À Kakimbo, (commune de Ratoma), les taxi-motards bravent chaque jour les risques mortels de la saison pluvieuse. Mardi 12 août. Au petit matin, le ciel est sombre, mais il ne pleut pas encore. Les taxi-motards, garés au bord de la route, interpellent les passants, pour se trouver des clients. Entre routes inondées, caniveaux débordés et circulation difficile, ces conducteurs racontent leur lutte quotidienne pour rouler, malgré les dangers.

Il est à peine 10 heures. Le ciel est gris, les nuages s’amoncellent. À Kakimbo, non loin de la forêt éponyme, plusieurs taxi-motards sont alignés, motos garées, leurs conducteurs scrutant la route. « Vous partez madame ? », lance l’un d’eux, pressé, en direction d’une passante.

Parmi eux, Mamadou Saliou Diakité, la quarantaine, raconte ses épreuves: «Nous rencontrons énormément de difficultés. Les caniveaux bouchent les routes, les eaux de ruissellement nous empêchent de circuler. Le port des chaussures fermées me donne des irritations aux pieds, mais nous sommes obligés de les porter en cette saison de pluie. Moi, j’ai failli me noyer récemment vers Lambanyi. J’essayais de traverser un fossé et je suis tombé dans le caniveau avec ma moto. Heureusement, des personnes qui passaient à côté m’ont aidé à remonter. »

Départs matinaux

Près de lui, Alpha Diallo, autre taxi-motard, confie sa routine : « Je me lève très tôt, même quand il pleut. À 4 heures du matin, je suis déjà debout, pour aller chercher mon gagne-pain. C’est très difficile de travailler dans ces conditions, surtout que l’État ne fait rien pour améliorer nos routes ou sécuriser les routes inondées. »

Alpha Diallo

Face au calvaire qu’il vit au quotidien, sa colère monte : « Je ne peux pas compter le nombre de morts enregistrés en cette saison de pluie. Moi-même, j’ai failli mourir un jour, alors que j’essayais de traverser la route vers Cosa. N’ayant pas vu le caniveau complètement envahi par les eaux, j’y suis tombé. Je me suis débrouillé tout seul pour sortir de là, avec des blessures un peu partout sur le corps. Il faut que l’État fasse quelque chose pour améliorer les routes. » Pas pour autant qu’il a abandonné la conduite de taxi-moto.

La jeunesse dans la course

Un peu plus loin, appuyé contre sa moto, le plus jeune du groupe, connu sous le nom El Hadj a 20 ans. Il raconte : « Je fais ce travail depuis que j’ai arrêté l’école, j’étais en septième année. Même si je suis jeune, je subis les mêmes risques que mes aînés, parfois pire. Quand il pleut fort, l’eau recouvre la route et on ne voit plus les trous, ni les caniveaux. Une fois, j’ai perdu l’équilibre en traversant une route inondée, mais mon passager que je transportais de Kipé à Lambanyi est tombé dans l’eau. Heureusement, il s’en est sorti indemne. Mais la peur ne me quitte pas. Pourtant, si je reste à la maison, je ne gagne rien pour apporter à ma famille où je suis l’aîné. »

Rouler, malgré les dangers

En cette saison de pluie, chaque course à moto oblige les taxi-motards à affronter des routes glissantes, des caniveaux submergés et des torrents d’eau qui peuvent, à tout moment, les emporter. Les routes se transforment en rivières, l’eau boueuse descend à toute vitesse emportant tout sur son passage, emportant parfois motos et passagers. À l’image de Mamadi Camara (taxi-motard) et Halimatou Soumah (passagère), emportés par les eaux à Dabondy1 (Gbessia), la nuit du 10 au 11 août.

Malgré ces drames, les taxi-motards continuent à transporter, car « un jour sans travailler est une journée sans revenu ». À Kakimbo comme ailleurs à Conakry, rouler devient un acte de survie.

Aissatou Bah (stagiaire)