Il ne fallait pas l’écrire. Ou, du moins, le faire sans avoir associé la personne du Premier ministre, Ibrahima Cas-Sorry Fofana, à des telles révélations accablantes, surtout au moment où les appétits politiques s’aiguisent. L’on est à la veille de la nomination d’une nouvelle équipe goubernementale. L’ancien ministre de l’Education nationale et de l’alphabétisation, Ibrahima Kalil Konaté alias K2, a dédicacé, le 23 décembre à Cona-cris, ‘’La détention arbitraire d’Alpha Condé : rétablir la vérité’’ L’ouvrage a porté des coups sévères à des ambitions politiques des uns et des autres, torpillé les espoirs politiques. Maladresse, audace ou ambitions politiques cachées ? C’est K2 qui vous répondra.
Dans un passage du livre, l’ancien ministre a souligné que l’actuel Premier ministre, Ibrahima Cas-Sorry Fofana et Sékou Koureissy Condé, leader politique, seraient impliqués dans l’arrestation du Prési Alpha Grimpeur en 1998, à Pinè (Lola), en Guinée Forestière. «A la fin de la campagne, sachant que tous les leaders de l’opposition avaient demandé fermement à la population de refuser les résultats s’il y avait fraude, le gouvernement avait décidé de les mettre tous en résidence surveillée. En réalité, le Professeur Alpha Condé était celui qui était le plus visé et ils avaient décidé de l’arrêter. Le ministre de la Sécurité, Sékou Koureissy Condé, et son mentor, Ibrahima Kassory Fofana, étaient les plus acharnés. Kassory Fofana, qui se considérait comme le dauphin, avait fait une OPA (Offre publique d’achat) sur l’Etat et l’administration. Il avait tissé une véritable toile d’araignée sur l’appareil d’Etat. Pour lui, le professeur Alpha Condé était le seul obstacle à ses ambitions. Aussi, lorsque le président de la République a demandé à ce qu’il soit en résidence surveillée, ils l’en ont dissuadé, arguant que dès qu’il est libéré, la Guinée serait envahie et le pouvoir renversé. Ils disaient détenir des preuves irréfutables. Le Président, dont le souhait a toujours été de l’éliminer de la scène politique, mieux de l’éloigner même du pays, leur a donné le feu vert », a affirmé Ibrahima Kalil Konaté.
Vente suspendue
L’auteur de l’ouvrage aurait-il été engagé, ou agi, de sa propre initiative pour publier « un document si sensible ?» Ayant suscité tant de récriminations de part et d’autre, l’auteur a suspendu la vente de son œuvre. «C’est l’auteur qui a demandé de le mettre de côté. C’est l’auteur, le propriétaire de l’ouvrage. Ce qu’il demande, c’est ce qu’on fait. Donc, on l’a mis de côté”, a précisé Sansy Kaba Diakité, le dirlo de la maison d’édition Harmattan-Guinée.
Selon nos confrères de Mosaiqueguinée, c’est le Prési Alpha Grimpeur qui aurait soufflé le premier sur l’Harmattan pour en accentuer les méfaits. Alors que «les mêmes sources affirment que le Président Alpha Condé aurait précédemment appelé l’auteur, en faisait savoir à celui-ci, tout son engagement à la suite de la publication de ce livre », rapporte le site et d’indiquer que le Prési Alpha Grimpeur aurait reçu le livre des semaines avant sa dédicace.
L’auteur s’en offusque
«Ils veulent politiser et ethniciser pour dire que K2 ne veut pas que tel soit Premier ministre au profit de tel. Cela donne la paresse aux écrivains d’écrire sur notre histoire. J’étais en train de travailler sur ce livre depuis trois ans. J’ai changé le titre 3 fois. Je ne sais pas si c’est la tête de quelqu’un qu’on veut ou si c’est ma tête. Mais moi, je n’ai fait que retranscrire les histoires. Kassory n’est pas le seul. L’actuel président de la Cour suprême, c’était lui qui avait condamné Alpha Condé à 5 ans de prison. Mais personne n’en parle. Cela n’a pas empêché Alpha de le nommer président de la Cour suprême. Et si Kassory avait des agissements sous le régime de Conté et qu’aujourd’hui les deux se sont réconciliés et qu’Alpha le nomme Premier ministre, où est le problème ? On m’a appris à l’école que l’histoire, c’est les faits passés. Dès lors qu’on refuse de parler des faits passés à cause des faits récents, l’histoire va mourir», a réagi l’auteur chez Africaguinée, le 25 décembre.
«Je n’ai pas arrêté Alpha Condé»
Si le Premier ministre Cas-Sory Faux-Fana, jaloux de son poste, n’a jusque-là pas réagi, Sékou Koureissy Condé, l’autre mis en cause, a pris la parole : «Je suis surpris. Je suis heureux (en 20 ans d’histoire) qu’on dise toujours ceci et cela et qu’on ne soit pas en mesure de montrer la moindre preuve. Ça ne s’est pas fait hier. Il y a 22 ans quand-même ! Alors, quand on dit toujours la même chose, c’est parce que les mêmes oreilles se prêtent à cela. Mais, je pense qu’il n’y a pas lieu de commenter ce fait qui a été, dans l’histoire de la Guinée, un événement malheureux. Celui qui a été concerné personnellement est aujourd’hui président de la République depuis 10 ans. Donc, je ne sais pas dans quelle intention et sur quelle base cela a été fait.» Dépité à l’Assemblée nationale, sous les couleurs de son ARENA, Sékou Koureissy Condé, a juré la main sur le palpitant qu’il n’est point associé à l’arrestation du l’opposant Alpha Grimpeur. «Je puis vous garantir encore une fois encore que je n’ai ni arrêté le Pr Alpha Condé ni été associé à son arrestation, ni membre d’aucune commission liée à la procédure. Et le procès a eu lieu six mois à Conakry. Mon nom n’a pas été cité ni de près ni de loin. On ne va pas quand-même vivre avec les rumeurs. J’étais ministre de la Sécurité Mais, la Sécurité n’a jamais été mêlée à cela : c’était une frontière militaire. Et le Professeur lui-même a dit qu’il a été arrêté par les militaires et convoyé dans un camp militaire.» Mais est-ce que cela suffira ? Qui vieillira verra.
Yaya Doumbouya