Procès des massacres du 28 septembre 2009 : un an après le verdict, les victimes toujours dans l’incertitude

Un an après le verdict historique du Tribunal criminel de Dixinn, qui avait condamné plusieurs hauts responsables pour crimes contre l’humanité lors des massacres du 28 septembre 2009, les espoirs des victimes s’effritent. L’absence de suite judiciaire aux recours initiés, conjuguée à des décisions politiques déplorables privent les victimes d’une justice équitable et effective.

Conakry, Paris, le 31 juillet 2025. Le 31 juillet 2024, après près de 15 ans d’attente, le Tribunal de Dixinn avait reconnu la culpabilité de plusieurs hauts responsables, dont le Capitaine Moussa Dadis Camara, pour leur rôle dans les crimes contre l’humanité commis au stade de Conakry et dans les jours qui ont suivi.

Un an plus tard, la procédure d’appel engagée par la quasi-totalité des parties demeure au point mort. Aucune audience n’a été tenue à ce jour, ni aucune communication officielle ne laisse entrevoir une volonté réelle de poursuivre le processus judiciaire. Au contraire, le 28 mars 2025, le chef de l’État guinéen, le Général Mamadi Doumbouya accordait, à la surprise générale, une grâce présidentielle à Moussa Dadis Camara, invoquant des raisons de santé – une décision qui a suscité l’indignation.

La FIDH, l’OGDH (Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du citoyen) et l’AVIPA (Association des victimes parents et amis du 28 septembre 2009) tirent la sonnette d’alarme.

« La grâce présidentielle accordée à Moussa Dadis Camara, malgré sa condamnation pour crimes contre l’humanité, soulève des questions quant au respect par la Guinée de ses engagements régionaux et internationaux. Cette décision, prise avant l’examen des recours formulés, compromet le droit des victimes à une justice complète et équitable. » a déclaré Me Drissa Traoré, secrétaire général de la FIDH.

L’absence totale de communication sur les recours en appel ou les autres procédures connexes renforce le sentiment d’injustice exprimé par les victimes.

« L’absence d’initiatives ou de communication de la part des autorités judiciaires sur la suite des recours et des autres affaires liées aux évènements du 28 septembre 2009, entretient une incertitude qui porte atteinte au droit des victimes à un procès juste dans un délai raisonnable, conformément aux standards internationaux, » a expliqué Me DS Bah, président de l’OGDH et coordinateur du collectif des avocat·es des victimes. « Nous appelons à l’ouverture urgente des audiences, tant pour les appels que pour les procédures connexes ».

Un autre point de tension est l’indemnisation. Si l’adoption du décret du 26 mars 2025 relatif à l’indemnisation de 334 victimes identifiées dans la décision rendue par le Tribunal le 31 juillet 2024 a été saluée, plus de 400 autres victimes – pourtant parties civiles – en sont exclues, sans explication claire. En outre, le manque de clarté et les dysfonctionnements de la commission chargée de l’indemnisation suscitent de vives inquiétudes.

« Les critères de sélection des victimes et les modalités de versement ne sont ni transparents ni clairement communiqués. Cela provoque un profond sentiment d’injustice chez des victimes écartées sans explication. Ces tensions fragilisent la cohésion entre les victimes et exposent leurs représentant·es, dont moi-même, à des risques sécuritaires, » a déclaré Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA.

Pendant près de 16 ans maintenant, la persévérance et la volonté des victimes du 28 septembre 2009 ont trop souvent été mise à rude épreuve dans ce combat pour la justice et la lutte contre l’impunité en Guinée. Un an après un verdict porteur d’espoir, l’inaction judiciaire et les décisions politiques arbitraires font planer une lourde menace sur la lutte contre l’impunité en Guinée. L’attente devient insupportable. Il est plus que temps d’agir. La FIDH, l’OGDH et l’AVIPA appellent les autorités guinéennes à replacer la justice parmi ses priorités, particulièrement en relançant le processus judiciaire du procès du 28 septembre 2009. Les organisations appellent les institutions internationales et les partenaires de la Guinée, particulièrement la Cour pénale internationale, les Nations unies, l’Union africaine et l’Union européenne, à renforcer et coordonner leurs actions en faveur de la justice et de la lutte contre l’impunité en Guinée.