Les inondations du 30 et 31 juillet dernier ont tué 18 personnes à Cona-cris. Au quartier Entag-marché2, commune à Tombolia, plus d’une semaine après, des habitants quittent leurs habitats. A Simanbossia, commune de Lambanyi où les pluies diluviennes ont fait des morts, l’heure est au repérage des « zones à risque ou inondables ». Face à leur éventuel déguerpissement, les occupants crient à l’injustice.
Dans la nuit du 30 au 31 juillet, plusieurs habitants des quartiers de Cona-cris se sont retrouvés les pieds dans l’eau, après de fortes pluies. Des maisons ont été complètement submergées par les torrents au quartier Entag-marché 2. Ce qui a causé l’effondrement des murs qui ont tué 5 habitants et fait un disparu, non encore retrouvé (le 9 août). Les dégâts étaient aussi énormes. Suite au drame, des victimes ont préféré quitter leurs habitations, pour sauver leurs vies.
Le 8 août, Ibrahim Fofana, sur le point de déménager avec sa famille, justifie sa fuite. «Nous quittons, parce que nous ne voulons pas mourir dans les inondations. Comme ce n’est pas notre maison, qu’est-ce qui nous empêche de quitter ? Nous avons eu une location à la Cimenterie », déclare-t-il, en train d’embarquer ses bagages dans un taxi.
Alpha Oumar Camara, désormais ancien habitant d’Entag-marché 2, déplore que des victimes dorment à la belle étoile et dénonce une «solidarité sélective». «Il y a des voisins qui dormaient dehors. Seuls ceux qui ont perdu les leurs dans ces inondations ont reçu quelques denrées et de l’argent de la part des autorités. Même cela est insuffisant pour ces familles-là. Toutes les victimes devraient être prises en charge». Il accuse: «Après les inondations, nous n’avons rien reçu, aucune aide de la part des autorités. Nous avons été recensés, mais rien après».
Selon des témoignages, l’Etat n’a pas daigné relocaliser les victimes. Joint au téléphone le 7 août, le chef du quartier, Cheick Abdoul Baldé, déclare: «Je ne suis pas au courant du relogement des victimes».

Vers un déguerpissement des « zones à risque »
A Simanbossia, dans la commune de Lambanyi, quatre personnes d’une même famille ont perdu la vie la nuit du 30 au 31 juillet dernier. Après la tragédie, le dirlo national de l’aménagement du trottoir et de l’Urbanisme, DATU, et le chef de cabinet du mystère de l’Urbanisme, se sont rendus sur les lieux le 6 août. Accompagné des agents du mystère, ils ont coché plusieurs concessions. Ces agents de l’Etat estiment que les maisons « repérées » sont sur une zone à risque. Le chef de cabinet du mystère explique le bien-fondé de la démarche. « Ils sont dans une zone très dangereuse, le risque d’inondations est très élevé. Nous avions recommandé à ce que cette zone ne soit pas habitée, ce n’est plus possible de rester ». Le dirlo de la DATU, Amadou Doumbouya, dit que c’est après études et analyses très profondes, « que cette décision de déguerpissement est prise. Pour qu’on ne revive pas les mêmes situations chaque année, le mieux est de raser complètement ce qui est dans la zone. Si on ne déguerpit pas, on risque de mettre en péril ceux qui reviendront ».

Des habitants de la zone disent n’avoir pas été prévenus. Ils dénoncent la procédure des agents de l’Habitat, affirment détenir des papiers délivrés par le même département. Issatou Diallo, voisine de la maison où la tragédie a eu lieu, se dit consciente du drame causé par les eaux. « Les agents de l’Habitat ont d’abord marqué la maison où il y a eu les quatre morts, ensuite, ils sont venus chez-nous, pour marquer notre maison. Je croyais que c’est seulement les maisons se trouvant dans le lit de la rivière qu’ils devaient marquer, mais ce n’est pas le cas. Nous aussi, nous voulons qu’il y ait vraiment un passage pour l’eau, mais nous sommes loin de la rivière ». Selon elle, sa maison a été déguerpie à Kaporo-rails après qu’elle est venue s’installer à Simanbossia. « Nous avons des papiers de notre maison. Pour preuve, nous payons le courant, l’eau et ce sont les autorités qui amènent les agents qui réclament les factures ». Elle lance un appel au prési de la transition. « Nous demandons au Président de nous laisser ici. Nous n’avons nulle part où aller ».

« Je ne quitte pas »
Assise dans son salon, Hadja Mama Kaba, 80 ans, fonctionnaire à la retraite, explique. « Sans demander personne, ils ont mis des croix partout. Pourquoi ? Ça ne se fait pas comme cela ». L’octogénaire estime qu’il faut s’adresser aux occupants, avant toute action. « S’ils ne font pas attention, cela peut créer un soulèvement et nous ne le souhaitons pas du tout », prévient-elle. « Je ne porterai pas plainte contre eux, mais nous avons fait la photocopie de la donation qui contient deux signatures : l’Habitat et celle de la Société de logement à prix modéré (SOLOPRIMO). L’administration, c’est une continuité, il ne faut pas créer des faux problèmes aux gens. Je vais quitter pour aller où ? Ce n’est pas bon. Il y a un espace entre le mur de ma cour et la rivière. Si les agents estiment que je suis trop proche du marigot, nous pouvons casser et repousser le mur de la cour. Cette maison, c’est l’Habitat qui nous l’a donnée, parce qu’il a signé, je ne quitte pas », martèle Hadja Mama Kaba. Selon elle, un « travail doit se faire correctement et honnêtement, malheureusement, c’est l’argent qui compte actuellement en Guinée ».
A Cona-cris, plusieurs maisons sont bâties sur des zones jugées à risque. A Nongo, le long du bras de mer, des maisons émergent comme ce n’est pas permis. A l’image de la zone appelée Pont-Kiridi. Au nez et à la barbe des agents de l’Urbanisme et de l’habitat. Un laxisme qui coûte des vies.
Souleymane Bah