C’est du classique en Afrique : élections truquées, résultats connus d’avance, scores à la soviétique, prési sortants qui s’entêtent à rester. Mais certains opposants comme au Sénégal ont réussi l’exploit de déloger le Vieux Cocotaillé. Fort de deux expériences de « défaites », 2010 et 2015, la Petite Cellule Dalein Diallo a surpris plus d’un en décidant de participer à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020. Mais comme dit un adage peul : celui qui met une braise dans la bouche sait où garder sa langue. L’opposant devait avoir un plan : sécuriser ses voix en prenant des photos des PV de chaque bureau de vote. Il a casqué fort pour se donner les moyens : achat de plusieurs ordinateurs, tablettes et même un serveur. Sur Rfi et France 24, il a dévoilé ce plan au grand public. « Nous sommes en train de nous organiser pour avoir tous les résultats en temps réel. Nous allons déployer 32 000 délégués dans les bureaux de vote pour que, dès que le dépouillement sera terminé et le PV dressé, nous ayons les résultats. Si nous avons des résultats qui confirment qu’on a gagné, on le dira parce qu’on publiera les résultats qu’on obtiendra au fur et à mesure pour que le peuple guinéen soit informé. Au cas où nous perdions, je serais le premier à féliciter monsieur Alpha Condé. Mais si nous gagnons et qu’il se proclame vainqueur, on ne l’acceptera pas ». D’aucuns avaient estimé qu’il n’était pas prudent de le dire en public, parce que cela pourrait donner des idées à plus d’un …turbulent.

Si le RPG n’a pas réagi, Mamadi 3 Kaba, mégaphone de la CENI, a rappelé qu’il n’est pas prévu de donner une copie du PV aux partis. Les articles 83, 84 et suivants,  du code électoral révisé indiquent que le PV doit être imprimé en 5 exemplaires dont une copie à la CACV, une au président de la CENI, une au ministre de l’Administration du Trottoir et de la Décentralisation et deux aux démembrements de la CENI. Le mégaphone exclut toute photocopie qui serait d’ailleurs «illisible».

Ce que sieur Kaba ne dit pas, ce qu’il n’est pas interdit de photographier le PV, comme le prévoit le plan de l’UFDG. Mais déjà, la Petite Cellule Dalein tire la sonnette d’alarme : « Constatant son échec inévitable à l’élection présidentielle, Alpha Condé multiplie les actes lui permettant d’opérer un hold-up électoral le 18 octobre. Il vient de décider que le représentant d’aucun candidat n’aura droit à une copie du PV d’un bureau de vote lors de l’élection présidentielle. C’est une décision extrêmement grave qui viole le code électoral et privera les candidats d’une pièce à conviction permettant de prouver le cas échéant toute fraude, notamment par falsification ou substitution de PV. Si cette décision est appliquée, elle ôtera toute transparence et toute crédibilité au scrutin ».

Me Mohamed Traoré, avocat et membre du FNDC a lui aussi un plan : « Il est permis à un huissier de justice mandaté par un candidat de faire des photographies pour appuyer les PV de constat qu’ils seront amenés à établir. Ce serait certes risqué dans certaines zones, mais ce sont les risques du métier. Par ailleurs, il semble que certains soutiennent qu’un procès-verbal de constat d’huissier établi un jour non ouvrable n’est pas valable. Mais si le scrutin a lieu un jour non ouvrable, c’est exactement le jour indiqué pour l’établissement d’un procès-verbal constatant les anomalies relevées par l’huissier de justice. Cet argument doit donc être balayé du revers de la main ». Ces méthodes sont utiles si la CENI veut la transparence, la traçabilité des PV, mais sieur Kaba a tiré le vin. Il faudra faire avec la loi, toute autre méthode, aussi transparente soit-elle, peut être écartée. Tout simplement !

Au cas où cette méthode de l’UFDG tombe à l’eau, la fraude électorale sera difficile à détecter. Et si elle est détectée, il sera compliqué de prouver que tel ou tel autre PV a été falsifié, faute de preuves. Mais avant, il faudra bien trouver cet agent prêt à aller à Kankan, Labé, Pita ou autres, pour photographier ces PV. C’est l’autre paire de manche.

Oumar Tély Diallo