Alpha Condé conserve le pouvoir en prêtant serment pour un troisième mandat. En manipulant grossièrement la constitution guinéenne, il n’est, selon lui, qu’à son premier mandat de sa quatrième république. Evidemment, personne n’est dupe. Avec un fichier électoral opaque, une Ceni corrompue, une Cour constitutionnelle pourrie et une CEDEAO complaisante, il ne fallait pas simplement être fou pour affronter Alpha Codé, mais être faux pour l’accompagner dans une aventure au résultat préfabriqué. Certains ont constaté, lors de sa prestation de serment, qu’Alpha Condé n’a pas observé la minute de silence espérée pour les victimes des violences qui ont suivi la mascarade électorale. Peut-on demander à un bourreau d’avoir de la compassion pour ses victimes?
En revanche, le maître des lieux a invité les Guinéens à oublier le passé. Donc son mandat se prolonge par un plan d’amnésie collective. Si on le comprend bien, le massacre du « Stade du 28 Septembre », les assassinats et viols ciblés, les arrestations arbitraires, les propos haineux et les destructions de biens sont à oublier. Il ne suffit même plus de tourner la page mais d’arracher la feuille afin d’effacer toute trace d’injustices et de crimes. Si on ne voit rien, c’est qu’il n’y a rien à voir. On sait très bien où peut mener ce genre de raisonnement prisé par les négationnistes.
Mais la réalité est dure et elle est bien là. Alpha Condé poursuit un mandat commencé en 2010. Il ne s’est jamais battu pour la démocratie en Guinée mais uniquement pour accéder au pouvoir. Sur ce plan, ses efforts ont payé et il a atteint son objectif. A chaque étape de son parcours, lui qui ne s’aventure jamais seul, cherche un accompagnateur. Il en a trouvé un en la personne de Cellou Dalein Diallo. Ce dernier a été trois fois à l’entrée du palais présidentiel mais on lui a refusé l’accès au fauteuil du président. Croyant en sa bonne étoile, « kaou » Cellou n’est pas encore K.O. et pense déjà à la prochaine présidentielle, admettant implicitement avoir perdu celle de 2020.
Quelle détermination pour le candidat permanent de l’Ufdg ! J’ai du mal à comprendre qu’un homme aussi intelligent ne comprenne pas les rudiments de la conquête du pouvoir. Lorsqu’on brigue la présidence, on n’accompagne personne; on est accompagné par une équipe solide, avisée et déterminée. On reste le guide; on est suivi; on ne suit pas. Cette stratégie suppose deux qualités: le talent et le courage. La première s’apprend et s’améliore; la seconde semble innée. On a le courage ou on ne l’a pas !
Cellou persiste à conquérir le pouvoir mais sans s’en donner les moyens. Il n’est peut-être pas encore fatigué mais il devient maintenant très fatigant. Combien de victimes en son nom? L’Ufdg dira toujours que ceux qui sont morts ne l’ont été que pour l’instauration de la démocratie. N’ayons pas peur des mots. Cellou est à son troisième échec. Dans la démocrature guinéenne, il ne suffit pas d’avoir la majorité des électeurs avec soi pour remporter la présidence. C’est la Céni qui désigne le gagnant, en comptabilisant ce qu’on lui dicte, que les bulletins sortent des urnes ou même d’un urinoir. Actuellement, je ne vois pas comment Cellou pourrait accéder à la présidence de la république. J’insiste sur l’adverbe « actuellement » car c’est difficile de prévoir l’évolution politique de la Guinée.
L’Ufdg, d’envergure nationale, devrait revoir sa stratégie. Ce parti regroupe des talents étouffés par des mesquineries intestines comme si sa devise était: » tout pour le chef ». CDD désigne Cellou Dalein Diallo mais ce sigle pourrait signifier contrat à durée déterminée. Une constitution, même violée, limite le nombre de mandats électifs. Il ne serait pas idiot de limiter celui des échecs successifs.
En 2010, CDD était un espoir ; en 2015, un problème ; en 2020, un boulet. Lorsqu’il a proclamé dernièrement sa victoire, c’était politiquement bien joué mais légalement contestable. Un forcing n’est possible que si on a de la force, sinon c’est de la farce. Par narcissisme, Cellou a fait cavalier seul en allant aux élections, trahissant ses alliés de l’opposition. Il a raté son coup et maintenu une honte entretenue par sa cellule de communication particulièrement minable. Maintenant le cavalier n’a plus de cheval. Il est confiné à domicile, le siège de son parti, saccagé et beaucoup de ses partisans, arbitrairement détenus. Cellou est comme un général coupé de son état-major en plein combat et dont l’ennemi attend la reddition.
Le réalisme voudrait que CDD démissionne de son poste. Même dans le sport, lorsqu’une équipe perd plusieurs fois de suite, son entraineur prend dignement la porte avant qu’on ne l’éjecte par la fenêtre. Drôle d’Ufdg dont le véhicule est victime de crevaison mais qui n’a pas de roue de secours. Qu’El Hadj Mamadou Cellou Dalein Diallo, ayant montré ses limites, passe la main la tête haute et reste, éventuellement, le président d’honneur d’un parti qui se bat mal mais s’adapte aux conditions qu’on lui impose.
On a beaucoup parlé de l’accompagnateur; revenons encore un peu sur l’accompagné, à savoir le méchant gagnant. Ce n’est pas parce qu’on peut tout avoir qu’il faudrait tout rafler. Aujourd’hui, Alpha Condé est reconnu comme le président de la Guinée. Ne serait-il pas bien inspiré d’être celui des Guinéens? A l’annonce de sa victoire, ses propres partisans étaient juste contents mais sans enthousiasme débordant. Chacun est heureux de voir un des siens au pouvoir mais les réalités de la vie quotidienne sont incontournables. On cherche à survivre dans un climat de violence et d’insécurité permanente.
Les discours et actes d’Alpha Condé sont ceux d’un chef de clan. Il a fait des forces de sécurité une milice personnelle terrorisant des civils. Il emploie les recettes minières du pays sans aucun contrôle parlementaire. Son stratagème est de modifier à sa convenance la constitution pour créer, le moment venu, une nouvelle république mettant les compteurs à zéro. Ainsi la Guinée aura bientôt une cinquième puis une sixième république sortie de la couveuse politicienne du Rpg. Un scénario cauchemardesque !
Personne ne demande à l’enseignant qu’aurait été Alpha Condé de dispenser des cours en amphi mais d’effectuer des travaux dirigés, cette fois, vers le développement politique, économique et social de la Guinée. C’est la seule manière pour un oppresseur de conserver son titre contesté de professeur.
Ibrahima Kilé Diallo