La 68èm session ordinaire de la CEDEAO a clos ses travaux le 14 décembre 2025 à Abuja. Cette scission s’est tenue dans une atmosphère alourdie par la tentative de putsch au Bénin et le récent renversement du Prési Umaro Sissoco Embalo. C’est probablement pour cette raison qu’elle a pris des allures d’introspection et affiché ses grands principes: « Bâtir une Afrique de l’Ouest plus sûre, plus intégrée et résolument tournée vers la prospérité pour tous ».
La prospérité, on l’attend depuis belle lurette ! Ce rappel est d’autant nécessaire que la CEDEAO est entrée dans une zone de turbulences depuis plus de cinq ans. Elle fait l’objet de critiques acerbes sur sa gouvernance et ses relations jugées inéquitables avec les Etats membres. On l’accuse régulièrement d’une politique de sanctions à deux vitesses au sein de l’espace communautaire. De tels reproches suscitent l’ire du Mali, du Burkina Façon et du Niger et justifient la formation de l’AES (Alliance des Etats du Sahel). Sans ébranler les fondements de la CEDEAO ni compromettre les acquis de la dynamique communautaire, la création de la confédération des Etats du Sahel a pâli l’image de l’organisation sous régionale. En effet, personne ne peut mettre en doute les avantages de la libre circulation des personnes et des biens, de l’établissement du passeport unique, de la mise en place de la Cour de justice, plus autres outils et mécanismes juridiques dans l’espace communautaire.
Les nombreux atouts incontestables de la dynamique communautaire n’occultent pas cependant les défis qui obstruent l’horizon des objectifs fondateurs de la CEDEAO. Les crises sécuritaires constituent des menaces existentielles, nombre d’États peinent tant à assurer leur propre défense. L’instabilité institutionnelle caractérisée par les changements intempestifs ou violents de constitution entrave les politiques publiques de développement. Le terrorisme entraîne des mouvements de déplacements massifs de populations, perturbe gravement les activités socioéconomiques, provoque de fortes crises humanitaires (famine, épidémie, désorganisation familiale, etc.)
La création d’une communauté d’États souverains suscite fréquemment des forces centrifuges qui freinent l’élan du projet communautaire tendant ainsi à annihiler les efforts de progrès. Depuis 1975, date de sa naissance, la CEDEAO a moulé l’espace politique, économique et social de l’Afrique de l’Ouest sur les contingences internationales et renforcé la résilience des Etats membres. Toutefois, sous l’effet des forces centrifuges l’organisation est régulièrement confrontée à des défis majeurs dont les moindres ne sont pas les crises sécuritaires et les ruptures anticonstitutionnelles. Tout cela suffit-il à expliquer pourquoi le Mali, le Burkina Faso, le Niger ont quitté la CEDEAO avec fracas et constitué l’AES dont la santé politique, économique et sociale n’est pas particulièrement reluisante ?
A cinquante ans, l’âge de la maturité, la CEDEAO se trouve à la croisée des chemins et à l’épreuve des vicissitudes communautaires. Les querelles de clocher et les velléités d’autonomie des États membres menacent sa cohésion et son efficacité.
Abraham Kayoko Doré



