Le projet Simandou, présenté comme la plus grande opportunité minière de l’histoire de la Guinée, promet des milliards de dollars de revenus, des infrastructures modernes et des milliers d’emplois. A écouter ses promoteurs, il s’agirait d’un « tournant historique » pour le pays.
Pourtant, derrière ce discours lénifiant de nos autorités, il faut se rendre à l’évidence que le développement de la Guinée ne peut pas se réduire à la seule extraction minière. La malédiction des ressources se joue là, certainement. La Guinée, « scandale géologique », doit éviter de vivre l’éternelle malédiction des ressources. Simandou pourrait symboliser un pays qui creuse la terre sans jamais bâtir l’avenir. À quoi servent des milliards de recettes minières si elles ne transforment pas durablement la vie des Guinéens ?
Pendant que des fortunes sont investies pour construire des rails, des routes et des ports pour l’exportation du fer, les écoles rurales continuent de s’effondrer, les enseignants manquent de formation et les enfants apprennent parfois assis sur des bancs cassés, dans des salles de classes pléthoriques.
La véritable richesse est humaine
Pour tout observateur avisé, ce contraste est insupportable. Les mines ouvrent, mais pas les bibliothèques. Les rails s’étirent sur des centaines de kilomètres, mais aucune politique sérieuse d’alphabétisation de grande masse. La vraie vraie richesse de notre pays, ce n’est pas son fer, c’est son peuple. Et un peuple sans éducation, sans santé, sans perspectives restera toujours pauvre, même assis sur une montagne d’or.
Le futur du fer est planifié, celui de la Guinée ne l’est pas. Un pays qui mise tout sur ses ressources naturelles sans investir prioritairement dans l’éducation se condamne à rester un pourvoyeur de matières premières et non un créateur de richesse. Simandou monopolise l’attention et aspire toutes les énergies politiques, alors que d’autres secteurs vitaux végètent.
L’agriculture, gage d’autonomie alimentaire et de création d’emplois, reste sous-financée. La santé publique survit avec des hôpitaux délabrés et un personnel sous-payé. L’innovation et la formation technique ne reçoivent aucun soutien digne d’un pays qui veut un jour transformer son propre minerai. Comment peut-on rêver d’industrialisation sans former d’ingénieurs, de techniciens, de chercheurs, d’ouvriers qualifiés ?
Il nous faut un Simandou qui construit l’avenir, pas seulement des rails
Un fait interpelle: le gouvernement fait désormais appel à des influenceurs étrangers pour « vendre » le projet Simandou aux Guinéens. Comme si la légitimité d’un projet d’une telle envergure devait se construire à coups de vidéos sponsorisées, plutôt qu’à travers une véritable consultation nationale.
Simandou pourrait être une chance si les revenus générés étaient massivement réinvestis dans un plan national d’éducation, avec des écoles modernes, des enseignants bien formés et un accès universel à la connaissance. Le développement des compétences techniques et scientifiques, pour que les Guinéens ne soient pas seulement des ouvriers de mines, mais des ingénieurs, des concepteurs et des entrepreneurs.
Il faut diversifier l’économie et créer une vraie valeur ajoutée. Sinon, le projet Simandou ne sera qu’un épisode de plus dans l’histoire des grandes promesses jamais tenues.
Alors oui, Simandou peut changer la Guinée, mais seulement si chaque franc tiré du fer est investi d’abord dans les secteurs vitaux. Autrement, ce projet ne sera qu’une nouvelle trahison, un gigantesque mirage. Nos dirigeants auraient, encore une fois, vendu l’avenir de la Guinée pour des rails et des promesses.
Mandjou Kouyaté