En prélude à la Journée mondiale de lutte contre le SIDA, célébrée le 1er décembre de chaque année, Médecins sans frontières (MSF) a organisé un café-presse jeudi 27 novembre à l’USFR de Donka (Unité de soins, de formation et de recherche). La rencontre visait à partager un état des lieux des activités de MSF en Guinée, les progrès réalisés, les défis présents ainsi que les perspectives pour les prochaines années.

Les échanges ont principalement porté sur l’importance du dépistage précoce, la persistance des formes avancées du VIH, encore trop fréquentes en Guinée et la transition progressive du projet VIH de MSF vers les autorités sanitaires locales, après 22 ans d’engagement conjoint.

Depuis plus de deux décennies, MSF appuie le ministère de la Santé dans la prise en charge du VIH en Guinée, en soutenant les structures de soins, les équipes médicales et divers modèles communautaires. Après le transfert de deux centres de soins, MSF accompagne aujourd’hui 14 500 patients contre 17 500 un an plus tôt.

Pour Julien Matter, coordinateur pays de MSF, l’objectif est désormais de renforcer les compétences nationales afin d’assurer une continuité durable des soins. Selon lui, malgré les progrès médicaux, la stigmatisation reste un obstacle majeur : « Le VIH/SIDA concerne tout le monde. Trop de personnes préfèrent ne pas se faire dépister. Pourtant, grâce aux médicaments disponibles, on peut aujourd’hui vivre normalement, avoir des enfants sans transmettre le virus, et ne plus contaminer son conjoint. Cette réalité reste encore trop méconnue. Il est temps de faire passer le message. » Il insiste également sur les retards de diagnostic encore trop fréquents en Guinée, alors qu’un traitement initié à temps améliore considérablement la prise en charge des patients.

Une transition planifiée

MSF a présenté le calendrier de transfert progressif de ses activités au ministère de la Santé. Entre autres, la passation des PODIS de Sonfonia et Gomboya au PNLSH en décembre prochain, le retrait de deux centres de santé (Wanindara et Dabompa) en janvier 2026, le transfert des centres de Gbessia et de Tombolia en janvier 2027, la passation de l’USFR de Donka au CNLS/Ministère de la Santé en juin 2027 et le transfert des CMC Flamboyants et Matam ; fin du cycle du projet VIH de MSF en Guinée en 2028. Cette transition comprend aussi un appui technique au PNLSH, un transfert de compétences via le mentoring, le maintien du focus sur le VIH pédiatrique, la collaboration avec TACTIC, ainsi que la consolidation des acquis du volet SRR (PTME et violences sexuelles).

Alors que des inquiétudes surgissent sur les capacités de l’État à reprendre le contrôle effectif de ce projet, le professeur Fodé Bangaly Sacko, responsable de l’USFR de Donka, s’est voulu rassurant : « La réduction des financements du Fonds mondial n’a pas diminué l’appui de MSF. Les dispositifs sont bien en place pour assurer la continuité de la prise en charge du VIH et de la tuberculose. Mais il est urgent de réfléchir à de nouvelles stratégies de mobilisation des ressources, car la prise en charge d’une maladie chronique comme le VIH doit être pérenne. » Il appelle l’État à intégrer pleinement les activités transférées dans la prochaine demande de financement adressée au Fonds mondial, afin d’éviter un vide après le retrait de MSF.

Inquiétude des patients, défis de MSF

Du côté des personnes vivant avec le VIH, l’inquiétude reste palpable. Kadiatou Bodjè Diallo, du Réseau guinéen des associations de PV-VIH, alerte : « Le retrait de MSF va impacter les personnes vivant avec le VIH. MSF assure une prise en charge globale, tandis que l’État se limite aux antirétroviraux et à quelques examens. Il faut que l’État assume pleinement ses responsabilités, car ces citoyens ne doivent pas être exclus. » Elle rappelle aussi que les lenteurs dans le décaissement des fonds étatiques mettent parfois des vies en danger : « Une personne malade ne peut pas attendre un décaissement. Il faut plus de flexibilité pour garantir l’accès rapide aux traitements. »

MSF qui ne compte pas baisser les bras avant d’avoir totalement quitté le projet VIH en Guinée, a souligné plusieurs difficultés persistantes : rupture et retards d’intrants (anti-TB, tests de dépistage, ARV pédiatriques), arrivée tardive des victimes de violences sexuelles (+72h), dépendances élevées du personnel clé financé par MSF, réduction de 10% du financement du Fonds mondial. Des obstacles auxquels devraient faire face bientôt le ministère de la Santé.

Abdoulaye Pellel Bah