Le 15 décembre, nous avons eu un brin de causette avec Mohamed Nabé, candidat de l’Alliance pour le renouveau et le progrès (ARP). Il est persuadé que les Guinéens l’éliront prési de la Roue-publique, au soir du 28 décembre. La méthode Coué quoi.
Le Lynx : Le candidat de l’Alliance pour le Renouveau et le Progrès à l’élection présidentielle est peu connu des Guinéens…
Mohamed Nabé : Je suis né dans la ville minière de Kamsar. J’ai fait ma petite enfance entre Kamsar et les communes de Kaloum et de Matoto, à Conakry. Après mon cursus élémentaire, secondaire en Guinée, le baccalauréat dans les années 90, j’ai poursuivi mes études aux États-Unis où j’ai fréquenté la Suffolk University de Boston. J’y ai obtenu un Bachelor of Science in Business Administration (BSBA) en Finance et un diplôme en Administration Publique à la fin des années 90. J’ai aussi un Certificat International en Management de l’Innovation à I’INSEEC University de San Francisco. En Europe, j’ai été diplômé de l’Institut français de gestion, de l’université économique de Londres, et puis de Paris 1 Panthéon Sorbonne et de la Sorbonne Business School. Bref, je suis titulaire de plusieurs diplômes, d’attestations, de certificats de plusieurs institutions internationales.
Sur le plan professionnel, j’ai eu un parcours transversal. J’ai connu tous les secteurs importants de l’économie de notre pays. J’ai commencé ma carrière au niveau de la douane, dans le cadre du contrat de sécurisation des recettes douanières, au sein de la SGS. De là, j’ai fait un concours pour accéder à la Société générale de banque en Guinée, où j’ai gravi rapidement les échelons, en étant fondé du pouvoir de chargé des grands comptes. J’ai été Directeur de la zone minière de la banque au niveau de Kamsar et la région de Boké, entre 2004 et 2008. Je suis revenu à Conakry, après la crise sociale de 2006-2007.
Dans le cadre du programme d’appui à la promotion de l’emploi des jeunes, j’ai été admis premier au concours national, pour être le premier secrétaire exécutif du programme d’appui à la jeunesse, devenu plus tard Fonds national pour l’insertion des jeunes. J’ai donc été le premier directeur général du FONIJ, pendant près de deux ans. À l’avènement du CNDD, j’ai été remplacé à mon poste. Après, je suis parti au groupe Guicopress, comme l’un des directeurs en charge de cinq départements importants, notamment l’organisation, l’audit, le contrôle interne, l’inspection. De Guicopress, je suis devenu Directeur commercial et marketing de GI Ciments, avec rang de directeur général adjoint, au sein de l’usine.
J’ai eu la chance aussi d’observer et de superviser plusieurs élections importantes en Afrique. Ce qui me donne du recul par rapport à tout ce que je vois aujourd’hui en Guinée.
Qu’est-ce qui vous a amené en politique ?
C’est le patriotisme, c’est un appel patriotique. Je pense que tous les Guinéens patriotes, tous les Guinéens qui ont des valeurs intellectuelles et morales, doivent s’intéresser à la politique. Parce que réellement, pour pouvoir perfectionner et améliorer l’échiquier politique national, il faut que l’intelligentsia de la Guinée puisse s’intéresser à ce domaine important, parce que toutes les décisions de la nation se prennent au niveau politique. Depuis mon arrivée et mon retour en Guinée, il y a 23 ans, je me suis toujours intéressé à la politique. Parce que la meilleure façon de changer une nation, c’est d’être dans le système et d’être réellement le premier magistrat du pays, pour pouvoir faire en sorte qu’on applique votre vision.
Plus de 20 ans dans le militantisme politique, pourquoi de créer un parti. Vous ne vous retrouviez pas dans les autres formations politiques ?
Il faut reconnaître que j’ai milité dans plusieurs partis, pendant ces 21 dernières années. Mais cette fois-ci, puisque j’ai une vision, j’ai un programme pour la Guinée, j’ai estimé que la meilleure façon de mettre en pratique cette vision et ce programme, c’est d’être à la tête de mon propre parti. D’où ma décision de créer, avec des collègues, l’Alliance pour le Renouveau et le Progrès.
Pourquoi les Guinéens voteraient-ils pour vous le 28 décembre 2025 ? Quel est votre projet de société ?
La Guinée a besoin d’un président patriote, d’un président exemplaire, d’un président éthique, d’un président qui a des valeurs intellectuelles et morales irréprochables. La Guinée a surtout besoin de ce Guinéen qui puisse être là pour faire face aux préoccupations des femmes et des jeunes. C’est ce que moi j’ai fait déjà. Nous avons posé des actes. Nous sommes l’un des rares partis à avoir un programme d’autonomisation pour les femmes et les jeunes de Guinée. Nous avons formé des milliers de groupements de jeunes et de femmes, en saponification, teinture, culture maraîchère. Nous avons organisé, structuré, formalisé, formé et accompagné des dizaines, voire des centaines de projets pour les jeunes, notamment dans la briqueterie, l’agriculture, les petites PME.

Aujourd’hui, nous avons à notre actif près de 150 projets financés à travers ce programme-là, pour près de 30 milliards de francs Guinéens. Or, Monsieur Nabé n’est pas encore président de la République. Je pense que cela doit interpeller les Guinéens.
La réconciliation nationale est votre première priorité, selon un dépliant de l’ARP. Pourquoi ?
Il n’y a pas de développement possible sans la construction d’une nation. Il faut essayer de reconnaître aujourd’hui que la Guinée peine dans ce domaine-là. Il y a eu beaucoup de frustrations, il y a eu beaucoup de blessures dans ce pays. Il faudrait adresser ces frustrations. Les crises sociales à répétitions que notre pays a connues, il faudrait les adresser. Pour cela, il faudrait que la vérité jaillisse. Il faudrait qu’il y ait la justice, qu’il y ait les réparations, qu’il y ait le pardon et que les Guinéens acceptent de se pardonner, de se réconcilier, pour créer une nation. Il faudrait que les Guinées aient la même vision, les mêmes objectifs. Qu’on s’identifie d’abord à notre pays avant de s’identifier à une région ou à une ethnie.
Les libertés sont violées en Guinée, notamment la liberté d’expression et de la presse. Ça vous dit quoi ?
La presse, c’est l’oxygène d’une démocratie. Sans la presse, il n’y a pas de démocratie. C’est la raison pour laquelle, les questions de liberté individuelle, de liberté de la presse, de liberté publique, seront réellement des questions essentielles. Je pense que les journalistes doivent être dans les conditions d’exercer leur métier de façon optimale, dans les conditions de travail et de vie optimales, pour que réellement les questions de liberté et des droits de l’homme puissent être réellement des questions essentielles en Guinée.
Vous président de la République, quelles sont vos priorités ?
Priorités absolues : l’éducation, la santé, l’agriculture, les questions de promotion de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, l’autonomisation des femmes et la promotion de l’emploi des jeunes, le secteur minier.
D’aucuns pensent que les 8 sont des candidats caution pour Mamadi Doumbouya. Que leur répondez-vous ?
On est dans un État de droit. Chacun est libre de s’exprimer et de dire ce qu’il pense. Si les gens pensent que nous accompagnons Mamadi Doumbouya, ils sont libres de le croire ainsi. Mais moi, je ne peux pas payer 900 millions de francs pour la caution, dépenser aujourd’hui des milliards de francs guinéens pour notre campagne que tous les Guinéens voient aujourd’hui sur les ondes, sur les réseaux sociaux et accompagner quelqu’un dans ce sens-là. Il faut reconnaître aussi que, comme on le dit, la politique, c’est comme un biscuit. Il n’y a aucune élection qui est gagnée d’avance. Mais il faudrait que les Guinéens le sachent, moi, je ne suis pas là pour accompagner quelqu’un. Je ne suis pas là comme un valet d’un candidat. Nous avons créé notre parti, pour briguer la magistrature suprême. Et nous sommes en train de travailler, pour pouvoir atteindre cet objectif.
À sa prise du pouvoir en septembre 2021, Mamadi Doumbouya avait promis qu’il n’allait pas se présenter à l’élection marquant la fin de la transition. Il a changé d’avis. Vous croyez gagner contre lui ?
Il vous souviendra que j’étais l’une des rares personnes qui a toujours dénoncé, sur la base de la charte de la transition, le fait que Mamadi Doumbouya puisse se présenter aux élections présidentielles. Parce que sur la base de cette charte, il n’était pas question ni pour lui ni pour les membres du CNRD, ni pour les membres de l’administration ou du gouvernement, de se présenter aux élections.
Malheureusement ou heureusement, il y a eu une nouvelle Constitution. Je suis légaliste. Dans cette nouvelle constitution, il n’y a aucune disposition prévue qui l’en empêche. Pourtant, on s’est battu pour que dans les dispositions transitoires, qu’il puisse avoir cette disposition de la charte, ça n’a pas été le cas, le peuple de Guinée a voté oui à une nouvelle constitution. Il faut souffrir de la dictature de la majorité. Aujourd’hui, dans cette nouvelle constitution adoptée sur référendum, il n’y a aucune disposition qui empêche Mamadi d’être candidat. En tant que légaliste, je ne peux pas m’opposer à cela.
Sûrement, on n’a pas abordé un sujet qui vous tient à cœur…
Les Guinéens doivent avoir le recul, avoir le sens du discernement et bien choisir le chef de l’État cette fois-ci. C’est la raison pour laquelle je demande au peuple de Guinée de choisir Mohamed Nabé, un président patriote, un président qui a pitié de son peuple, quelqu’un qui n’est pas encore président de la République, mais qui a fait 14 forages dans le pays, qui a essayé de mettre en œuvre un programme d’autonomisation qui touche des milliers de jeunes, des milliers de femmes, des centaines de groupements, qui a pu mobiliser près de 30 milliards de francs guinéens, pour pouvoir financer des projets pour les femmes et les jeunes. Je pense que ce dernier connaît les problèmes de ce pays-là et c’est important que les Guinéens le choisissent le 28 décembre 2025.
Interview réalisée par
Mamadou Siré Diallo



