Il est des silences qui condamnent autant que des discours mal inspirés. Dans une République digne de ce nom, le silence des institutions, celui des élites, celui de la conscience collective, finit toujours par se payer. Et cher. En Guinée, à chaque fois que les voix se taisent devant l’arbitraire, les faits s’imposent avec la brutalité de l’évidence. Les disparitions inexpliquées des acteurs du FNDC (Oumar Sylla dit Foniké Mangué et Bilo Bah, du journaliste Habib Marouane Camara) doublé des enlèvements brutaux de Abdoul Sako et de Maître Mohamed Traoré, constituent autant des faits pour lesquels le silence collectif des consciences est coupables.

Le pays bruisse d’attentes, de frustrations, de lassitude aussi. L’eau potable se fait rare dans les foyers, mais l’indignation, elle, est partout. Elle gronde dans les quartiers oubliés, elle murmure dans les couloirs des administrations, elle couve dans les regards fatigués des jeunes diplômés sans avenir. Et pourtant, ceux qui devraient dire, expliquer, agir, semblent avoir pris goût à l’évitement. Comme si gouverner se résumait à décréter et non à écouter. Comme si servir, c’était simplement paraître.

Nous ne manquons ni de lois, ni de discours. Ce qui fait défaut, c’est la parole vraie, celle qui engage, celle qui dérange, celle qui élève. Il ne s’agit pas ici de dénoncer pour dénoncer. Il s’agit de rappeler que la mission première de toute autorité est d’incarner une espérance, et non de gérer une résignation. Il n’y a pas de Robert Sarah à l’horizon, ni parmi les 13 millions des Guinéens, une voix capable d’incarner les aspirations collectives à l’exception de Tierno Monénembo. Le silence coupable couvre notre pays de toute sa force. La violence barbare entraîne la peur, peur qui anesthésie.

Le silence, dans notre histoire, a souvent été complice des reculs. Il a couvert les abus, anesthésié les révoltes, préparé les dérives. Aujourd’hui encore, ce silence continue de faire le lit de l’impunité, de l’incompétence, de la peur organisée. Il est temps, grand temps, que les élites intellectuelles, les citoyens debout, les institutions responsables reprennent la parole. Pas pour faire du bruit. Pour faire sens. Pour dire que la Guinée vaut mieux que ce qu’on lui inflige. Pour affirmer que notre avenir ne se construira ni dans la complaisance ni dans l’oubli, mais dans le sursaut de la lucidité.

À ceux qui préfèrent détourner les yeux, feindre l’apaisement pendant que l’essentiel s’effondre, nous disons: l’histoire jugera. Et elle jugera sévèrement ceux qui auront su…et n’auront rien dit.

Aboubacar Sidiki Sylla