssatou Bah.

A entendre notre interlocutrice,  le Leppi continue de dominer les ventes, dans ce contexte tendu. « Actuellement, les complets les plus convoités sont ceux en Leppi. J’en ai vendu environ 500 depuis le début du mois de mai, ce qui est exceptionnel pour moi, car je ne vends généralement pas autant en un mois. Parfois, en moins d’une semaine, j’arrive à écouler de 50 à 70 ».

Cependant, acheteurs et commerçants sont confrontés à des défis majeurs, face à la hausse soudaine des prix, regrette Aïssatou Bah. « Depuis l’annonce de la Tabaski, les principales difficultés rencontrées concernent le Leppi. Avant cette période, nous l’achetions à 180 000 francs pour le revendre à 200 000 francs. Mais du jour au lendemain, les fournisseurs ont augmenté les prix de 20 000 à 30 000 francs, ce qui a un impact direct sur notre budget, mais aussi sur nos clients. Ces derniers s’attendaient à ce que le prix reste à 200 000 francs, et sont souvent surpris lorsqu’on leur annonce 250 000 francs ou plus. Malgré tout, en tant que grossistes, nous sommes parfois obligés de réduire nos marges, voire de vendre moins cher, pour permettre à nos clients de s’offrir un complet leppi. C’est une situation vraiment difficile pour nous », se lamente-t-elle.

La Tabaski 2025 sera à la fois un moment de célébration culturelle et de défis économiques pour les commerçants comme pour les acheteurs. Tant le textile guinéen, symbole d’identité et de fierté, continue de jouer un rôle central dans les festivités.

Mariama Dalanda Bah