Plusieurs virements injustifiés de fonds ont été opérés entre comptes bancaires associatifs et d’autres personnels détenus par des Guinéens établis en France, pour un total de 51 875 euros sans justif comptable. Daouda Conté, pressenti candidat de la diaspora guinée-haine en France à la députation en Guinée, est au cœur du scandale.

L’alerte a été donnée en septembre dernier par Alhassane Diallo, prési de la Fédération des associations guinéennes en Hauts-de-France (FAG-HDF), après avoir constaté des virements douteux de fonds du compte principal de la Confédération des associations guinéennes de France (CAGF) vers celui de la FAG-HDF opérés par Daouda Conté. Celui-ci est le prési de la CAGF, en même temps trésorier de la FAG-HDF.

Un rapport de la commission d’enquête interne d’octobre dernier, mise en place par le Conseil d’administration de la CAGF, révèle le virement de 51 875 euros sur son compte, entre le 20 janvier et le 28 août 2025, sans pièces comptables. Rien que de février à mars de la même année, 31 392 euros auraient été « unilatéralement » décaissés, sans but connu du Conseil d’administration de la Confédération des associations guinéennes de France. Lequel dit avoir découvert « la disparition de 51 000 euros dans son compte géré par Daouda Conté, le président », explique Aboubacar Soumah, de la FAG-HDF.

Tout est parti de l’organisation des activités des CAGF en Guinée, notamment de la 1ère édition du Forum de la diaspora guinéenne à Cona-cris prévue du 6 au 8 février 2026. Daouda Conté aurait fait des virements vers la Guinée pour payer des prestataires de services, mais ces derniers n’ont rien empoché. Alhassane Diallo, prési de la FAG-HDF, a réclamé des explications. Daouda Conté lui en a fourni, sans les relevés bancaires relatifs aux opérations. Face à l’insistance d’Alhassane Diallo, Daouda Conté aurait organisé une « fronde » contre lui, en faisant signer une pétition pour sa destitution. Sans succès.

Cumul de fonctions

Alhassane Diallo finit par obtenir les relevés bancaires. Il analyse les transactions bancaires et découvre le pot aux roses. « Daouda Conté était le président de la CAGF et trésorier de la FAG-HDF. La trésorière élue, Fatoumata Binta Camara, n’a jamais exercé ses fonctions. C’est après le scandale qu’on s’est rendu compte qu’il gérait à la fois les deux postes. Il faisait tous les virements, sans contrôle », charge une source proche du dossier.

Le rapport de la commission d’enquête établit une « absence totale de pièces justificatives acceptables aux sorties massives » de sous pour des activités de la CAGF, une remise de fonds en espèces effectuées sur la base de simples attestations, contrats signés et préfinancés avec des sociétés non enregistrées ou sans existence légale vérifiable. « Nous constatons que plusieurs justificatifs sont irréguliers ou non conformes, certains imprécis ou insuffisants et d’autres douteux », lit-on dans le rapport consulté par Le Lynx. Il épingle des transactions « non justifiées » entre la CAGF, la FAG-HDF et des comptes individuels d’ordres de 66 788 euros dont 51 875 non justifiés.

« La responsabilité directe du président Daouda Conté est engagée. La responsabilité sans faute de la trésorière Fatoumata Binta Camara est engagée », conclut le rapport. Les deux ont été suspendus de leurs ponctions jusqu’à l’assemblée générale du 24 janvier 2026, selon le procès-verbal de la réunion extraordinaire du Conseil d’administration de la CAGF du 23 novembre.

Double Face, double jeu

Pour organiser la 1ère édition du Forum de la diaspora guinéenne en France à Cona-cris du 6 au 8 février 2026, la CAGF a misé sur Double Face Agency, une société guinéenne spécialisée dans l’événementiel, la Com et la sécurité. Le 23 juillet, Double Face Agency a empoché de la part de la CAGF, représentée par Daouda Conté, 227 500 000 francs glissants cash, au titre du deuxième versement pour la tenue du Forum. Un procès-verbal de constat d’huissier que nous avons consulté révèle que la société bénéficiaire n’a été déclarée que le 18 septembre 2025 auprès du Tribunal de commerce. Soit six jours après l’alerte de la FAG-HDF (12 septembre 2025). « La Commission s’est procurée les statuts de la naissante structure. Elle est fortement soupçonnée d’être fictive et créée uniquement dans le but de couvrir a posteriori des opérations bancaires », dit le rapport d’enquête.

Interrogé à propos par les enquêteurs, Daouda Conté accuse un défaut de vigilance: « Concernant l’entreprise retenue pour la gestion du Forum, je ne me suis pas posé la question sur son existence. Il paraît qu’elle n’existait pas au moment de la signature du contrat. C’est peut-être une erreur de ma part. Je ferai les démarches pour demander la restitution des fonds engagés et voir ce que ça va donner. »

Candidat à la députation

Contacté par notre rédaction, Daouda Conté dit être en train de finaliser « un contre-rapport détaillé, qui sera mis à disposition pour toute fin utile. Il apportera des réponses complètes et structurées à l’ensemble des questions et permettra d’éclairer définitivement la situation. »

Dans son communiqué du 28 novembre dernier, le prési de la CAGF jure, la main sur le palpitant, n’avoir jamais piqué dans la caisse. « Toutes les opérations réalisées sous ma responsabilité sont documentées, traçables et conformes aux activités de l’organisation », écrit-il. Même qu’il avait proposé un audit interne « afin que chacun puisse disposer d’éléments clairs. »

Daouda Conté a été coopté par l’ambassade de Guinée à Paris comme premier dirlo adjoint chargé d’assurer l’intérim et la continuité dans le Directoire de campagne Europe-France de la candidature de Mamadi Doum-bouillant à la présidentielle du 28 décembre prochain. Il est aussi pressenti candidat de la diaspora guinée-haine aux sélections légis-tardives qui vont suivre en Guinée. Mais sur ce sujet, l’intéressé n’est pas loquace: « Si c’est avéré, vous le saurez au moment venu de façon officielle. » Le moment n’est plus loin.

Yaya Doumbouya