On en est à regretter les putschistes, première manière. Le rituel voulait alors qu’après avoir déployé les tanks et les chars, on règne sans partage jusqu’à sa mort ou jusqu’au coup d’Etat suivant sans s’encombrer de simagrées démocratiques. Les Bokassa, Eyadema, Idi Amin Dada et autres Mobutu avaient sur ceux d’aujourd’hui, un petit plus : la transparence. Ils zigouillaient leurs opposants, croquaient l’or et le diamant sans faire des manières, sans empêcher le petit peuple de dormir. Les beaux principes, ils crachaient dessus, les textes, ils ne les tripatouillaient pas, ils les jetaient à la poubelle. Les brebis galeuses, ils ne les soumettaient pas à la disparition forcée, ils les pendaient haut et court ou ils les jetaient au bucher au vu et au su de tous. C’étaient des putschistes eux, des vrais, pas une bande d’hypocrites ! Ils étaient cupides, brutaux, féroces mais avec eux, on savait à quoi s’en tenir.
La donne a changé depuis que les Africains se sont mis à se bercer d’illusions démocratiques. En brisant un à un nos rêves d’alternance par les urnes, ce sont-nous sommes bien obligés de le dire- nos faux démocrates qui nous ont plongés dans l’insupportable faux-semblant dans lequel nous, nous trouvons aujourd’hui. Nos putschistes de maintenant ne tuent pas moins, ne volent pas moins que leurs prédécesseurs mais avec le nouveau contexte, ils sont obligés d’avancer masqués, de se revêtir d’un vernis démocratique pour faire oublier qu’ils sont des putschistes, des putschistes purs et durs qui veulent se faire passer pour des démocrates sans reproche. Mamadi Doumbouya est le modèle de cette engeance, sans égale dans l’art des reniements, des fausses promesses et des coups tordus.
Sortons un instant s’il vous plaît de l’atmosphère hypnotique dans laquelle végète depuis si longtemps, notre peuple zombifié et regardons comment, étape par étape, il a réussi à imposer sa candidature et se fera plébisciter à coup sûr le 28 décembre prochain pour mesurer la duplicité du personnage et l’insondable minablerie de nos élites.
C’est le 5 septembre 2021 qu’il se fait applaudir pour avoir mis fin à la désastreuse idée de troisième mandat chère à Alpha Condé. On a cru un instant au sauveur, puisqu’il avait mis fin à une dictature et puisqu’il avait solennellement juré devant tous que ni lui ni ses collaborateurs ne se porteraient candidat aux élections à venir. On a su qu’il mentait quand ses ministres se sont, sans prévenir, mis à l’appeler monsieur le président alors que président de la transition est le seul titre auquel il pouvait prétendre. C’est là qu’elle commence sa triche.
Après avoir exilé ses opposants les plus sérieux et fait disparaître les activistes les plus remuants, il se fait offrir une constitution taillée à sa mesure et dans laquelle on a fait sauter tous les verrous figurant dans la charte de la transition, qui l’empêchaient de se présenter. Ensuite, par les subterfuges les plus pervers, il disqualifie les candidats Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, qui, à trois, représentent près de 95% de l’électorat. Cela fait quatre coups d’État en un !
Malgré cela, il vide les caisses de l’État, finance des bataillons de lèche-culs pour assurer sa propagande. On a vu ces arrivistes sillonner nos quartiers et nos villages, organiser des mamayas et des matchs de football meurtriers dans lesquels les foules sont tenues de brailler des slogans suppliant notre Rambo national de déclarer sa candidature comme si ce n’était pas déjà fait. En Guinée, il n’y a pas que les tortionnaires qui tuent, le ridicule tue, lui aussi.
Mamadi Doumbouya l’emportera le 28 décembre, probablement à 100%, le score favori de son mentor, le sanguinaire Sékou Touré. Le simulacre est tel que ses concurrents ne seront tout au plus que de simples figurants. C’est clair, net et précis, ce jour-là, les Guinéens auront malgré eux, consacré leur sixième dictature. En attendant cette victoire mal acquise, une question me vient à l’esprit : comment peut-on offrir une telle constitution, ce véritable permis de tuer, à quelqu’un qui n’est même pas capable de respecter une charte de la transition ?
Mais bon, maintenant que l’eau est versée, qu’on ne peut plus revenir en arrière, nous n’avons plus que nos yeux pour pleurer. Car, on n’a pas besoin d’être devin pour savoir que l’avenir sera sombre. À tous ceux qui ont jeté par-dessus bord leur conscience et leur dignité pour contribuer à cette monstrueuse machination, je dirai simplement ceci : « n’oubliez pas que de nos jours, l’histoire est filmée et que demain, quand il sera venu l’heure de rendre des comptes, aucun d’entre vous ne pourra dire qu’il ne savait pas. »
Tierno Monénembo


