Le 29 juillet dernier, le Prési de la transition a remanié l’équipe gouvernementale. En plus du maintien des ministres en ponction, le Chef de l’Etat fait appel à 5 nouvelles têtes : politicards, acteurs de la société civile, fidèles parmi les fidèles. Mamadi Doum-bouillant fait certainement de la place à ces personnes dans le cadre des sélections qui se profilent à l’horizon. Mais qui sont ces novices dans le goubernement Amadeus Oury Bah ? Le CNRD fonce, la tête dans le guidon, sur des échéances électorales majeures avant la fin de l’année, sans jamais se soucier de leur caractère inclusif. Le référendum vers la fin septembre prochain, la présidentielle éventuellement avant la fin de l’année comme l’a annoncé il y a peu, le Premier ministre lors d’un séjour abidjanais. La junte met donc toutes les chances de son côté pour réussir le pari de faire passer, comme lettre à la poste, sa nouvelle Constitution et à terme, se maintenir au pouvoir à l’issue de la transition. Pour y arriver, le Doum-bouillant allonge son goubernement, en scindant certains départements, pour faire de la place aux nouveaux venus.

S’il a préféré reconduire tous les ministres en ponction, histoire d’éviter certainement de créer de nouveaux frustrés, le Prési de la transition aurait minutieusement mûri son choix sur les entrants. Cinq ministres venant des quatre régions naturelles du bled. Tous ou presque ayant des affiliations politiques. Ce qui se cache derrière leur choix, c’est que le CNRD et son chef s’attendent certainement à ce qu’ils ratissent large en sa faveur, notamment dans leurs régions respectives. Mais que pèsent réellement ces nouveaux ministres, en termes de poids politique ? Sont-ils en mesure de mobiliser pour le CNRD ? Voyons voir.

Fassou Théa: ministre de la Pêche et de l’Économie maritime. Leader d’opinion, natif de Nzérékoré, il était membre de la société civile locale. Fassou, très écouté par la jeunesse de la Forêt, était membre de la Coordination régionale du Front national pour la défense de la Constitution. Entre 2018 et 2020, il a mobilisé plusieurs fois contre le tripatouillage de la Constitution, a fait l’objet d’arrestations. Avant son poste de ministre, Fassou Théa qui rejoint le navire CNRD dès après la prise du pouvoir en 2021, a occupé depuis novembre 2021, plusieurs postes à la Primature: conseiller chargé de mission, conseiller chargé du développement durable et maritime, conseiller en charge de l’environnement, du développement durable et de l’assainissement. La junte compte donc sur lui, aux côtés d’autres ministres du buisson (Félix Lamah, Rose Pola Pricemou, Kéamou Bogola Haba…), pour avoir la mainmise sur l’électorat de la Forêt. Fassou Théa est aussi connu en Basse-Côte. Il n’a cessé de défendre les impactés des barrages hydroélectriques de Kaléta et Souapiti, construits sur le fleuve Konkouré sous Alpha Grimpeur.

Cellou Ta-Baldé: Après Ousmane l’ex Gawa Diallo, Cellou Ta-Baldé constitue la plus grosse prise du CNRD dans l’UFDG. Le nouveau ministre de la Jeunesse était le puissant patron des fédérations de l’intérieur du parti, vénéré par les jeunes, surtout au Fouta. Ayant des entrées chez toutes les couches sociales en Moyenne-Guinée. En témoigne la cérémonie de son installation où des jeunes cadres et des sages du parti, mais qui comptent le suivre, ont voyagé du Fouta pour y prendre part. Son départ constitue un véritable casse-tête pour l’UFDG, sans compter sa détermination à faire basculer le Fouta et Labé en particulier, jadis bastion imprenable de la Petite Cellule Dalein Diallo, dans l’escarcelle du CNRD.

Namory et Laye Sékou Cas-marrant: respectivement ministres de l’Energie et des Infrastructures. Ce ne sont certes pas des militants ou responsables du RPG arc-en-ciel de première heure. Mais ces deux-là n’ont jamais été loin des arcanes de l’ancien parti au pouvoir. Ils auraient été biberonnés à l’intérieur du RPG, leurs parents seraient de ce parti. Tous les deux seraient du buisson de Kérouané: «Ce sont peut-être des sympathisants, mais n’ont jamais eu de postes de responsabilité au sein du RPG», fait remarquer, sous anonymat, un cadre de l’ex-parti au pourboire. Namroy serait le fils adoptif de feu Claude Kory Kondiano, ex-prési de l’Assemblée nationale. Alpha Grimpeur l’avait nommé à l’APIP. Laye Sékou, lui, s’est fait connaître en prenant les rênes de l’Electricité de Guinée (EDG). Malgré son limogeage, il ne s’est pas éloigné des rouages du Palais Mohammed V. Il mouille le maillot dans la propagande pour la vulgarisation du projet de la nouvelle Constitution et le maintien au trône de Mamadi Doum-bouillant. Namory et Laye Sékou Cas-marrant, bon à prendre pour charmer le maximum de RPGistes de la savane guinéenne ?

Mariama Ciré Sylla: ministre de l’Agriculture, jusque-là Représentante résidente du Groupe de la Banque mondiale en Namibie. La seule à ne pas avoir d’affiliations politiques connues. Même si elle est la fille de Zagamort (ou vif) Sylla, prési du parti UFC, Union des forces du changement. Elle aurait été nommée indépendamment des considérations politiques, mais nul doute que son père et son parti, déjà discrets depuis la chute d’Alpha Grimpeur, éviteront tout climat d’hostilité envers la junte. Histoire de permettre à la fille de travailler dans la sérénité.

L’un dans l’autre, le Doum-bouillant accentue les soupçons sur ses velléités de se maintenir au pouvoir.

Yacine Diallo