Rien de mieux que les Guinéens, pour glorifier les tyrans ! Bons derniers dans toutes les disciplines, sur ce chapitre-là, personne ne leur arrive au talon. Le premier trucmuche parvenu au pouvoir est couvert de louanges, affublé des titres les plus ronflants, les plus ridicules, sanctifié quand il n’est pas déifié au sens littéral du terme. Pour quel haut fait ? Celui, seul et unique, de castrer les opposants et de faucher les manifestations de rue !

Faisons un jeu, dressons un tableau : sur la colonne de gauche, la liste de nos camarades-stratèges, de nos responsables suprêmes, de nos pères de ceci, de nos pères de cela, de nos Moïse faiseurs de miracles, de nos colonels-bâtisseurs et de nos généraux-refondateurs ; sur la colonne de gauche, le bilan de leurs réalisations. Franchement, Guinéens, à part l’ignorance et la misère, les prisons politiques, les hôpitaux infestés de rats et les rues jonchées de détritus, que voyez-vous ? Du sang, des discours et des larmes !

Chez nous, l’espoir démocratique est de courte durée. Quant au progrès économique, il n’est toujours pas à l’ordre du jour. La barbarie revient sitôt que le nouveau président a fini de fustiger son prédécesseur et de déplier la longue liste de ses fausses promesses. Chez nous, la tyrannie change de gueule, jamais de nature. Impossible dorénavant de nous voiler la face : si la Guinée dans 100% des cas, n’a produit que des dictatures sanguinaires,  on ne peut plus parler d’une succession d’accidents fâcheux. Nous devons nous poser les questions qui choquent, celles qui touchent la nature-même de notre société. Sommes-nous une société malade ? Oui si l’on s’en tient ne serait-ce qu’à la pitrerie qui se joue en ce moment autour de la candidature de Mamadi Doumbouya.

Les nervis du pouvoir prennent les Guinéens pour des demeurés. Ils veulent nous faire croire que celui-ci rechigne à se porter candidat et que par devoir patriotique, le peuple doit contraindre l’homme providentiel à sortir du bois (au besoin, payer sa caution), pour rétablir la morale, que dis-je ?, sauver la nation.

Mamadi Doumbouya non candidat, qui peut imaginer une telle aberration ? Pourquoi alors, a-t-il foulé au pied la charte de la Transition ? Pourquoi alors  s’est-il offert cette Constitution bidon où tous les verrous  qui l’empêchaient de se présenter ont sauté ? Pourquoi alors a-t-il nommé des délégués spéciaux à la tête de l’ensemble des mairies du pays ? Pourquoi alors, a-t-il démantelé tous les fiefs électoraux de l’opposition à Conakry ?

Fausser les textes, disqualifier les opposants (les éliminer physiquement parfois), bourrer les urnes sont les traits caractéristiques des pouvoirs nègres. Les thuriféraires du légionnaire qui nous gouverne auraient pu se contenter de cela sans déranger le bon peuple. Mais non, il leur faut soudoyer les pauvres gens, les pousser à envahir les rues et à dire des âneries. Des femmes font des sit-in, le personnel de l’hôpital de Kankan menace de ne plus travailler si jamais notre Général autoproclamé n’était pas candidat. Vous vous rendez compte : on va sacrifier nos malades et nos femmes enceintes, juste pour le bon plaisir du demi-dieu, Mamadi Doumbouya !

Les établissements scolaires de Labé, Mamou et Kindia sont fermés pour permettre aux élèves d’ajouter leur grain de sel à la connerie ambiante. Tel haut fonctionnaire menace de démissionner, tel autre de se suicider…Aux dernières nouvelles, les chiens errants de Sonfonia refuseraient d’aboyer si…et l’Océan Atlantique, de nous priver de ses marées si…

Nos mœurs politiques étant ce qu’elles sont, nous ne pouvons empêcher les mendiants de mendier, les voleurs de voler, les menteurs de mentir, les tueurs de tuer. La seule chose que nous pouvons faire, c’est de demander ceci à cette bande d’opportunistes : « S’il vous plaît, faites tout ce que vous pouvez pour remplir vos ventres insatiables mais de grâce, arrêtez de ridiculiser ce pays ! »

Tierno Monénembo