Le Covid-19 a poussé le monde à la solidarité. Dès le début de la pandémie, les pays riches ont plaidé pour que les Etats africains disposent des moyens financiers pour répondre à la crise sanitaire La prise de conscience est mondiale. À la mi-avril, le G20, le club regroupant les pays riches et les émergents adopte un moratoire sur la dette des pays pauvres. Il concerne d’abord l’année 2020 et sera prolongé en octobre jusqu’en avril 2021. Soixante-dix, pays dont une trentaine en Afrique, bénéficient d’un gel des remboursements de leur dette. L’Ivoirien Tidjane Thiam, émissaire de l’Union africaine pour la crise Covid, saluait à l’époque cette initiative. « Tout le monde voit maintenant que c’est la manière la plus rapide de mettre de l’argent immédiatement sur le terrain pour agir au profit des populations, plutôt que d’attendre des décaissements qui, dans le meilleur des cas, mettront des semaines à arriver dans les différents pays. »
Moratoire portant sur 5,7 milliards de dollars de créances
Le moratoire porte sur 5,7 milliards de dollars de créances. Mais au vu l’ampleur de la crise, il est loin de suffire à régler tous les problèmes notamment pour les pays africains. Ce moratoire ne porte en effet que les dettes détenues par des créanciers publics membres du club de Paris. L’immense dette détenue par la Chine, premier créancier de l’Afrique et la tout aussi immense dette aux mains des créanciers privés ne sont pas concernées. Le G20 a donc cherché des solutions. Mais si la Chine a accepté le principe d’un mécanisme commun destiné à mettre en place des rééchelonnements de dette, en revanche les créanciers privés font toujours la sourde oreille. Il est donc vite apparu qu’on ne pourrait pas élargir le moratoire, encore moins annuler toute les créances africaines. Rappelons que la dette globale du continent atteint 1800 milliards de dollars.
Cependant, les grandes puissances et les pays émergents sont tombés d’accord sur le principe de corriger une injustice qui frappe l’Afrique, celle des taux d’intérêts prohibitifs payés par les pays africains quand ils ont recours aux marchés financiers. Là où l’Europe emprunte à un demi, voire à zéro pour cent, l’Afrique emprunte à six ou sept pour cent.
L’idée qui circule entre les capitales de la finance mondiale, et les institutions de type FMI est de permettre aux Etats de troquer leurs dettes à taux élevés contre des dettes à bas taux, ce qui permet d’énormes économies sur les remboursements. Une proposition notamment mise sur la table par le Comité économique pour l’Afrique des Nations unies.
Le FMI réfléchit aussi à une autre hypothèse pouvant permettre aux pays africains d’accéder à d’immenses liquidités. Il s’agirait de lancer une émission extraordinaire de DTS, les fameux droits de tirage spéciaux, cet instrument financier créé par le Fonds monétaire international. Les DTS sont en fait des créances que les Etats peuvent convertir en monnaie : 500 milliards de dollars en DTS pourraient suffire à l’Afrique.
Reste à convaincre tout le monde à commencer par les États-Unis comme l’explique Benoît Chevalier, spécialiste de la dette et enseignant à SciencePo Paris. « C’est un débat qui, jusqu’à présent, a fait l’objet d’un blocage de l’administration américaine, c’est-à-dire de l’administration Trump. Donc le point d’interrogation que l’on a sur 2021, c’est de savoir quelle va être l’attitude de l’administration démocrate par rapport à cette augmentation des DTS. Puisque si les États-Unis levaient leur veto sur cette augmentation, elle aurait lieu, ce qui permettrait de dégager un certain nombre de ressources supplémentaires au bénéfice des économies africaines.
Ces solutions actuellement en débat seront sur la table en mai prochain, date à laquelle se tiendra à Paris une grande conférence internationale sur la dette africaine et le financement des plans de relance pour le continent.
Avec RFI