C’est grâce à la solidité des institutions américaines que le processus de désignation du président élu a abouti, le 6 janvier, au siège du Congrès, à Washington, alors que les amis du président Trump étaient persuadés d’avoir semé un chaos irréversible. « Les institutions fortes, plus sûres que les hommes forts », selon la théorie de Barack Obama.
Pour de nombreux Africains, le déferlement des partisans de Donald Trump, ce mercredi 6 janvier, sur le Capitole, démystifie quelque peu l’Amérique et remet en cause son aptitude à donner des leçons de démocratie. Pour dramatiques et peu glorieuses qu’elles soient, ces images suffisent-elles, pour autant, à disqualifier définitivement les États-Unis, par rapport à la démocratie en Afrique.
Au-delà des leçons dites de démocratie, ce qui importe, dans les propositions des pays occidentaux à l’Afrique, ce sont les valeurs. Pour vouloir l’état de droit et la démocratie pour son peuple, un vrai leader ne devrait pas attendre de se voir imposer ces valeurs par d’autres, comme leçons ou comme conseils. Et seuls ceux qui n’ont jamais nourri de réelles ambitions pour leur peuple prendraient prétexte du discrédit jeté par Donald Trump sur la démocratie américaine pour traîner encore plus les pieds en la matière.
L’irruption des partisans du président vaincu au Capitole ne sera, certes, pas une date des plus glorieuses de l’histoire des États-Unis. Mais, hormis la charge de discrédit – qui retombe essentiellement sur le président Trump –, ce 6 janvier 2021 conforte, en réalité, la solidité de la démocratie américaine, qui aura tenu, face aux manœuvres désespérées d’un dirigeant, à l’évidence, indigne de la charge de leader du monde libre. En dépit de ses gesticulations, de ses vociférations et de la violence de ses suiveurs, la victoire de son adversaire a été validée, et sa défaite, scellée. Par la force des institutions. Et cela mériterait bien quelques leçons, bienvenues en Afrique.
Quelles leçons, par exemple ?
Vous vous souvenez sans doute du premier discours de Barack Obama, en Afrique noire, en juillet 2009, au Ghana. Il soutenait alors que l’Afrique n’avait pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes. Nous y voilà ! Si les institutions n’avaient pas été aussi solides, aux États-Unis, Donald Trump aurait probablement eu gain de cause, et donc subtilisé la victoire à l’homme élu par le peuple américain. Trump a introduit une bonne quarantaine de recours, et il a été débouté une quarantaine de fois, pour absence de preuves. Une justice indépendante sait dire à un chef d’État qu’il a tort, lorsqu’il invente des fraudes imaginaires, pour nier sa défaite électorale. Il a exercé des pressions sur les dirigeants des États, afin que ceux-ci proclament des résultats contraires au choix des électeurs. Mais même ceux de son bord politique ont résisté aux pressions, n’ont pas cédé aux intimidations. Les institutions solides protègent les femmes et hommes qui les servent, et renforcent souvent leur courage et leur intégrité.
Mais, d’ici à l’investiture de Joe Biden, le 20 janvier, Donald Trump et ses suiveurs peuvent encore surprendre…
Absolument ! Mais la solidité des institutions, l’intégrité de ces serviteurs assermentés de l’État et leur vigilance sont autant de barrières dissuasives qui vouent à l’échec les tentatives désespérées de Donald Trump pour confisquer le pouvoir. Et déjà, la réflexion est en cours, qui vise à empêcher, à l’avenir, un futur Trump d’aller aussi loin. L’éventuelle leçon que pourrait proposer, aujourd’hui, Washington à l’Afrique traiterait de la manière de déjouer les ruses d’un président sortant qui, bien que battu, tenterait, par tous les moyens, de s’incruster. Un tel cours, dispensé par les Américains, quel peuple, en Afrique, ne rêverait de le suivre ! En toute humilité !
Jean Baptiste Placca, RFI