On n’imaginait pas que chat échaudé pouvait défier eau bouillante. Mais n’est-ce pas à cette imprudence que s’exposent actuellement nos voisins les Y-Voit-Rien, à la veille de l’élection présidentielle ? Bien sûr qu’ils ne voient rien. Du 24 au 26 août, toutes les Ivoiriennes et tous les Ivoiriens, certains d’avoir l’étoffe de conduire leur peuple vers le nirvana, se sont bousculés au portillon de la CEI (Commission électorale indépendante), à Abidjan, pour déposer leur candidature à l’élection présidentielle du 25 octobre prochain.

Au nombre de ces notabilités, on a noté ADO soi-même qui accomplit pour la quatrième fois cette formalité. L’ex-première dame Simone Ehivet Gbagbo, sevrée des lambris du pouvoir depuis 14 ans, est du lot tout comme ses ex-camarades du FPI, Pascal Affi N’Guessan et Ahoua Don Mello. Autres têtes d’affiche aperçues dans la queue leu leu, l’ancien ministre du PDCI Jean-Louis Billon.

Enfin il y a les candidatures qui risquent de rester en travers de la gorge des institutions en charges du processus électoral. En l’occurrence celles de l’ancien Président Laurent Koudou Gbagbo et du Président du PDCI Tidjane Thiam. En effet, on se souvient que la candidature de ses deux poids lourds de la politique ivoirienne a déjà été retoquée par les tribunaux.  

En somme, c’est bel et bien une bonne cinquantaine de gros légumes qui ont laissé des paperasses à la CEI qui a la diligence de les transmettre, avec la sagacité requise, aux neufs sages du Conseil constitutionnel dont dépend le verdict. C’est-à-dire l’établissement de la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle.

Pour assurer au scrutin un climat propice, même Toto aurait compris la nécessité de réintégrer les leaders du PPACI et du PDCI dans la liste électorale. Evidemment, plusieurs voix et non des moindres se sont élevées, à travers le monde, pour exhorter le Président ivoirien à prendre un décret d’amnistie pour effacer les condamnations judiciaires des deux leaders. De toute évidence, cela n’a pas été fait.

Associée à la candidature d’ADO pour un quatrième mandat le contexte, cette méprise exacerbe le climat déjà délétère de l’organisation du vote. Dès à présent, on croit entendre le chant du cygne. D’ores et déjà, responsables et militants du PPACI et du PDCI ont donné le ton par une gigantesque marche de protestation au cours de laquelle la foule a clamé des slogans xénophobes hostiles au RHDP et au président de la République.

Quelques jours après, dans la ferveur et la chaleur de ce mouvement, Laurent Koudou Gbagbo a organisé à Yopougon, sanctuaire de l’opposition, un meeting géant pour tacler et tourner en dérision ADO. Il a, encore une fois, moqué sa condamnation en tant que « braqueur de banque » et glosé sur sa radiation de la liste électorale. Toute cette boulimie a fait monter la tension.

Anxieux, le pays de Nana Houphouët attend le temps de la campagne électorale qui sera prémonitoire. De son déroulement et sa gestion dépendra l’environnement paisible et serin du vote et de la période post-électorale. Il faut espérer que le syndrome des évènements tragiques de l’année 2011 conseillera la sagesse aux dirigeants ivoiriens, surtout que nombre d’entre eux professent haut et fort leur obédience houphouëtiste.

Abraham K. Doré