Selon certains fieffés partisans, la candidature du président de la transition « s’impose d’elle-même, exigée par une large frange de la population guinéenne, par le peuple. » L’une des meilleures décisions prises par la junte au début de la transition fut l’interdiction des mouvements de soutien. Avec le recul, nous pouvons qualifier cette décision d’opportuniste. Bien joué ! Il fallait se montrer stratège pour installer son pouvoir. Aujourd’hui, quand nous voyons le tohu-bohu démagogique appelant le chef de la junte à se présenter à l’élection présidentielle, quand nous voyons les mouvements de soutien pulluler par-ci par-là, on se pose la question : qu’avons-nous fait au bon Dieu ? De quoi souffrent certains de nos compatriotes Guinéens ? L’amnésie ? La dissonance cognitive ? Le syndrome confusionnel ?
Comment faire nation avec ces Guinéens tourneurs en rond qui se complaisent dans le culte de la personnalité ? Ces Guinéens sont comme ces mauvais tireurs de penalty de la dernière chance qui se précipitent pour tirer, là où il faut du sang-froid, de la lucidité et de l’esprit d’équipe. Auto-désignés, égocentriques, ils n’ont pas provoqué la faute mais tiennent mordicus à tirer. Sauf qu’ils ont déjà raté plusieurs fois. Le pire : ils nous ont fait perdre les matchs décisifs de notre histoire. Nom de Dieu ! Perpétue ou l’habitude du malheur, Mongo Beti dans ce roman nous a prévenus : à force de côtoyer le malheur, on finit par l’épouser. Apparemment, c’est chose faite en Guinée.
Le plus préoccupant, c’est la crise morale que révèlent ces comportements incohérents et complices chez les citoyens. Pour qui l’incohérence n’est pas un défaut cynique mais une qualité stratégique, je ne sais quoi. Ces Guinée-haines qui n’ont rien à redire de la trahison du serment, de la parole donnée. C’est un mal profond et banalisé qui trouve son origine dans la société, peut-être.
La complexité du Guinéen
Nous pensons au verset du Saint Coran : « En vérité, Allah ne modifie point l’état d’un peuple, tant que les individus qui le composent ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes. » Mais nous nous gardons de le faire comme un certain griot politique de la place.
Nous les empêcheurs de tourner en rond, nous avons envie de comprendre la psychologie, lapsychanalyse du Guinéen et même la psychiatrie qu’il faut au Guinéen. Évidemment, « la folie est de faire toujours la même chose et s’attendre à un résultat différent. » Différente démocratie, différent développement, mais avec les mêmes mauvaises et vieilles méthodes. Nous aimerions comprendre la neuroscience qui fait qu’il se conduit ainsi.
Oui, nous voulons le comprendre, l’Homo guineensis, une espèce à part de l’Homo africanus. Si nous essentialisons le Guinéen, c’est par désespoir de cause, non par ignorance de sa complexité.
Une sœur nous a dit qu’un vieux leur racontait parfois à la boutique du quartier : « Nous Guinéens, au commencement, nous avons directement enfilé le boubou sans essayer et prendre de mensurations, pendant que d’autres pays prenaient les dimensions pour tailler sur mesure leur nation et limiter les effets de la balkanisation coloniale. »
Mythes et légendes
Puisqu’il nous est impossible d’observer l’Homo guineensis comme on étudierait une expérience à l’instar de Pavlov, pour comprendre le conditionnement politique de certains de nos citoyens, leurs réponses inconditionnées lorsqu’ils font activement ou passivement la politique — je vais vous raconter des mythes et légendes.
Au commencement, quand l’Homo guineensis dit non, il partit, pour célébrer son héroïsme, s’abreuver d’une eau laissée par les colons vindicatifs, l’eau qui s’appelle « l’eau-tu-ne-diras-plus-jamais-non-de-ta-vie ». Depuis, il remue quatre-vingt-neuf fois sa langue pour dire oui, oui à tout va.
Au commencement, tous les êtres humains apprirent le verbe écrit. Ils apprirent d’abord à écrire, dire, se dédire, se contredire. Pour sauver la face et rester cohérents tant soit peu, ils utilisèrent un crayon et une gomme pour écrire et redire. Sauf l’Homo guineensis lui, prit directement le stylo pour dire, se dédire, se contredire et prédire. Et quand il se rendit compte de ses incohérences et voulut se redire, les plumes avaient été déjà levées et l’encre séchée.
Tous les profs d’histoire ont expliqué à Toto que « la folie est de faire toujours la même chose et s’attendre à un résultat différent. » Nom de Dieu ! Ils ont usé de tous les moyens pédagogiques. Ils ont fait couler encre et salive, broyer la craie, mais Toto fonce toujours droit dans le mur.
Puisque, nous sommes à bout de raison, qu’il nous est impossible de savoir quelle hormone, quelle dopamine, adrénaline, sérotonine explique le penchant de l’Homo guineensis pour la bêtise politique, anti démocratique, nous racontons cette histoire à pleurer-rire : « Quand Dieu a créé, il a d’abord créé les sages, les humains et les cons. Il a pris les sages qu’il a mélangés parmi les sages, les sages parmi les humains et les sages parmi les cons. Il a ensuite pris les humains qu’il a mélangés parmi les sages, les humains parmi les humains et les humains parmi les cons. Il a enfin pris les cons qu’il a mélangés parmi les sages, les cons parmi les humains et les cons parmi les cons. Et c’est quand les cons se retrouvent parmi les cons et qu’il leur revient la décision de décider que c’est la catastrophe.
À l’époque, quand il y avait deux ou trois cons dans un village, on les extirpait du village pour les confier à un sage qui s’occupait de leur rééducation. C’est après qu’on les remettait dans la société. Mais aujourd’hui, s’il fallait sortir tous les cons, certaines villes et certains villages se verraient vidés de toutes leurs substances humaines sans qu’on ait réussi à vider tous les cons.
Et un con, c’est un con. Il ne reconnaît jamais qu’il est con. Pour lui, c’est l’autre qui est toujours con. C’est son voisin qui est con, lui non. C’est une bête qui refuse de se reconnaître bête mais qui ne cesse de paître dans la prairie de la bêtise. Heureusement qu’on le reconnaît toujours à sa tête, parce qu’il a toujours la tête d’un con. Il ne change jamais de tête.
Si vous allez quelque part et que vous entendez les gens crier « Oh, le con, il est encore parmi nous ! Il va nous pourrir la journée ! » Si vous faites le tour de tout le monde pour repérer ce con en vain, ce n’est pas la peine d’aller le chercher plus loin. Ce n’est pas qu’il y a plus de cons cette année que les années dernières, mais c’est parce que les cons de l’année prochaine sont déjà parmi nous. »Saïdou Abatcha, extrait retranscrit de la vidéo : Ces proverbes africains vous feront mourir de rire.
Mamadou Landho


