En marge de la célébration du 14 juillet, à sa résidence au quartier Minière (commune de Dixinn), l’Ambassadeur de France en Guinée est revenu sur la coopération entre Paris et Conakry. Luc Briard et le ministre des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté, ont échangé des amabilités.

Pour son premier discours de 14 juillet en tant qu’ambassadeur en Guinée – il est arrivé le 20 août 2024, Luc Briard semble avoir bien assimilé la leçon de son hôte du jour. Dès la présentation de ses lettres de créances, Morissanda Kouyaté l’avait prévenu « que le métier le plus difficile à Conakry était celui d’ambassadeur de France. » Il savait donc son « discours attendu ». Mais pari réussi pour le diplomate français, bruyamment félicité par le ministre des Affaires étrangères, chef de la délégation officielle guinéenne à la fête de la France, laquelle commémore la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 et le renversement de la monarchie.

Le représentant d’Emmanuel Macron à Conakry a réitéré que la France est un partenaire « privilégié » de la Guinée, « non pas parce que nous avons une histoire commune, mais parce que nous avons un avenir à partager. » Un partenariat basé sur le plein respect de la souveraineté de la Guinée, la défense du droit international et la volonté de co-construire des solutions pour répondre aux besoins et aux défis globaux, a précisé Luc Briard. 

Abordant la coopération économique, il rassure quant à la prédisposition des entreprises françaises à investir en Guinée. « La Guinée n’a plus besoin d’aide publique au développement, elle a besoin d’investissements solidaires et durables », relève le diplomate.

« Nous n’avons aucune leçon à donner »

Sur le plan politique, il a clarifié sans détours la position de la France sur la transition guinéenne : « Nous n’avons aucune leçon à donner, ni de conseils. La France en Guinée n’est pas chez elle. Elle n’est ni actrice ni commentatrice de la scène politique locale. » Et de renchérir, l’air optimiste : « Nous sommes confiants sur le retour à l’ordre constitutionnel, désormais avec ce texte qui sera proposé au suffrage en septembre. »

Il ne faut toutefois pas voir en ce désintéressement une renonciation de Paris à ses principes. « Nous parlons aux autorités, à l’opposition, y compris en exil, à la société civile, qui compte sur nous, pour faire passer des messages dans le silence des portes closes », précise Luc Briard. « Ce que nous savons, nous Français, c’est que dans les 3000 pages de notre histoire, nous avons toujours su écouter les paroles critiques, qui aujourd’hui, complètent le panthéon de nos auteurs socles, sans lesquels il manquerait quelque chose à la France », s’est-il toutefois empressé d’ajouter. Une subtile façon d’encourager les Guinéens à faire autant ?

« Tout y est dit, monsieur »

Dans son discours réponse, le ministre guinéen des Affaires étrangères s’est réjoui de la neutralité affichée de Paris. « Tout y est dit, monsieur. Le partenariat que nous appelons de nos vœux est celui du respect mutuel où aucune nation ne s’arroge le droit d’orienter le choix de l’autre ». Morissanda Kouyaté d’ajouter que « le dialogue entre les peuples doit passer absolument par le canal des États. Lorsqu’un État dialogue avec un ou des fragments d’un autre État, cela s’appelle de l’ingérence et celle-ci » suscite des frictions, « des conflits internes ». « Mais vous ne le faites pas », a salué le ministre des AE, en s’adressant à son hôte.

Le chef de la diplomatie guinéenne insiste que la République de Guinée, sous le général Mamadi Doumbouya, est dans « un vaste chantier de refondation institutionnelle et de développement durable ». Un chemin, selon lui, suivi « avec lucidité, responsabilité, sans pression et avec la certitude que l’avenir de notre nation nous appartient d’abord… » Morissanda Kouyaté a aussi remercié Luc Briard pour son « appréciation » du projet de nouvelle Constitution, remis au Général Doumbouya le 26 juin dernier. Texte qu’il a d’ailleurs vulgarisé auprès du corps diplomatique accrédité en Guinée le 8 juillet. Quand Luc Briard dit qu’il parle même à l’opposition, Morissanda Kouyaté, lui, doute qu’il y ait actuellement une « opposition » en Guinée. L’unique désaccord entre les orateurs du jour.

« Souverainetés économiques »

Preuve de la bonne santé des relations entre Paris et Conakry, le prix de la Fondation Mérieux remporté le 18 juin dernier par « deux immenses chercheurs guinéens », les docteurs Alpha Kabinet Keïta et Abdoulaye Touré du Centre de Recherche et de Formation en Infectiologie de Guinée (CERFIG), en récompense à leur article sur les « Zoonoses émergentes ».

Le diplomate français a salué les « acteurs de nos souverainetés économiques » qui investissent en Guinée, ainsi que leurs soutiens comme BPIfrance, DG Trésor, le groupe AFD et Proparco. A propos de la souveraineté alimentaire par l’agriculture et le désenclavement rural, il a égrené le projet de co-industrialisation entre Matière et IC Transport dans la construction de ponts métalliques ; la filière avicole, entre Sonoco et NTD. Dans l’industrie, le projet d’usine de transformation de la bauxite en alumine par Altéo/UMS à Boké. Dans la santé, la construction des hôpitaux régionaux par Eiffage. Luc Briard cite le reversement à la Guinée d’une partie des redevances de l’espace aérien grâce à l’exploitation du radar civilo-militaire de Thalès…

Le couple Luc Briard et Solène Dubois a accueilli de nombreux invités de marque : diplomates, activistes de la société civile, acteurs politiques, entre autres. La pluie n’a pas empêché les autorités guinéennes non plus de répondre présent en nombre : outre le chef de la délégation gouvernementale Morissanda Kouyaté, étaient présents les ministres de la Défense nationale, le général Aboubacar Sidiki Camara alias Idi Amin, de la Justice, Yaya Kaïraba Kaba, des Infrastructures et Travaux publics, Mamadou Abdoulaye Diallo, de l’Économie et des Finances, Mourana Soumah et le Secrétaire général du gouvernement, Benoît Kamano. Il y avait aussi l’Ambassadeur de Guinée en France, Senkoun Sylla et le chef d’état-major général de l’armée de terre, le général Abdoulaye Keïta. La liste n’est pas exhaustive.

Mamadou Siré Diallo