La prolifération des coups d’État en Afrique est devenue une sorte de compétition panafricaine, un sport continental, un championnat de « Qui renverse Qui ». On ne joue plus au football, non. Le vrai derby, maintenant, c’est Présidence FC contre Garde prétorienne United. La Guinée-Bissau mène le classement : quatre coups d’État et dix-sept tentatives avortées. Même les moustiques de Gabú ont déjà tenté leur propre mutinerie, paraît-il. Dernier épisode : Embaló, emballé par sa propre garde. Wallahi, c’est lui-même qui appelle les journalistes : – « Messieurs, venez filmer mon renversement ! » Hé Kéla !
Et pourtant, ce n’est pas si étrange. En Afrique, la politique est devenue un jeu comme le whist américain. Les généraux arrivent avec leurs tanks comme si c’était des jokers, leurs kalachnikov bien huilées, et paf ! Ils remportent la main, ramassent le pouvoir, changent la Constitution en regardant le public comme pour dire : « Jouez encore si vous êtes hommes ! » À fakoudou !
Mais parlons de nous, la Guinée. Car tout ce qui est guinéen mérite d’être surveillé de près, même à travers un trou de serrure. Nous aussi, on a connu nos quatre coups d’État, soigneusement espacés comme des injections de rappel. Chez nous, le coup d’État n’est pas un scandale : c’est presque une spécialité culinaire. On en parle comme on parle du lafidi.
J’étais là, le regard posé sur la liste de nos candidats. Wallahi, on dirait la page de couverture d’un catalogue de superpouvoirs politiques. Tu as là une brochette étincelante :
– Yéro le baldérien à la cravate rouge, l’air sérieux comme un ploutocrate ;
– Makalapati au grand turban, sourire lumineux, comme si elle allait bénir le scrutin elle-même;
– L’abeille Scylla au costume bleu vif, posé, impeccable, déjà prêt pour la photo de victoire…
Au milieu, ça devient encore plus savoureux :
– Le faya lancinant au regard de sénateur, lunettes sombres qui disent : « Je vois l’avenir, mais je ne vous dis rien » ;
– Le kourou au costume officiel, écharpe aux couleurs nationales, posture martiale, comme s’il sortait d’un tournoi de kick boxing ;
– Le nabab en nœud papillon, sérieux comme un comptable qui surveille chaque centime de sa caution électorale.
Et pour compléter la fresque :
– Bounioul Kéita, l’inusable patriarche, millésime archives nationales ;
– Notre Général bien-aimé avec son boubou blanc très solennel, posture de gardien du temple ;
– Enfin, le shérif en tenue traditionnelle, l’air posé, tranquille, comme quelqu’un qui dit : « Si vous êtes fatigués, moi je ne suis pressé de rien… Dieu merci. »
Wallahi, cette affiche nationale ressemble moins à une liste de candidats qu’à une classe de fin d’année où chacun, soudain, a décidé de devenir chef de l’État plutôt que délégué de classe !
Ah, les élections ! Wallahi, c’est devenu un spectacle digne des plus grands cirques africains. Le chef de la transition militaire se présente, face à huit autres candidats, chacun plus brillant en promesse qu’en expérience. Des outsiders, des étoiles filantes, qui reçoivent… tenez-vous bien : 2 milliards GNF chacun, comme contribution à leur campagne. Pourvu qu’ils restent sages. Hé Kéla !
On imagine la scène : les candidats alignés, sourires forcés, costumes bien repassés, mains tendues vers l’argent comme des enfants vers le sucrier.
Le chef de la transition, lui, observe de loin, béret légèrement incliné, donnant l’air de distribuer non pas des fonds de campagne mais des permis de jouer au Monopoly. À fakoudou !
C’est une histoire du genre « comment financer ses adversaires et rester président ». On Chen fout !
Wallahi, à ce rythme-là, la campagne pourrait se jouer entièrement en billets de banque.
Et voilà le pays, mon frère : entre coups d’État et élections, la Guinée ressemble à un vieux moteur qui tousse, avec des billets qui font le tour comme des caméléons effarés. Le chef de la transition distribue des milliards aux outsiders sages, les généraux observent derrière leurs tanks comme des pères attentifs, et les citoyens regardent, bouche ouverte, en se demandant si un jour l’argent tombera du ciel. Hé Kéla !
Chaque coup d’État, chaque contribution à la campagne, chaque billet en circulation, c’est une danse étrange, un ballet où personne ne sait vraiment qui mène, mais tout le monde s’incline devant la musique. À fakoudou ! Et, tant que l’argent fuit, les généraux s’amusent, les candidats sourient, et nous… on attend le prochain numéro, comme si la Guinée était un théâtre improvisé où le public n’a jamais le droit de demander un remboursement. On Chen fout !
Bref, notre bled, lui, se nourrit de coups : coups d’État, coups bas, coups de poing, coups de gueule, coups de fil coupés, coups de grâce… même le courant donne des coups quand il revient trop fort. On a une vie tellement pleine de coups que quelqu’un a dit : ‐ « Si un jour un coup de chance arrive dans ce pays-là, il sera mis en déroute, Wallahi ! »
Et pendant qu’on accumule les coups, la Banque Centrale nous a joué le plus élégant : elle avait promis des conteneurs d’argent, avec une date précise, un calendrier digne d’un rendez-vous amoureux. Mais depuis, silence complet. On dirait que les billets ont raté leur vol, ou qu’ils ont été refoulés à l’aéroport pour absence de carnet de vaccination.
Peut-être que l’argent-là n’a même pas obtenu son visa d’entrée en Guinée ! Hé Kéla !
Une anecdote circule à ce sujet. À Koloma, un matin, un commerçant assis devant son étal jurait sur la tête de ses enfants : –« Moi, je n’ai plus vu un billet de 20 000 GNF depuis trois semaines. Je crois que l’argent a pris congé. »
Il faut se méfier de ceux qui jurent sur la tête de leurs enfants. De là au rituel d’argent, il n’y a qu’un pas, Wallahi !
Un autre répond : – « Mon frère, ce n’est pas congé. C’est exil volontaire. L’argent ne peut plus supporter la souffrance du peuple. »
Et un vieux assis dans un coin dit : – « Vous n’avez rien compris. L’argent guinéen circule bel et bien… mais dans la poche de nos gouvernants. On Chen fout ! »
Pendant ce temps, en Afrique, les présidents tombent comme des mangues mûres. Mais dans nos rues, ce sont toujours les mêmes problèmes : le taxi qui ne rend jamais la monnaie complète, les moustiques, gros comme des caïmans qui te prennent pour un buffet, les factures de courant qui t’attaquent avec la férocité d’un chien fou, les policiers qui te fouillent comme si tu avais volé la lune. Hé Kéla !
Tu vois, au fond, chacun a ses problèmes.
Les présidents ont peur des généraux.
Les généraux ont peur des gardes.
Les gardes ont peur des populations.
Les populations ont peur des fins de mois.
Et les billets, eux, ont peur de réapparaître.
La seule chose qui n’a peur de rien, c’est la Chronique Assassine. Elle sort, elle pique, elle griffe et elle repart, comme un chat de marché. À fakoudou !
Sambégou Diallo
Billet
Un chat m’a conté
Le jour du jugement dernier, chaque Africain devra brandir son drapeau. Wallahi, pas question de faire l’enfer deux fois !
SD


