«Il y a un amendement de la Constitution, le 25è amendement, qui prévoit que le président peut décider de temporairement transférer le pouvoir au vice-président, explique Paul Schor, historien et spécialiste des États-Unis, au micro de Vincent Souriau, du service international de RFI. C’est une procédure assez rare mais c’est déjà arrivé : Ronald Reagan l’a fait puis George W. Bush quand ils ont eu des opérations avec des anesthésies. Ils ont transféré pour quelques heures le pouvoir et puis après ils l’ont repris.»
Que se passerait-il si Donald Trump mourrait du coronavirus ? «C’est déjà arrivé que des présidents meurent au pouvoir, poursuit Paul Schor. La ligne de succession est claire : c’est le vice-président qui devient président. Et s’il se trouve un cas où à la fois Donald Trump et Mike Pence sont dans l’incapacité d’exercer leur fonction – Pence apparemment, vient d’être testé négatif – mais au cas où il le serait aussi [positif], ce qui est prévu, c’est que l’intérim soit assuré par le speaker [président] de la Chambre des représentants, en l’occurrence Nancy Pelosi, qui est démorate. »
Si le leader démocrate est à son tour incapable d’assumer la fonction, c’est le président « pro tempore » du Sénat, son doyen, le Républicain Charles Grassley, 87 ans, qui hérite provisoirement du pouvoir.
Donald Trump peut-il être remplacé sans son consentement ?
Le 25è amendement autorise également le remplacement forcé du locataire de la Maison Blanche, en particulier s’il est trop malade pour transférer lui-même son pouvoir et s’il refuse de le faire, précise le New York Times. La Constitution autorise alors le vice-président, en accord avec le cabinet du président ou un groupe spécialement nommé par le Congrès, à intervenir. Si la majorité de l’un de ces groupes décide et informe la Chambre et le Sénat de l’incapacité du président à assumer ses fonctions, le pouvoir exécutif revient au vice-président. Ce cas de figure n’est jamais arrivé. Ce transfert « involontaire » durerait jusqu’à ce que le président informe le Congrès de sa capacité à reprendre ses fonctions. Mais si le groupe qui lui a retiré son pouvoir s’y oppose, il faudrait que le Congrès vote à la majorité des deux tiers le transfert définitif du pouvoir.
Une dispute autour du transfert du pouvoir est-elle possible ?
Si la succession présidentielle est fixée noir sur blanc dans la loi, certains juristes ont contesté son caractère constitutionnel, souligne par ailleurs le quotidien new-yorkais. Il ne serait pas sûr que la présidente de la Chambre soit éligible au transfert du pouvoir car elle n’est pas membre de l’exécutif, comme l’exige la Constitution, mais du pouvoir législatif.
Or, cela pourrait déclencher une crise politique majeure. Imaginons que les Républicains refusent que la démocrate Nancy Pelosi assure l’intérim présidentiel : le secrétaire d’État Mike Pompeo, numéro trois de l’administration Trump après le vice-président, pourrait revendiquer aussi le pouvoir. C’est l’avertissement lancé cette année par Jack Goldsmith, professeur à la Harvard Law School : « C’est un scénario cauchemardesque dans la mesure où la loi constitutionnel n’a jamais été testée », prévient-il, cité par le New York Times.
Et si Donald Trump ne peut plus être candidat à la présidentielle ?
Les choses peuvent devenir rapidement compliquées. D’abord, la commission nationale des Républicains devrait proposer un remplaçant. Un processus tout sauf rapide puisque cette commission est composée de 168 membres, trois pour chaque État et territoire américains. Or le vote a déjà commencé dans plusieurs États, pas seulement par correspondance, mais aussi en personne. Il n’est pas sûr que les nouveaux bulletins de vote pour un candidat républicain de remplacement soient prêts à temps pour le 3 novembre, jour de l’élection.
Dans ce cas, il reviendrait aux gouverneurs de chaque État de décider de la suite. Sauf que la plupart n’ont rien prévu dans une telle situation.
L’ultime scénario : Trump élu mais incapable de gouverner
La question deviendrait encore plus complexe si Donald Trump était élu mais dans l’incapacité d’effectuer un second mandat. La balle serait alors dans le camp des grands électeurs, ceux qui sont nommés dans chaque Etat en fonction du candidat qui a remporté le vote populaire. Ils sont la plupart du temps obligés de tenir compte du résultat du scrutin pour investir le président. Mais il n’est écrit nulle part de règle contraignante dans le cas où le vainqueur est décédé ou s’il ne peut gouverner.
La question pourrait alors être tranchée par le Congrès, qui est là pour certifier le vote des grands électeurs. Mais faute d’accord bipartisan, l’affaire pourrait bien finir devant la Cour suprême.