(Par Saliou Diallo)

Tirée de la page Facebook de Saliou Diallo, cette lettre a été rédigée avec le cœur et les larmes au nom de Roger Bamba, assassiné par la barbarie du système Alpha Condé, cet ancien panafricaniste à ses heures perdues. Elle nous rappelle celle de Patrice Lumumba à sa femme voici une soixantaine d’années. Triste anniversaire ! Merci de les lire, en hommage à Roger Bamba et à Patrice Lumumba

Je me nomme Roger Bamba, ils m’ont tué..! Oui, ils m’ont tué pour la simple raison que je suis opposé à leur fameux troisième mandat. Ils m’ont intimidé pour un début ! Voyant que cela ne m’ébranle pas, ils m’ont menacé et, par la suite, ils m’ont arrêté, ils m’ont emprisonné sans raison. Ils m’ont séparé de ma famille, de ma femme et de mes deux enfants. Seul Dieu sait combien de temps celle-ci pleurera mon absence.

Aujourd’hui, ils ont obtenu ce qu’ils ont voulu. Ils m’ont tué..! Ils m’ont tué. Ils m’ont tué. J’aurais tellement aimé voir mes enfants grandir sous mes yeux, m’occuper d’eux, assurer leur instruction et leur éducation dans un pays de liberté, de démocratie, de droit à la vie. Une république débarrassée de toute velléité de soumettre l’homme aux caprices des hommes. Hélas ! Ils m’ont privé de tout cela !

Ils m’ont certes tué, mais dites-leur: le combat continuera de la plus belle des manières. Je m’en vais pour mon sommeil éternel, mais dites-leur de se préparer conséquemment, car nous aurons beaucoup de choses à nous dire devant l’être suprême le jour du jugement dernier. A ma femme, à mes enfants, parents et amis, je dis : merci. Pleurez peu, priez beaucoup ! Moi, je continue mon sommeil ! À Dieu.

S D

Ma compagne chérie,

Je t’écris ces mots sans savoir s’ils te parviendront, quand ils te parviendront et si je serai en vie lorsque tu les liras. Tout au long de ma lutte pour l’indépendance de mon pays, je n’ai jamais douté un seul instant du triomphe final de la cause sacrée à laquelle mes compagnons et moi avons consacré toute notre vie. Mais ce que nous voulions pour notre pays, son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restrictions, le colonialisme belge et ses alliés occidentaux – qui ont trouvé des soutiens directs et indirects, délibérés et non délibérés, parmi certains hauts fonctionnaires des Nations-Unies, cet organisme en qui nous avons placé toute notre confiance lorsque nous avons fait appel à son assistance – ne l’ont jamais voulu.

Ils ont corrompu certains de nos compatriotes, ils ont contribué à déformer la vérité et à souiller notre indépendance. Que pourrai -dire d’autre ? Que mort, vivant, libre ou en prison sur ordre des colonialistes, ce n’est pas ma personne qui compte. C’est le Congo, c’est notre pauvre peuple dont on a transformé l’indépendance en une cage d’où l’on nous regarde du dehors, tantôt avec cette compassion bénévole, tantôt avec joie et plaisir. Mais ma foi restera inébranlable. Je sais et je sens au fond de moi-même que tôt ou tard, mon peuple se débarrassera de tous ses ennemis intérieurs et extérieurs, qu’il se lèvera comme un seul homme pour dire non au capitalisme dégradant et honteux, et pour reprendre sa dignité sous un soleil pur.