Le régime du PDG-Sékou Touré s’est nourri de bruits de subversions et de complots tout au long de son existence. Fort de l’intoxication et de la manipulation de ses médias, il ne pouvait apparaître aux yeux de l’opinion internationale que comme la victime expiatoire de l’impérialisme et de ses suppôts. Quasiment chaque couche sociale a fomenté son complot. Ibrahima Diallo et autres Sadou Bobo depuis Dakar, ont ouvert le bal en 1960. Les enseignants leur ont emboîté le pas en novembre 1961. Pour une simple revendication salariale, le pays s’est retrouvé face à un complot des plus destructeurs, mené par Koumandian Kéita, le nouvel ennemi de la Nation. De toute évidence, Sékou avait pris la décision de « s’occuper » de tous ceux qui pouvaient lever la tête et parler en toute indépendance. Dans le lot, tous ceux, nombreux, contre lesquels il avait gardé une dent pour quelque motif que ce soit. Keita Koumandian s’était retrouvé comploteur principal, dénoncé par une dame que le Président Sékou Touré ne haïssait pas beaucoup et qui, de surcroît, convoitait le poste de secrétaire général du syndicat des enseignants occupé par le même Koumandian. L’autre comploteur de taille, le Professeur Niane Tamsir Djibril, avait commis le péché d’avoir écrit ce poème : « J’ai dit non, toi aussi tu as dit non, le méchant colon est parti. A sa place, liberté est venue, escortée de démocratie. Responsabilité suivait d’un pas grave. J’ai dit non, toi aussi tu as dit non. Aussitôt, richesse est venue. Et dans ta gibecière s’est logée. Auprès de moi, resta pauvreté. Et pourtant, j’avais dit non. Toi aussi d’ailleurs. »

Pratiquement, tous les deux ans en moyenne, Sékou éventait un complot. Les Guinéens n’ont pas encore définitivement fini de dresser la liste de ceux qui les fabriquaient à une cadence aussi élevée. Après les paysans et les enseignants, les commerçants ont eu le leur, la loi-cadre de 1964 était passée par là. Les militaires en 1969. Les mercenaires en 1970. Les Peuls en 1976. Les femmes en 1977. Il s’en est fallu de peu que la contre-révolution ne triomphe, heureusement le président-stratège s’est rangé derrière elles pour fustiger sa propre police économique. Juste pour sauver sa peau.

Chercheurs, idéologues et fanatiques ont longtemps épilogué sur la véracité des complots contre Sékou Touré et sa Révolution multiforme. Surtout après la grenade non dégoupillée que Bah Lamine Teint Clair, ancien comptable à RCA, avait gentiment glissée sous ses pieds au Palais du Peuple en 1980. Le PDG en avait brodé toutes sortes de légendes … révolutionnaires.

On pourrait peut-être ajouter à liste des éléments protecteurs du président guinéen, la chance et l’arrivée à l’Elysée de Valéry Giscard d’Estaing après la mort le 2 avril 1974 de Georges Pompidou. Ce gaulliste convaincu avait fini par accepter de « régler le compte » du Président Ahmed Sékou Touré et sa révolution multiforme. L’occasion aura été belle pour Giscard de prouver que les non-Gaullistes pouvaient ne pas l’entendre de cette oreille. Et Sékou aura sauvé sa peau grâce à la querelle franco-française. C’est cela aussi l’Histoire.

Diallo Souleymane