LE PARDON DE LA VICTIME PEUT-IL METTRE FIN AU PROCÈS PENAL ?
Le fait que la victime (partie civile) accepte le pardon de la personne mise en cause (prévenu) n’implique pas automatiquement qu’elle doit se retirer du procès. Son retrait est un acte volontaire, et non une obligation.
Le pardon de la victime a un effet direct principalement sur l’action civile :
✓ Il supprime l’intérêt personnel de la victime à demander réparation : En pardonnant, la victime déclare en substance par exemple : « Je ne souhaite plus vous réclamer de dommages et intérêts pour le préjudice que j’ai subi. »
Le juge peut en tenir compte : Le tribunal actera du pardon de la victime.
Toutefois, le juge pourrait toujours allouer une compensation pour le préjudice matériel (frais médicaux, frais de réparation) si ces dépenses ont déjà été engagées et doivent être remboursées, à moins que la victime n’ait aussi expressément pardonné ces préjudices.
Si la victime a totalement pardonné et ne souhaite plus aucune forme de réparation, elle peut se désister de son action civile. Cela signifie qu’elle demande au tribunal de ne plus examiner sa demande de dommages et intérêts.
La victime peut choisir de rester en tant que partie civile pour plusieurs raisons, même après avoir accordé son pardon :
✓ Pour Témoigner et Participer : Elle peut souhaiter voir le processus judiciaire aller jusqu’au bout, entendre le jugement et contribuer à établir la vérité des faits.
✓ Pour que les faits soient jugés : Sa présence et son témoignage aident le tribunal à comprendre pleinement les événements.
✓ Pour demander un franc symbolique : Parfois, les victimes demandent un franc symbolique de dommages et intérêts.
L’objectif n’est pas financier, mais d’obtenir que le tribunal reconnaisse officiellement dans son jugement qu’un préjudice a bien été subi, par ailleurs, une forme de satisfaction morale.
✓ Pour réclamer des frais non excusés : Comme évoqué, elle pourrait toujours demander la compensation de pertes financières spécifiques déjà engagées.
En effet, le pardon de la victime n’oblige pas le Ministère Public à abandonner les poursuites. Le procès contre le prévenu continue. Le devoir de l’État de sanctionner les infractions qui portent atteinte à l’ordre public demeure. Le tribunal peut toujours condamner l’auteur des faits et prononcer une peine (amende, peine privative de liberté avec ou sans sursis…).
Cependant, le pardon de la victime est une circonstance atténuante significative que le tribunal doit prendre en compte pour déterminer la peine. Il conduit souvent à une peine plus clémente ou même à une dispense de peine.
En conclusion :
Accepter un pardon est une décision personnelle de la victime qui affecte sa demande en réparation. Cela ne l’oblige pas juridiquement à quitter le procès. Le choix de se désister ou de rester lui appartient.
✓ Si elle se désiste, le procès continue sans sa demande en indemnisation.
✓ Si elle reste, le procès se poursuit avec sa participation, mais sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral sera très probablement rejetée ou minimisée.
Dans l’un ou l’autre cas, les poursuites pénales menées par l’État continuent indépendamment, nonobstant le pardon accepté de la partie civile (Victime), bien que fortement influencées par cet acte hautement humain.
CHEICK ABOUBACAR SIDIKI CAMARA, Juriste, Collaborateur de Notaire.