Depuis début mai, au moins deux journalistes ont été la cible de menaces ou d’intimidations en Côte d’Ivoire. Reporters sans frontières (RSF) condamne ces atteintes à la liberté de la presse et exhorte les autorités comme les acteurs politiques à garantir la sécurité des journalistes, tant sur le terrain que sur les médias sociaux, à l’approche de l’élection présidentielle prévue le 25 octobre 2025.
Lunettes de soleil, casquettes et bonnette sans logo de média… Le 14 juin, la journaliste et coordinatrice régionale de France 24, M’ma Camara, a pris soin de ne pas être identifiable alors qu’elle couvrait le meeting du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), le principal parti d’opposition. Si “tout s’est bien déroulé”, la journaliste avait de sérieuses raisons d’être inquiète. Deux semaines plus tôt, elle avait été la cible d’une campagne de dénigrement après la couverture d’un précédent meeting du PDCI. Un membre du parti, Rodrigue Koffi, avait publié sur les réseaux sociaux une lettre ouverte contenant des attaques personnelles sur ses origines et des accusations de partialité. “La lettre a circulé, certaines personnes ont publié mon adresse et celle de ma famille. Je ne suis pas apparue à l’écran pendant plusieurs jours.” témoigne M’ma Camara. Rodrigue Koffi n’a pas répondu aux sollicitations de RSF. En coulisses, le président du PDCI, Tidjane Thiam, ne cautionne pas ces actes.
Les autorités en place ne sont pas en reste. Les appels ciblant des journalistes après la publication d’articles ne sont pas rares, notamment en période électorale. “Un membre du gouvernement est connu pour ces pratiques,” glisse un journaliste qui souhaite garder l’anonymat. Des échanges qui se transforment parfois en intimidations.
Dans ce contexte tendu, RSF a révélé que le journaliste béninois Hugues Comlan Sossoukpé, réfugié politique au Togo, a été arrêté le 10 juillet par les autorités ivoiriennes après avoir été invité par le ministère ivoirien de la Transition numérique et de la digitalisation pour couvrir un salon sur l’innovation digitale, puis remis aux autorités béninoises qui l’ont incarcéré.
A l’approche de l’élection présidentielle prévue le 25 octobre prochain, RSF recommande vivement aux autorités de prendre des mesures concrètes pour protéger la liberté de la presse dans le pays.
“RSF s’inquiète des alertes reçues faisant état d’intimidations et de menaces de journalistes par des figures politiques, jusqu’à l’arrestation d’un professionnel de l’information réfugié politique. Alors que la Côte d’Ivoire s’achemine vers une élection présidentielle, RSF appelle d’urgence les autorités et tous les acteurs politiques à veiller à ce que les journalistes puissent exercer leur travail d’information sans être inquiétés avant, pendant et après le scrutin. Protéger la presse, c’est garantir le plein fonctionnement d’une démocratie effective. »
Sadibou Marong Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF appelle ainsi les autorités à : Garantir la protection des journalistes contre toutes les formes de pressions, de discriminations et de violences, sur le terrain comme en ligne ; Condamner publiquement toute campagne de dénigrement, toute menace ou agression visant des journalistes, qu’elles soient le fait d’acteurs publics ou privés ; Adresser des consignes claires aux préfets et aux forces de sécurité ne tolérant aucune menace ni violence à l’encontre des journalistes dans l’exercice de leurs fonctions ; Maintenir un accès libre et sécurisé à Internet et aux réseaux sociaux pendant toute la période électorale.
RSF recommande aux différents partis politiques de : Faciliter l’accès des journalistes à leurs événements ; Protéger les professionnels des médias contre toute entrave à leur travail lors des événements politiques ; Sanctionner les militants et membres responsables de menaces ou actes hostiles envers la presse, sur le terrain et en ligne.
La Côte d’Ivoire occupe la 64e place sur 180 pays et territoires du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2025.
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