Bienvenue en Absurdistan ! On était dans les maquis crasseux de Gbessia, là où, exactement, le Zaïrois Lokéto a tapé son jubilé. Il y avait un joueur de flûte. La flûte était par terre, la composition suspendue en l’air comme une prière refusée ou une fumée de Kush interdite. Et le joueur, lui, avait la gueule ouverte pour servir de cendrier, Wallahi !

Il y avait quelqu’un qui disait, d’une voix rauque comme un vieux moteur : « Alakha la Guinée mali! » (Que Dieu aide la Guinée !) Et là, je me suis dit, hé Kéla ! Si ça se trouve, Dieu, en entendant « Mali », a cru qu’on parlait de la République du Mali, là où les coups d’État sont des traditions familiales. Résultat ? Après le putsch de chez nos voisins, paf ! la Guinée a eu son propre putsch ! Wallahi, on devrait reconsidérer nos langues nationales, parce qu’on dirait que nos bénédictions et nos prières ne sont pas suspendues, non, elles sont juste mal interprétées par là-haut ! À Fakoudou !

Pourtant, Wallahi, entre la Guinée et le Mali, c’est une histoire ancienne ! Sékou Tyran lui-même disait qu’on est deux poumons dans le même corps, histoire de bien coller la pression sur la fraternité. Mais ces temps-ci, quand on voit la tournure que prennent les choses, on se demande si les poumons ne sont pas en train de tousser la même pneumonie ! Et puis voilà que notre brave Ousmane Gawa, que Dieu le garde, a averti, la main levée, l’œil sévère : « Pas question de rejoindre l’AES ! » L’AES, ou « l’association des extrémistes du Sahel », comme on l’appelle si joliment, c’est la nouvelle mode pour les coups d’État et les régimes qui durent. Wallahi, on dirait que même la géopolitique est devenue une blague de mauvais goût, où les alliances se font et se défont au rythme des coups de canon et des promesses en l’air. Hé Kéla !

La Guinée, c’est hihi ou haha ! Mais défense de rire ! Sauf si tu veux rire sous cape, comme un comploteur du bonheur. On Chen fout, comme Jackie Chen !

Parlons-en, des marchés ! Pas un poisson à l’horizon, Wallahi, comme chaque saison. On va continuer de brouter les feuilles de patate et de manioc, comme des moutons de Panurge prêts à suivre le premier berger, même s’il nous mène à l’abattoir. Mais si y a pas de poisson, réjouissons-nous, y a la poisse, et ça, c’est gratuit ! On en a à revendre, hé Kéla !

Depuis la modification de la structure gouvernementale il y a deux semaines, on a donné du travail aux marabouts, Wallahi ! Parce que comme on le sait, en Guinée, chacun attend d’être nommé un jour ou l’autre. Il n’y a que le futur remaniement sur toutes les lèvres, comme une maladie contagieuse. Du coup, les marabouts ont du boulot. Doum-Doum leur a donné du travail, rémunération assurée ! Mais moi, en tant que conseiller personnel, personnalisable et personnifié, j’ai la solution parfaite : il faut, au lieu de 34 postes ministériels, créer 12 millions de ministères ! Un ministère pour chaque Guinéen ! Agnon !

Notre général bien gradé devrait y réfléchir, car il ne manque que ça dans notre pays. Sous Alpha Grimpeur, lui, il avait même nommé un défunt fonctionnaire, décédé il y avait des années. Celui-ci a dû célébrer, depuis l’au-delà, sa nomination terrestre avec ses nouveaux amis entourés d’anges et d’esprits qui, on imagine, ont éclaté de rire à l’annonce de cette promotion mondaine. À Fakoudou !

C’est la période des résultats pour ceux qui ont passé des examens. Soit ! Ici, on va féliciter tous nos enfants qui ont échoué, parce que franchement, c’est eux qui ont le mieux compris le pays : en Guinée, si on est intelligent, on ne travaille pas, mais on fait travailler les autres. Comme le font nos politiciens et nos dirigeants, qui ne font rien d’autre que de se beurrer sur le dos des braves populations. Wallahi, ils ont tout compris, les recalés !

Avant, le baptême c’était une fois dans la vie. Aujourd’hui, c’est chaque année, wallahi ! L’autre jour, j’ai été l’invité prestige d’un événement extraordinaire : l’anniversaire d’une amie qui tient les cordons d’une bourse, car si on n’est pas bien dans sa… On ne peut pas se le permettre, par les temps qui courent. Quelqu’un s’est adressé à moi, le regard malicieux : « Petit lynx, tu manges gâteau d’anniversaire ? » Ma réponse était sans appel, parce que mon ventre criait famine plus fort qu’une sirène de pompier : « Je mange tout ce qui ne bouge pas ! » J’ai été servi comme un invité de marque déposée. Je me suis régalé, Wallahi ! Avant de formuler ma bénédiction : « Longue vie au nouveau-né ! » Tout le monde a éclaté de rire ! Hé Kéla !

Wallahi, la nouvelle maladie du Guinéen, c’est celle-là : on nous dit que des milliers de milliards de francs glissants vont arriver dans le pays ! Avec un budget prévisionnel de 43 000 milliards pour 2025, on se demande où est passé tout ce tapis d’argent, parce qu’il n’y a rien dans les banques, même pas de quoi s’acheter une cacahuète grillée.

Devant le guichet de la BCRG, tu vas rire à gorge déployée, plus fort que l’âne du village qui a mangé du piment ! On se demande quelle potion magique le Karamokè de la Banque Centrale veut faire avaler à cette transition qu’il est censé servir. Peut-être qu’il a caché l’argent sous son boubou de marabout, ou qu’il l’a enterré sous le fromager sacré du Gbassikolo ! Hé Kéla ! La Guinée est devenue un pays où l’argent est une rumeur, et la prospérité, une blague de potache. À Fakoudou !

Wallahi, mes amis, même au fond de ce chaos, même avec toutes ces blagues amères qui nous donnent plus de crampes au ventre que de rire, on ne peut s’empêcher de regarder le ciel. Parce que malgré les banques vides, les institutions fantômes, les poissons qui ont muté et les pluies torrentielles qui emportent nos rêves, on a toujours ce petit quelque chose qui nous tient debout : la foi. Alors oui, on se moque, on râle, on critique, mais au fond de notre âme de Guinéen, il y a toujours cette étincelle qui refuse de s’éteindre. Peut-être qu’un jour, la Guinée arrêtera de nous donner des raisons de rire jaune. Peut-être qu’un jour, nos prières seront enfin comprises sans quiproquos, et que les bénédictions atterriront là où elles doivent, sans passer par la case « Ndimba-Pimba ». En attendant ce miracle, on continue de tenir bon. À Fakoudou !

Sambégou Diallo

Billet

Un chat m’a conté

C’était il y a quelques jours,

Quelque part à Kankan,

En salle d’examen,

Le prof vit une serpillière, au fond de la classe :

— Qu’est-ce qu’une serpillère a à faire ici ?

Et un écolier a dit : — Monsieur, c’est quoi une serpillère ?

Le prof : — c’est comme un serpent.

— C’est quoi un serpent ?

— C’est comme un Persan.

— C’est quoi un Persan ?

— C’est comme un Person.

— C’est quoi un Person ?

Lassé, le professeur pointa sa règle sur l’écolier et asséna :

— Il y a un idiot au bout de cette règle.

Et à l’écolier d’accompagner : — Monsieur, de quel bout vous parlez ? Hihihi ! Hahaha !

SD