A quelques 500 km de la capitale Cona-cris, la sous-préfecture de Yembéring, préfecture de Mali, est une somme de contrastes : pauvre en infrastructures de base, mais gâtée par Dame Nature. Notre collaborateur, qui y a fait un tour, décrit avec force détails la précarité et les merveilles de ce buisson du nord de la Guinée.

La commune rurale de Yembéring ressemble à cette ancienne miss centenaire à laquelle les années d’existence ont retiré toute fraicheur juvénile. Elle conserve cependant un charme saisissant qu’on découvre aux contacts des habitants accueillants, profondément attachés à l’homme, aux us et coutumes hérités des devanciers.

La SEG (Société des eaux de Guinée) n’y a jamais vu jour. Le buisson est desservi en eau potable par une mini adduction offerte aux communautés par le Gouvernement japonais en 2007. Un comité de gestion communal, placé sous la tutelle du SNAPE (Service National d’Aménagement des Points d’Eaux), gère l’infrastructure. Le hic, le groupe thermique qui fait fonctionner la plateforme brûle le car-brûlant à un rythme effréné. Poussif et vieux, il n’assume plus ses fonctions et a soif d’entretien. Pour s’approvisionner en eau potable, les habitants jettent leur dévolu sur les forages.

Ni SEG ni EDG

Électricité de Guinée (EDG) est aussi absente du coin. Les Yembérinkas n’ont pas ce problème de paiement de factures qui assomment les ménages à Cona-cris. En lieu et place, des lampes chinoises éclairent les domiciles. Chaque habitation s’en procure en fonction de sa bourse. La nuit tombée, elles brillent de mille feux. On dirait des lucioles en chaleur immobilisées, en quête de partenaires. Perchées sur les cimes des coquettes maisons des nantis de la localité, les panneaux solaires constituent une sorte de pain béni pour recharger téléphones, ordinateurs, caméras et autres appareils qui dépendent de l’énergie électrique.

Nulle once de bitume sur les pistes caillouteuses qui se faufilent entre quartiers de la commune rurale et s’engouffrent dans les villages environnants. Des conducteurs de taxis motos assurent le transport urbain. Le déplacement d’un point A à un point B ressemble, à maints endroits, à un chemin de croix.

Parfum naturel

Vous descendez de la moto, le dos endolori, les reins à moitié anesthésiés par les chocs inévitables entre la moto et les cailloux impitoyables, jaloux de leurs territoires et déterminés à prendre leur revanche sur tout ce qui leur roule dessus.

Ces problèmes de survie au quotidien sont vite oubliés dès que l’on entre en contact avec les villages qui, comme des adolescentes au summum de leur beauté, entourent Yembéring de leur charme, lui donnent fière allure par l’entremise d’une verdure qui offre une vue imprenable sur la nature. Le parfum naturel que répandent les arbres et les fleurs d’un paysage pittoresque étreignent le passant.

Dans ce décor vivent des couches laborieuses qui pratiquent l’agriculture, l’élevage. La nature est bercée de chants d’oiseaux qui vous parviennent en échos sous des fines pluies qui arrosent ce relief de carte postale. A Djindjinma, Parawi, Soto, Baradji, Koura N’danta, Ley Fello, Sabèrè Yaali, Tessein, Pandjara, Mâma, Kothè Diallo, l’air est pur ; les aliments sains.  Le fonio, le tô arrosé de « soulée » (une sauce locale gluante et épicée), la pâte de maïs appelée « Ndappa Kaaba », noyée dans du lait naturel fermenté : un régal. Des fruits : orange, les petites mangues ou « Mongo Foutah », des bananes garnissent bien des tables lors des festins.

Monuments adulés et entretenus

L’autre beau visage de Yembéring, ses monuments historiques. Un bâtiment en pierres taillées situé à l’école primaire attire les curieux. Il a été construit en 1932, dit-on, par le chef de canton Thierno Chérif Diallo. Un peu plus loin, la mosquée construite en 1750 par un petit-fils de Karamoko Alpha Mo Labé. A côté, la Résidence du chef de canton, Thierno Chérif Diallo, bâtie en 1936. A quelques microns de là, sa tombe et celles de certains de ses condisciples. Ces monuments bénéficient d’un entretien et d’une considération religieuse.

Yembéring, c’est aussi une population rurale qui, en dehors des activités lucratives, a un fort penchant pour le Coran, le chapelet, la prière et les bénédictions. Des religieux ne tarissent pas de bénédictions à l’endroit de leurs semblables. Les rencontres sont toujours clôturées par des rabbanas (bénédictions).

Au bout du calvaire…

Pour découvrir la commune rurale de Yembéring, il faut s’armer de courage et de détermination pour venir à bout des 70 km qui la séparent de Labé. Entre Sarékaly et Yembéring, il faut braver Koura Hoy Dalein : une montagne domptée par des pierres qui jonchent toute la piste. C’est un passage obligé, dur à franchir. A la descente à Mbouda, un sol argileux, transformé en marre boueuse compacté par des pluies diluviennes, dicte aussi sa loi sur une courte mais mouvementée distance. Ce calvaire sera certainement un lointain souvenir les années à venir, de grands travaux de réhabilitation de la route Labé-Mali sont en cours.  Le projet comprend trois lots :  Labé-Sarékaly distant de 40 km ; Sarékaly-Yembéring (31 km) et Yembéring-Mali (40 km).

Des ouvriers guinéens, encadrés de Chinois sont à l’œuvre à travers des travaux de décapages de collines, d’explorations topographiques et d’ouvertures de voies. C’est la future route internationale Labé-Dakar qui se construit ainsi, nous a-t-on confié.

Réservoir de cadres

 Yembéring a formé certains des meilleurs instituteurs et enseignants qui ont servi un peu partout en Guinée. On peut citer, pêlemêle : Mamadou Alpha Kolèbhè Diallo ; Amadou Tidiane Mbara Diallo (écolier alors de la toute première promotion du collège de Yembéring en 1932) ; Prof Mamadou Alpha Diallo Hoorè Saarè ; El Hadj Amadou Oury Diallo Sampirindji ; Boubacar Costa Diallo ; Doyen Hamidou Diogo Saabèrè Yaali Diallo ; Abdoul Gaadiri Diallo Bhoundou Diongo ; El Hadj Alpha Mamoudou Diallo (ancien Directeur National de l’Enseignement élémentaire) ; Sow Cherif Gaigui, instituteur ; Mamadou Dian Diallo alias Bappa Boora ; Mamadou Chérif Kalom Diallo ; Mouctar Bah alias C-Breard (enseignant émérite  des Mathématiques) ; Mamadou Siré Pellal Diallo (qui vit à Yembéring)…(Excusez du peu !) 

On ne saurait toutefois occulter le nom de notre confrère Ibrahima Kindi Mabel Diallo, ancien correspondant de la RTG à Mali, voix connue du « Magazine du 22h ». Une bibliothèque vivante qui nous a aidé dans nos recherches. Il a été le premier citoyen de Yembéring récipiendaire du Prix Agathe attribué par le Fawe, une institution basée à Nairobi au Kenya qui œuvre pour la lutte contre l’analphabétisme dans le milieu féminin en Afrique. En 2006, lorsque le projet de son centre de réinsertion des filles et femmes du Foutah (qui encourage la scolarisation de la gent féminine pour vaincre l’analphabétisme) a été désigné meilleur projet innovateur de l’Afrique, le confrère qui coule ses jours de retraite dans son coin, fut célébré avec pompe. Il en garde de bons souvenirs.

Par Abou Bakr, de retour de Yembéring

Encadré

                          Abou Bâclé, Ambassadeur itinérant et plein de poussière !

A l’invitation de Ibrabistouri… dans l’eau, un toubib qui a pignon sur rue à Cona-cris, je suis allé à Yembéring pour dérouler une formation en journalisme et communication pour des écoliers et enseignants du Complexe « Boubacar Costa Diallo ». C’est une institution d’enseignement élémentaire et secondaire privée, bâtie pour former une nouvelle élite à Yembéring. Cette commune rurale a produit, témoignent des fonctionnaires à la retraite interrogés, certains des meilleurs instituteurs et cadres de la République de Guinée. La quasi-totalité est à la retraite et d’autres continuent d’enseigner. Le constat amer est que, ces dernières années, le niveau des études a considérablement baissé dans ce buisson. C’est pour sauver les meubles que cet établissement a été construit.

J’ai formé des jeunes journalistes en herbes aux b-a-ba du métier et j’ai montré au personnel enseignant et encadrant comment réussir des communications internes et externes pour rendre viable une entreprise.

En guise de remerciements, la Direction du Complexe Boubacar Costa Diallo m’a nommé aux fonctions d’Ambassadeur itinérant de l’établissement suivant la note de nomination numéro 00207/CSBC/2025. L’acte lu aux festivités marquant la fermeture de l’établissement, devant une foule composée d’autorités, de sages et de parents d’éleves, m’a complètement coupé le souffle. C’est le premier acte administratif d’Abou le Bâclé du Lynx. Comprenez donc mon émotion, sans filtre.

A. Bakr