La Guinée traverse une période sombre de son histoire politique. En manipulant la Constitution, en muselant l’opposition et en verrouillant l’espace démocratique, Mamadi Doumbouya a transformé la promesse d’une transition en un projet de confiscation du pouvoir. Aujourd’hui, le pays est à la croisée des chemins : participer à un simulacre électoral ou assumer un acte de résistance clair et net : le boycott.

Promesse de rupture

Lorsque Doumbouya s’est emparé du pouvoir en 2021, il a parlé de refondation, de restauration de l’État et d’un futur démocratique. Quatre ans plus tard, le bilan est sans appel :

  • Une Constitution cousue sur mesure, allongeant le mandat présidentiel à 7 ans.
  • La suppression de la clause qui interdisait au président de la République d’exercer plus de deux mandats dans sa vie.
  • La création d’un Sénat en partie nommé par le président, transformant le bicaméralisme en théâtre d’ombres.
  • L’immunité présidentielle qui place le chef de l’État au-dessus des lois.
  • Et surtout, la suspension des principaux partis politiques, réduisant l’opposition au silence.

A cela s’ajoutent des conditions absurdes fixées par la nouvelle Constitution : pour être président, il faut vivre en Guinée et avoir moins de 80 ans. Derrière cette disposition se cache une manœuvre grossière : éliminer d’avance certains adversaires politiques notamment ceux de la diaspora qui ont bâti leur légitimité à l’international, et verrouiller l’accès au pouvoir pour n’en faire qu’une chasse gardée.

Juge et parties

Dans ces conditions, parler d’élections relève de l’imposture. Comment croire à la transparence du scrutin quand les règles ont été écrites par le principal bénéficiaire ? Comment imaginer un pluralisme réel quand les principaux partis sont suspendus ? Comment espérer un débat démocratique quand la presse et la société civile travaillent sous menace constante ?

Les élections annoncées ne sont pas des élections : elles sont une mise en scène, une pièce de théâtre où le peuple est réduit au rôle de figurant.

Résistance

Certains diront que le boycott est une faiblesse, une désertion. C’est tout le contraire : dans un système verrouillé, refuser de participer est la seule manière de résister.
Participer, c’est donner une légitimité à un processus qui en est dépourvu. Participer, c’est cautionner l’injustice, c’est devenir complice de la mascarade. Boycotter, c’est dire haut et fort: « Nous ne reconnaissons pas ce jeu truqué. »

Le boycott n’est pas un renoncement, c’est une arme politique. C’est un refus collectif d’être pris en otage.

Non au simulacre

Aujourd’hui, la responsabilité n’incombe pas seulement au pouvoir, mais aussi au peuple guinéen. Car si Doumbouya impose, c’est parce qu’il sait que la résignation est son meilleur allié.
Chaque citoyen doit comprendre que se rendre aux urnes dans ces conditions, c’est trahir la démocratie. C’est accepter de vivre dans un pays où les règles sont écrites pour un seul homme et non pour le peuple.

Le silence, l’indifférence ou la participation à ce simulacre équivaudraient à une complicité. L’histoire jugera.

Le refus de la servitude

La Guinée mérite mieux qu’un président auto-proclamé sauveur, mieux qu’une Constitution bricolée pour servir un homme, mieux qu’un Parlement transformé en décor. Elle mérite une démocratie réelle, où le peuple choisit librement ses dirigeants et où aucun article de loi n’exclut arbitrairement ses enfants.

Le moment est venu de dire non : non à la manipulation ; non à la peur ; non au simulacre électoral !
Le boycott n’est pas seulement une option, c’est une obligation morale. Car face à un scrutin pipé d’avance, voter n’est plus un acte démocratique mais un acte de soumission.

La Guinée doit refuser la servitude volontaire. Elle doit boycotter, pour enfin se donner une chance de renaître.

 Mandjou Kouyaté