À Conakry, dimanche 30 novembre, la chaleur écrasante n’a rien entamé de la ferveur populaire. Kissosso, d’ordinaire bourdonnant de son animation quotidienne, s’est transformé en un vaste théâtre politique où le Rassemblement pour une Guinée Prospère (RGP) a officiellement lancé sa campagne pour l’élection présidentielle du 28 décembre.

Au centre de la mobilisation, Bouna Keïta, homme d’affaires devenu figure politique incontournable, a pris la parole avec la sérénité de ceux qui connaissent le poids des responsabilités.

Le siège du RGP, récemment inauguré, a vibré sous les chants, les applaudissements et l’espoir visible d’un millier de partisans. À son arrivée, l’opérateur économique reconverti en leader politique a été accueilli comme un homme appelé à franchir une nouvelle étape dans sa trajectoire publique. « Vous avez montré depuis ce matin votre engagement et votre présence », a-t-il lancé à la foule, avant de présenter les fondations de son projet de société, empreint de son expérience de gestionnaire rigoureux et de bâtisseur économique.

Mais c’est surtout lorsqu’il a tenu à préciser sa posture dans la compétition électorale que le ton s’est fait plus ferme, presque tranchant : « Je ne suis pas un candidat fabriqué. Je ne suis pas venu pour accompagner. »

Une déclaration assumée, qui résume sa volonté de se démarquer dans une scène politique souvent accusée de recyclage et de suivisme.

Le manager face aux défis économiques

Dans un discours où se mêlaient conviction personnelle et références historiques, Bouna Keïta a plaidé pour une industrialisation ambitieuse, condition, selon lui, d’un véritable décollage économique. « Si nous avions au moins 100 industries, et que chacune employait 50 à 100 personnes, imaginez combien de familles pourraient vivre dignement », a-t-il expliqué.

Déterminé à redonner à l’économie nationale ses leviers de création de richesse, il a annoncé la mise en place d’une banque entièrement dédiée à l’agriculture et à l’industrie afin de financer la production réelle et réduire la dépendance du pays aux importations. « La Guinée, c’est un pays vert. Ma force, c’est l’agriculture et l’industrie », a-t-il insisté, fidèle à la vision d’entrepreneur qui l’a façonné.

Valoriser les ressources, transformer localement

Évoquant le café et le cacao exportés massivement vers les pays voisins, il a regretté que ces produits, souvent originaires de Guéckédou, Macenta ou N’Zérékoré, soient valorisés ailleurs.

Un candidat sensible aux enjeux sociaux

Si l’économie constitue le cœur de son ambition, Bouna Keïta n’a pas éludé les préoccupations sociales. « Le jour où je serai président, je construirais des écoles publiques dans toutes les régions et dans toutes les communes du pays », a-t-il promis, dénonçant les inégalités criantes entre les écoles publiques et privées.

Saluant les compétences du personnel médical guinéen, qu’il juge « parmi les meilleurs de la sous-région », il s’est engagé à doter chaque région d’hôpitaux modernes « avec les mêmes conditions qu’à l’hôpital national Donka ».

L’autonomisation des femmes occupe également une place centrale dans son discours, la considérant comme « essentielle à l’équilibre social et économique ».

Une campagne structurée, un projet assumé

Son directeur de campagne, Lamine Sidibé, a décrit le RGP comme un parti résolument tourné vers un développement « durable et inclusif ». Il a cité la modernisation de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, de la santé, de l’éducation et de l’emploi des jeunes comme piliers du projet du candidat. Selon lui, « toute la richesse nationale sera réinvestie dans les infrastructures essentielles, de Conakry à Yomou ».

Dans la foule, les réactions étaient teintées d’espoir et d’enthousiasme sans réserve chez ses partisans. « C’est la première fois que j’entends un projet réaliste », lançait un militant.

L’épreuve de vérité

À moins d’un mois du scrutin, ce premier rassemblement du RGP donne la mesure d’un candidat qui souhaite s’imposer par sa méthode, son pragmatisme et son image de self-made man. Bouna Keïta mise sur sa différence, son franc-parler, son expérience d’entrepreneur et un projet de société axé sur la production nationale.

Reste désormais à transformer cette ferveur de Kissosso en dynamique nationale. La campagne ne fait que commencer – mais le ton, lui, est donné.

Sambégou Diallo