Ainsi donc, Nicolas Sarkozy, icône politique contemporaine et homme d’État d’envergure mondiale, ancien président de la République française, est écroué à l’issue d’un feuilleton politico-médiatico-judiciaire riche en rebondissements. On pourra toujours rappeler que nul n’est au-dessus de la loi, que la justice a triomphé. Il n’en demeure pas moins que chacun se pose des questions et se trouve bouleversé par une tournure des événements qui ressemble fort à une tragédie humaine, dans la pure tradition française.

L’image inédite de l’ancien président, au bras de son épouse Carla Bruni, se dirigeant vers une foule mobilisée pour le soutenir, restera gravée dans les annales. Celle de son véhicule sillonnant les rues de Paris pour le conduire à la prison de la Santé relève tout à la fois de la chronique judiciaire, de l’événement politique et du fait historique. De quoi susciter une vive émotion au-delà même des frontières hexagonales.

Décidément, rien dans le parcours fulgurant et la vie mouvementée de Nicolas Sarkozy n’est banal. De sa prime jeunesse à l’âge adulte, de sa carrière politique à ses amours, tout est marqué par la passion, la haine, les coups de théâtre. Il est remarquable qu’il ne passe pas inaperçu et qu’il ne laisse personne indifférent, qu’il soit armé de courage, de détermination et de stoïcisme. Il sait donner autant de coups qu’il en reçoit dans les épreuves de force qu’il engage.

Écorché vif et combattif, l’homme ne semble ni ébranlé par les épreuves, ni prêt à se laisser impressionner par les inimitiés et l’adversité. Il rappelle qu’il n’y a de « grand destin sans haine ». Il prendra certainement sa revanche, tôt ou tard, et comme à son habitude, il saura tirer du mauvais sort qui lui est infligé la force et l’énergie nécessaires pour renaître et se reconstruire. Jusqu’à son dernier souffle, il ne s’avouera pas vaincu et ne se résignera pas à la fatalité.

La prison, qu’il affronte comme une nouvelle saison « des temps de tempêtes », fera partie de ses « combats ». La France qu’il aime tant et qu’il a servie avec l’ardeur de ses fortes convictions et l’enthousiasme de son engagement politique est pétrifiée par tout ce qui lui arrive.

Car ce n’est pas seulement, comme il l’a rappelé, un présumé innocent qui est en détention provisoire, ayant interjeté appel avant une éventuelle condamnation définitive, c’est aussi l’honneur, l’intégrité, la fierté et les fondations démocratiques et républicaines de la patrie des Droits de l’homme que certains estiment bafoués. Le prestige de la fonction présidentielle et le mythe des institutions de France en sont, à leurs yeux, sérieusement altérés.

Les malheurs de Nicolas Sarkozy interpellent et inquiètent sur les revers possibles dans la vie d’un homme politique et les dangers liés à l’exercice des responsabilités publiques : aucune immunité garantie ni assurance d’une retraite tranquille. Le retour de bâton est une quasi-certitude, car qui n’est pas frappé à sa conscience devra souvent affronter le harcèlement des hommes, voire le couperet de la justice,  que ce soit dans le cadre de la reddition des comptes ou d’entreprises de vengeance.

Il n’y a pas que sous les tropiques ou dans les États totalitaires que l’on vit avec la hantise des poursuites, l’insomnie et le traumatisme d’un après-pouvoir agité de tourments et d’ennuis.

Sous la Ve République, triste record, seul Nicolas Sarkozy, au cours de son unique mandat de cinq ans, n’a pas été en odeur de sainteté auprès des magistrats au point de se retrouver aujourd’hui entre les quatre murs d’une cellule. D’autres présidents français, comme Jacques Chirac, avaient également été condamnés, lui à deux ans avec sursis dans l’affaire des emplois fictifs à la mairie de Paris, mais sans passer par la case prison. En comparaison avec ces cas récents, la situation de Nicolas Sarkozy est d’une gravité exceptionnelle. Historiquement, il est vrai que certains chefs d’État français ont subi des sorts encore plus terribles. Louis XVI fut emprisonné avant d’être guillotiné. De même, le maréchal Pétain fut condamné à la prison à vie pour intelligence avec l’ennemi et haute trahison après la Seconde Guerre mondiale. Ces figures tragiques, tout comme Nicolas Sarkozy, dans une moindre mesure, illustrent des destins brisés où le pouvoir et la chute deviennent intimement liés.

Comme pour dire que des années, des siècles après, l’histoire peut se répéter en revenant à un passé que l’on croyait révolu, fait de vies ruinées et de destins tragiques. Malheureusement, ces leçons ne sont jamais apprises, car chacun est convaincu, à tort, que le malheur n’arrive qu’aux autres, qu’il est capable de conjurer le mauvais sort, bénéficiant des faveurs des astres et de la mansuétude des hommes.

Plus haut on monte, plus dure est la chute. L’euphorie d’une victoire momentanée est toujours suivie par la déconvenue et les stigmates des échecs et des défaites dont personne n’est à l’abri ni ne peut anticiper la violence. L’humilité assure le meilleur et préserve du pire.

Tibou Kamara