Chers amis, applaudissons bien fort nos politiciens, nos dirigeants, nos stratèges en costume trois pièces et en promesses XXL. Oui, félicitons-les ! Car, wallahi, ils ont réussi là où les grandes puissances échouent encore : ils ont porté la Guinée au niveau le plus avancé de la démocratie… numérique !
En France, les gens doivent patienter jusqu’à la fermeture des bureaux de vote pour connaître le vainqueur. Aux États-Unis, parfois il faut un mois, le temps que les États comptent, recomptent, contestent et comptent encore. Chez nos voisins, il faut deux jours… parfois une semaine.
Mais en Guinée ? Hé Kéla ! Ici, pas besoin d’attendre. Pas besoin de suspense. Pas besoin même de campagne ! Chez nous, on connaît déjà le gagnant… un mois avant la présidentielle. On Chen fout ! C’est ça qu’on appelle la démocratie anticipée. Alléluia !
Pendant que les autres comptent les voix, nous, on compte déjà les postes. Pendant qu’ils vérifient les urnes, nous on vérifie les t-shirts et les grandes affiches déjà collées à 4h du matin. Pendant qu’ils dépouillent, nous, on dépouille seulement les naïfs.
Ah, la Guinée ! Pays où les sondages n’osent plus parler, car ici ce n’est pas l’opinion qui décide… c’est l’intuition. L’intuition de ceux qui savent déjà tout, avant tout le monde, même avant Dieu parfois. À fakoudou !
La campagne est déjà lancée, les affiches collées, les motos vrombissent, les griots s’échauffent… mais les candidats, eux, ne veulent même plus du champagne. Hé Kéla ! On dirait qu’ils ont compris que trinquer pour une victoire déjà connue, c’est gaspiller les bulles. À fakoudou !
Même l’ultra favori, notre Général bien-aimé, celui que les foules acclament avant même de l’avoir vu, ne veut plus vraiment faire campagne. Pourquoi marcher sous le soleil si l’ombre du pouvoir vous suit déjà ?
L’issue finale est connue d’avance, comme un film dont on a vu la fin avant d’aller au cinéma. On Chen fout !
Le Général s’est donc enfermé au palais, signant des décrets, encore des décrets, toujours des décrets. À ce rythme, les stylos vont demander une augmentation. Et pourtant, c’est comme s’il avait décidé de ne plus aller faire le tour de nos villages et villes ; il laisse les moutons, les poules et les cases tranquilles cette année. Mais chat ne fait rien ! Wallahi ! Les foules, elles, sont déjà prêtes. Elles savent quand applaudir, quand danser, quand crier « Prési ! Prési ! »
Et même si le principal intéressé reste dans son fauteuil, la victoire, elle, est déjà en train de faire ses bagages pour venir s’installer au palais. Alléluia !
Il y a maintenant un sérieux problème dans ma propre famille. Depuis que ma poule a entendu parler de la grève des bouchers, il n’y a plus de tranquillité à la maison. La pauvre ! Elle a tellement paniqué qu’on dirait qu’elle a vu son nom sur une liste macabre. À fakoudou! C’est vrai qu’on n’a plus de viande – même le plus petit os a disparu du marché – mais chat ne fait rien ! Là où ça devient grave, c’est que ma poule ne parle plus à personne. Elle boude. Elle nous regarde comme si on était complices de quelque chose. À fakoudou !
Et pendant qu’elle se terre dans un coin, traumatisée par les nouvelles du pays, mon chat et mon chien barbu – oui, barbu comme un vieux syndicaliste – ne font que ricaner. On dirait deux généraux qui ont déjà compris que « ce n’est pas leur affaire ». Hé Kéla !
Le chat cligne des yeux comme pour dire : « Moi, même si les bouchers reviennent, je ne suis pas concerné ».
Le chien barbu, lui, rigole tellement fort qu’il a commencé à ressembler à Mandian Sidibé dans ses heures de gloire. Wallahi !
Pendant ce temps, ma poule tremble comme si elle entendait des pas derrière elle. Et moi, je me demande seulement : dans ce pays, même nos animaux ont commencé à faire la politique ? Alléluia !
Et pendant que ma poule continue de se terrer comme Pascal Tigri, ce putschiste béninois volatilisé dans la nature après son coup d’État raté, on dirait qu’elle a compris une chose essentielle : en Afrique, disparaître est parfois plus vital que gouverner. Hé Kéla ! Même les animaux de la concession ont maintenant une stratégie de survie politique. À fakoudou !
Notre Général bien-aimé, lui, s’est transformé en fauteuil-addict. On dirait qu’il ne se lève plus, non pas par fatigue, mais par instinct de conservation. Il sait que dans ce pays, dès que tu quittes ta chaise, quelqu’un d’autre s’y installe – et parfois avec les pieds, les bras, et même la famille au complet. On Chen fout ! En Afrique, les coups d’État tombent plus vite que la pluie de Dubréka en saison humide : paf, paf, paf, changement de décor, changement de drapeau, et les poulets ne comprennent plus rien.
Nous, au Lynx, on a déjà essuyé deux coups d’État en un an, deux braquages tellement mal ficelés qu’on aurait dit des répétitions générales pour un théâtre de l’absurde. Notre imprimerie a été démantelée.
Peut-être voulaient-ils nous faire taire. Résultat ? On parle encore plus, encore plus fort, encore plus loin. Wallahi, nos micros tremblent d’excitation !
Si Williams Sassine vivait encore, il aurait eu matière à écrire trois tomes, deux appendices et un supplément spécial « Afrique Édition Catastrophe ».
Mais au final, ce pays marche tellement à l’envers que ma poule, traumatisée par les bouchers en grève, les putschistes en cavale et les présidents collés à leur fauteuil, m’a dit hier soir : « Moi, je ne ponds plus rien tant qu’on n’organise pas d’abord des élections ici. » Hé Kéla !
Tout chat-là c’est bien. C’est bon. C’est bonbon. Mais derrière ce petit goût sucré, il y a toujours l’arrière-goût amer de la Guinée : un pays où l’absurde a demandé la nationalité et l’a obtenue sans dossier, sans extrait, sans certificat de résidence. Ici, les promesses poussent plus vite que le maïs sous la pluie, mais les résultats, eux, sont plus rares que ma poule quand elle se met en mode putschiste. On Chen fout ! Même mon chien barbu m’a soufflé ce matin : « Ce pays-là, si tu secoues les arbres, ce n’est pas des fruits qui tombent… ce sont des mensonges ! » À fakoudou !
En somme, on se rend compte d’une chose : en Guinée, ce n’est pas l’avenir qui est flou… c’est la direction dans laquelle on marche et la boussole qu’on utilise. À fakoudou !
Et finalement, quand je regarde tout ça – les candidats qui n’ont plus envie de faire campagne, le Général scotché à son fauteuil comme un chewing-gum, ma poule traumatisée, mon chien barbu devenu philosophe et mon chat qui se prend pour un stratège militaire – je me dis que le vrai problème du pays, ce n’est ni la politique, ni l’économie, ni les coups d’État. Le vrai problème, c’est que le bon sens a demandé un visa pour quitter la Guinée. À fakoudou !
Sambégou Diallo
Billet
Un chat m’a conté
Dans ce pays, on a tellement l’habitude des surprises que même la vérité, quand elle arrive, doit montrer sa carte d’identité. Hé Kéla !
SD


