La fermeture de 1 724 unités industrielles de production d’eau sur toute l’étendue du territoire par le ministère de l’Industrie, des Petites et Moyennes entreprises le 17 juillet, suscite des inquiétudes chez les promoteurs. En plus de la perte d’emplois, l’eau en sachet commence à se faire rare dans plusieurs endroits du Grand-Conakry. L’Union des producteurs d’eau minérale de Guinée plaide pour un moratoire de deux mois.

Les inspecteurs du ministère continuent de fermer les unités industrielles ne respectant pas la mesure. Les forces de sécurité traquent des transporteurs de l’eau en sachet à travers Conakry. Face à la détermination du gouvernement de fermer les unités industrielles de production d’eau minérale, l’Union des producteurs d’eau minérale de Guinée (UPEMGUI) s’est retrouvée en réunion samedi 26 juillet à la Direction nationale des PME à Petit-Simbaya, dans la commune de Lambanyi. Elle a plaidé pour un  moratoire de deux mois, histoire de permettre ses membres de se mettre en règle. Pace que, selon ces producteurs, plusieurs d’entre eux ignoraient la procédure d’obtention des documents requis.

Souleymane Fofana, président de l’UPEMGUI, dit avoir accueilli la décision du ministère avec inquiétude, même « si les autorités n’ont pas tort ». Selon lui, certains propriétaires d’unités industrielles ont tenté de se mettre en règle, mais en vain. Le président de l’UPEMGUI reconnaît aussi qu’il y a des brebis galeuses parmi eux. « Actuellement, la situation est alarmante en ce qui concerne les installations chez certaines industries. Mais on ne peut pas frapper tout le monde par le même fouet.  Il y a certains qui sont en règle ou bien ils sont en train de se mettre en règle. Nous sommes en train de mener des démarches auprès  des autorités, précisément avec la Direction nationale de l’Industrie, prochainement chez la ministre, pour une solution de sortie de crise. Cela veut dire que les inspecteurs du ministère du Commerce n’ont qu’à passer dans les différentes unités industrielles, comme ils sont en train de faire. Tous ceux qui ne sont pas en règle, il faut cadenasser. Ceux qui sont en règle, nous souhaitons qu’ils les laissent travailler. Parce que la population est en souffrance. C’est la saison des pluies, nous savons tous les conséquences d’une eau sale».

Fermeture sélective ?

Par la même occasion, Souleymane Fofana dénonce une fermeture sélective. « Ce que nous ne comprenons pas, il y a certaines industries citées qui sont en train de produire de l’eau. Est-ce que ces gens n’ont pas été enregistrés ou localisés par erreur ou bien il y a eu un favoritisme ? Nous ne le savons pas. Nous n’avons jamais compris la manière de taper tout le monde par le même fouet ».

Selon le sieur Fofana par le passé, son équipe a fait une sensibilisation pour amener toutes ces sociétés membres de son organisation à être dans les normes sanitaires, environnementales comme le ministère  le recommandait. « Mais hélas, tout le monde ne peut pas faire le bon travail », admet-il.

Moussa Sidibé, producteur de l’eau « La maman », reconnait qu’il n’a pas tous les documents requis, mais que cela ne dépend pas de lui. Parce qu’il a  déposé son dossier depuis 2023, avec les frais liés à son traitement, jusqu’à maintenant il n’a pas été traité. « Dans le temps, quand vous venez au département pour parler de société d’eau, c’était un tabou, on n’en parlait pas là-bas, on rejetait ». Pourtant, dit-il, les promoteurs ont fini de faire des investissements, ils ne pouvaient pas s’arrêter. Il ne trouve pas de problème que l’Etat régularise le secteur, mais ne pas avoir l’unique objectif de fermer. « C’est d’accompagner les gens, pour qu’ils se mettent en règle. La règle, c’est à eux de la définir. Nous, nous sommes prêts à les suivre pour se mettre à jour », affirme Moussa Sidibé qui demande à l’Etat de faire la part des choses.  «  Il y a des gens qui continuent de produire, ils sont en train de mettre de l’eau de mauvaise qualité sur le marché. Si l’Etat ne prend pas des dispositions pour accélérer, pour rouvrir certaines industries qui ont été déjà visitées, qui, même si elles ne sont pas en règle coté documentation, mais répondent aux critères hygiène et santé, les problèmes vont s’accentuer ». D’où son souhait de voir les autorités accélérer la procédure de traitement des dossiers, au cas par cas, parce que toutes les unités de production d’eau minérale ne sont pas toutes dans les mêmes conditions de travail. « Nous sommes désolés, les images que nous avons vues sur les réseaux sociaux ne sont pas du tout bonnes. Nous les encourageons à visiter usine par usine, voir ceux qui répondent aux normes de qualité d’hygiène et de santé, les laisser continuer. Ce qui est sûr, les populations vont boire de l’eau mais de quel type, c’est le véritable problème ».

Une fermeture brusque préjudiciable aux promoteurs ?

Abdoul Wahab Diallo, promoteur de « Eau Fraiche », pense qu’il n’y a presque pas une usine qui soit en règle. Parce que, selon lui, préalablement l’Etat n’avait rien fait pour réglementer le secteur. Sinon, poursuit-il, beaucoup de promoteurs ont entamé des procédures pour se mettre en règle. « Je suis sûr que s’ils (promoteurs) savaient qu’il y avait des canaux pour se mettre en règle, beaucoup allaient le faire. D’ailleurs, beaucoup traitent avec une institution de l’Etat qui est l’ONCQ (Office national de contrôle de qualité). Les usines, en majorité, envoie pas leur production d’eau, pour faire analyser. C’est après cela qu’il leur est délivré un certificat de conformité. Si on savait qu’au-delà de l’ONCQ, on devait aller au ministère de l’Industrie prendre de la documentation, je pense qu’on l’aurait fait sans aucun problème.  Maintenant que l’Etat veut règlementer le secteur, je pense que décider d’une fermeture brusque va porter préjudice aux promoteurs de ces unités industrielles, qui ont investi beaucoup argent… » Aboul Wahab affirme disposer les documents comme le NIF (Numéro d’Identification Fiscale), le RCCM (Registre du Commerce et du Crédit Mobilier) et le certificat de conformité délivré par l’ONCQ, chaque trois mois. « Pour nous, la documentation s’arrêtait là. Nous estimons que l’eau que nous mettons sur le marché est de qualité, propre pour la consommation ».

El Hadj Bailo Diallo, propriétaire de l’eau Salimco, affirme aussi détenir le NIF, le RCCM et le certificat de conformité qui coûte 1 million 2 cent mille francs guinéens. Selon lui, il paye toutes les taxes notamment la santé et l’hygiène. C’est pourquoi, il demande à l’Etat de laisser ceux qui remplissent les conditions de travailler. Ceux qui ne le sont pas, de les sommer à se mette en règle ou les fermer. Parce que ce sont des milliers d’emplois, voire la vie de nombreuses  familles qui sont en jeu.

L’avis d’un cadre du ministère de l’Industrie

Abdoulaye Bangoura, cadre du ministère du Commerce et de l’Industrie présent à la réunion des producteurs d’eau minérale, a rappelé qu’avant l’annonce de la fermeture le 17 juillet,  le ministère avait donné un délai d’un mois aux unités industrielles de se mettre en règle, en envoyant leurs documents au guichet unique de l’industrie. Mais, selon lui, le constat est que  la majorité des unités industrielles n’avait pas respecté le délai. Or, il était dit dans le communiqué qu’après l’expiration du délai, il serait procédé à la fermeture et au retrait systématique des produits de toute unité industrielle ne répondant pas à l’appel. Abdoulaye Bangoura a profité de l’occasion, pour montrer aux promoteurs les documents à fournir pour être en règle. Il s’agit notamment de l’autorisation d’implantation, d’exploitation, le certificat de mise des produits sur le marché, le certificat de contrôle de qualité, le certificat de conformité, le certificat d’étude d’impact environnementale, le certificat d’hygiène, la copie du RCCM, le NIF. Des documents à déposer au guichet unique de l’industrie.

Silence radio chez Eau Coyah et Aïcha

Dans la liste des unités industrielles sommées de fermer, figurent Eau minérale Coyah (sic) et eau Aicha qui, pourtant, sont des sociétés de renom, qu’on croyait répondre aux normes requises. Pour clarifier cette situation à l’opinion, nous avons contacté les sociétés eau Coyah et Aicha. Quelle est leur réaction ? Après des multiples appels téléphoniques, nous nous sommes rendus à leurs sièges ou Directions, à Camayenne pour l’eau Aicha et à Kénien, pour Eau Coyah. Dans la salle d’attente de la Direction de l’eau Coyah, la secrétaire nous demande l’objet de notre visite que nous déclinons. Elle nous invite à prendre place et d’attendre. Après une heure d’attente, nous avons demandé à un autre, s’il ne pouvait nous introduire auprès du responsable de la société, il a répondu que la secrétaire était la mieux indiquée, pour répondre à nos questions. Nous repartons sans avoir eu le moindre échange avec les responsables de l’eau Coyah. A Camayenne, nous rencontrons le responsable du super marché Bobo, mais qui nous a sèchement répondu que « le responsable de l’eau Aicha n’est pas encore arrivé ». Il nous a demandé de laisser notre contact, sous prétexte qu’il va nous rappeler. Il n’a pas rappelé et n’a pas répondu à nos multiples appels.

Mutisme au ministère

Nous avons joint le chargé de Communication du ministère du commerce et de l’industrie, Faya Lopez Yombouno, pour comprendre les raisons de la décision. Pourquoi Eau Coyah et Aïcha ont-elles été citées ? Que leur reproche-t-on ? Peine perdue.

Mamadou Adama Diallo