La Guinée a terminé 4e à la 4e édition de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de mini-football à Derna, en Libye. Une première participation couronnée par une qualification historique pour la Coupe du Monde 2027 et quatre distinctions individuelles. De retour au pays, Abdoul Aziz Sow, sélectionneur de l’équipe nationale et ancien journaliste sportif à Lynx FM, revient sans détour sur l’aventure libyenne, la préparation de l’équipe au pied levé, la déception de l’élimination en demi-finale et les perspectives à venir. Une interview exclusive accordée à votre satirique.

Le Lynx : Vous avez fait sensation à la CAN de mini-football en Libye. Comment avez-vous constitué l’équipe ?

Abdoul Aziz Sow : Dès ma nomination par le président de la Fédération guinéenne de mini-football, j’ai orienté mes choix selon les spécificités de cette discipline. Il fallait des joueurs techniquement à l’aise, physiquement endurants, capables de répéter les efforts et prêts à se sacrifier pour l’équipe. J’ai lancé des séances de détection à Conakry, Coyah et Dubréka. On a eu plus de 150 jeunes, issus d’académies ou de clubs informels. L’exigence était claire : aucun joueur ayant disputé la Ligue 1 lors de la saison 2024-2025 n’était éligible. J’ai donc composé un groupe mixte, mêlant jeunesse et expérience.

Je savais déjà qu’il y avait du potentiel et des jeunes qui avaient des jus dans les jambes, qui répondaient à toutes les exigences que je voulais en matière de préparation. Un joueur qui sort 26 ou 24 matchs dans les jambes en matière de compétition, tant que tu lui soumets un exercice, il est capable de le faire s’il a la volonté.

Vous n’avez donc pas fait d’appel à candidatures ?

Non, tout s’est fait sur le terrain. Après les détections, on a retenu un groupe de 40 joueurs. La CAN exigeait une liste de 15. Alors avec mon staff, nous avons affiné notre choix jusqu’au groupe final.

Avez-vous eu assez de temps pour préparer la compétition ?

Pas vraiment. Mais j’ai su exploiter chaque instant. La première détection a eu lieu le 1er juin, et le 1er juillet, l’équipe était constituée. Entre le 1er et le 10 juillet, nous avons intensifié la préparation stratégique. On a ensuite voyagé via Tunis, pour arriver à Derna le 12. Le travail était intense, deux séances quotidiennes. L’objectif était de préparer nos jeunes à l’exigence physique et mentale de haut niveau, surtout à l’international.

On a mis à profit le peu de temps qu’on avait. Nous avons essayé de jongler là-dessus, conscients que physiquement, il fallait énormément travailler. Il fallait mettre en place des activités stratégiques : la connaissance du mini-football, des études sur l’ampleur des compétitions… On emmenait des jeunes qui n’avaient jamais été à l’international. Il fallait d’abord leur donner la notion de la gestion des compétitions internationales. Il y avait énormément de boulot, mais nous avons eu la pédagogie, la méthodologie de pouvoir travailler dans un laps de temps, et obtenir les résultats escomptés.

Pourquoi la Guinée participait-elle pour la première fois à une compétition qui était sa 4ème édition ?

Il faut savoir que la CAN de mini-football est jeune : en 2018, ils n’étaient que huit pays. Cette édition, avec 16 nations, est la première véritablement continentale. La Guinée a été invitée suite au désistement de l’Algérie. Notre Fédération venait tout juste d’être affiliée à la Fédération internationale. Notre présence est donc le fruit de l’engagement de notre président, qui a su convaincre les instances. Lors de l’Assemblée générale ordinaire de la World Mini Football à Bakou, en Algérie, la Guinée était d’office affiliée à la Fédération internationale. Lors du tirage au sort de la CAN, en décembre à Derna, la Guinée faisait partie. Cela a coïncidé à une assemblée ordinaire de la Confédération africaine de Mini-Football. Donc après le désistement de l’Algérie, la Guinée a obtenu la carte d’invitation pour participer. On en a profité parce qu’il fallait apprendre ; il fallait apprendre en bon élève.

Vous avez travaillé au Stade Petit Sory, à Nongo. À quoi ressemblait cette préparation ?

Très complète : travail physique, technique, mentale, tactique, mais aussi organisationnelle. Nous avons aussi analysé des vidéos de compétitions antérieures. L’idée était de construire une équipe à tous les niveaux.

En Libye, vos premiers matchs ont été impressionnants, avec de larges victoires. Avez-vous poursuivi la préparation sur place ?

L’essentiel de notre travail s’est fait à Conakry. Entre les matchs (15, 17 et 19 juillet), il y avait très peu de temps pour autre chose que la récupération. Mais nous étions prêts. Nous savions que notre groupe était relevé, avec des habitués de la compétition. Malgré l’inexpérience de nos joueurs à l’international, nous avons su gérer la pression et nous imposer.

On savait déjà qu’on était dans la poule de la mort, avec le Burkina Faso, l’une des meilleures nations de mini-football. Depuis trois ans, ils organisent le championnat chez eux. Ils ont participé aux précédentes éditions de la CAN de mini-football. Le Nigeria, qui a été quart de finaliste lors de l’édition précédente, était également à sa troisième participation. La Mauritanie, vice-champion d’Afrique, a été quart de finaliste de la dernière Coupe du monde. Pour nous, c’était une poule très difficile. Il fallait travailler dur, pour gagner.

On est arrivés le 12, on a pu nous acclimater, suivre le match d’ouverture et le deuxième match avant de rentrer dans le bain. On a tenté le coup, les cinq premières minutes de la compétition étaient très difficiles : il y avait de l’hésitation. Heureusement, on a pu marquer le premier but qui nous a mis complètement en confiance. Après, les joueurs se sont défoulés, ont donné le maximum d’eux-mêmes. On était déjà qualifiés quand on a perdu le premier match face à la Mauritanie, mais on a pu battre la Côte d’Ivoire en quart de finale.

Vous avez été éliminés en demi-finale par la Libye, que s’est-il passé ?

Je préfère parler de tactique ou de mental, mais cette fois, il y a eu des faits graves. Sur huit arbitres, quatre étaient libyens, alors que nous jouions contre le pays hôte. L’arbitrage a été défavorable, avec deux cartons rouges injustifiés. Même la commission technique a reconnu les erreurs, mais le mal était fait. Tout était organisé pour qu’on perde ce match-là.

Déjà contre la Côte d’Ivoire, il y avait beaucoup de distributions de cartons inutiles. L’un de nos meilleurs joueurs a écopé d’un carton rouge contre la Côte d’Ivoire. Et contre la Libye, on prend un premier carton rouge injuste à cinq minutes de la mi-temps ; puis un second à cinq minutes de la fin du match, qui amène notre adversaire à marquer le deuxième but. Tout a été orchestré par la commission d’organisation, par la Libye, pour qu’on perde ce match-là.

Après le visionnage de la commission technique et de la Confédération, avec notre délégué fédéral, ils ont vu qu’aucun des deux cartons rouges dans ce match-là n’étaient justifiés. Mais le sale boulot était déjà fait. L’objectif pour eux, c’était d’aller en finale. Pour nous, ça fait partie des expériences de parcours. On était partis apprendre. On a appris sur tous les paramètres, et je pense que ça deviendra des éléments pour pouvoir s’armer pour les prochaines échéances à venir.

Quel bilan tirez-vous de cette première expérience ?

Une immense satisfaction. Nous avons atteint un objectif majeur : qualifier la Guinée à la Coupe du Monde. Et ce dès notre première participation à une CAN. J’avais une vision, un projet, et je pense ne pas m’être trompé.

Allez-vous garder le même groupe pour le Mondial ?

Il est trop tôt pour le dire. Nous sommes encore dans la phase d’évaluation. Il y aura une réunion technique avec la Fédération, un rapport, des échanges avec le staff et les joueurs. Après cela, nous verrons. Mais l’ambition est claire : faire briller le tricolore guinéen au plus haut niveau. C’est une conviction personnelle : je ferai tout pour honorer la Guinée au niveau continental et mondial.

Le ministre Bogola Haba a demandé une décentralisation du mini-football. Qu’en pensez-vous ?

C’est une question qui relève de la Fédération. Moi, je suis un technicien. Mais je suis prêt à accompagner toutes les initiatives de développement. J’ai déjà fait des propositions en ce sens. Par rapport aux stratégies de développement, ça revient à la Fédération guinéenne de football et il y a des éléments sur lesquels on doit travailler. Quand on parle d’une équipe compétitive, dynamique, qui répond aux exigences, il y a beaucoup de paramètres.

La Guinée organisera la CAN de mini-football en 2027. Êtes-vous confiant ?

C’est une immense fierté ! Être le premier sélectionneur à qualifier la Guinée pour la Coupe du Monde, et peut-être conduire l’équipe à domicile en 2027, c’est un rêve. Mais la question du respect des délais relève des autorités. Moi, je me prépare à faire mon travail : bâtir une équipe capable de représenter dignement la nation. Ça sera un honneur d’être sur le banc du Syli National Mini-Football, pour la première fois que la Guinée organise une joute continentale de cette envergure.

La Guinée a aussi postulé pour abriter le siège de la Confédération africaine de mini-football…

Là encore, c’est une décision administrative. Je fais confiance aux autorités pour défendre les intérêts de notre pays.

Quel message souhaitez-vous adresser au public et à vos joueurs ?

Aux joueurs et au staff : profitez du repos bien mérité, car le travail nous attend. Au public, continuez à nous soutenir. Nous avons placé la barre haut, mais ce n’est qu’un début. Nous avons désormais des attentes élevées à satisfaire et cela nécessitera de la rigueur, de la concentration et de la passion. Mais je vous le garantis : nous sommes prêts à relever le défi.

Interview réalisée par

Abdoulaye Pellel Bah